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Actualités - OPINION

La guerre des identités

Il est des vérités qui font mal. Mais ce n’est pas en les occultant que l’on parviendra à gommer les séquelles d’une guerre civile qui a bel et bien eu lieu. Les nationalistes, qui invoquent constamment le prétexte de la guerre des autres sur le territoire pour justifier les combats fratricides qui ont opposé les Libanais de toutes les communautés, ont toujours réclamé à cor et à cri le retrait des forces étrangères du Liban. Selon eux, c’est ainsi que le pays retrouvera sa prospérité et sa paix d’antan. Une vision aussi simpliste est désolante. Comprenons-nous : il n’est nullement question de contester ici la légitimité de cette revendication. Mais il ne faut pas se leurrer : l’indépendance seule ne réglera pas les problèmes de fond sans lesquels les interventions extérieures n’auraient pas eu lieu d’être. Il y a de toute évidence un choc de cultures dans ce pays aux multiples contradictions ; un choc qui, contrairement à certaines idées reçues, n’est pas seulement de nature confessionnelle. Le mal profond qui tourmente les Libanais de plus en plus nombreux à émigrer est celui de l’identité. Les députés ont cru y remédier à Taëf en soulignant, dans le préambule de la Constitution, que le Liban était arabe. On croyait ainsi dissiper toute équivoque et faire un sort à tous les «isolationnistes» présents et futurs. Néanmoins, en cette ère de mondialisation effrénée, la question brûlante est la suivante : le Liban n’est-il donc qu’arabe (une identité qui reste d’ailleurs à définir) ? N’est-il pas aussi chrétien, musulman, francophone (sinon à quel titre recevrions-nous le prochain sommet en 2001 ?), anglophone, phénicien (ô combien mercantile), féodal, tribal... Pourquoi donc s’obstiner à coller une étiquette à ceux qui, dans leur écrasante majorité, se reconnaissent dans plusieurs de ces appartenances ? N’est-ce pas l’une des principales raisons qui incitent les jeunes à être de plus en plus nombreux à émigrer vers des cieux plus tolérants ? Déjà au siècle dernier, Gibran Khalil Gibran disait, la mort dans l’âme : «Vous avez votre Liban et j’ai le mien». Il a fini ses jours aux États-Unis, dans l’impossibilité de vivre «son Liban» dans sa patrie. Combien de «cerveaux» ont pris et continuent ainsi à prendre le chemin de l’exil ? Mais il y a plus grave : il y a en effet ceux qui vivent leur exil sur place, en se déconnectant totalement de leur milieu. Ont-ils raison ou tort ? Là n’est pas la question. Si l’on veut que ces Libanais n’aillent pas enrichir économiquement et intellectuellement les sociétés occidentales, il faut les convaincre de rester. Pour cela, il convient de leur offrir ici ce qu’ils trouvent ailleurs en Occident : le pluralisme culturel ou le droit d’assumer l’identité ou les identités de leur choix.
Il est des vérités qui font mal. Mais ce n’est pas en les occultant que l’on parviendra à gommer les séquelles d’une guerre civile qui a bel et bien eu lieu. Les nationalistes, qui invoquent constamment le prétexte de la guerre des autres sur le territoire pour justifier les combats fratricides qui ont opposé les Libanais de toutes les communautés, ont toujours réclamé...