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Actualités - REPORTAGES

Crise économique Manque de liquidités, endettement accru : grogne générale des commerçants

Nul n’ignore le lourd héritage laissé par l’ancien gouvernement au niveau de la dette publique mais l’on se plaint aujourd’hui d’une mauvaise gestion des dossiers. Le gouvernement ne tranche pas et l’arrêt de l’inflation n’est pas suffisant. À ceci s’ajoute le fait que les perpectives de croissance économique en 1995 ont engendré des dépenses structurelles énormes de la part des commerçants et autres acteurs économiques alors que le retour sur l’investissement se fait toujours attendre. La création d’un environnement plus propice à la relance économique est donc une priorité. Entre-temps, c’est la grogne parmi les commerçants et le manque de liquidités sur le marché touche autant le commerçant, son fournisseur que le client. «Nos doléances et nos problèmes sont les mêmes depuis près de cinq ans», affirme Nadim Assi, président de l’Association des commerçants de Beyrouth, qui craint que leurs revendications ne soient renvoyées une nouvelle fois aux calendes grecques en raison de la prochaine échéance électorale. La voix des commerçants n’a été jusqu’à aujourd’hui qu’un cri dans le désert. Rien n’a presque changé depuis la formation de l’actuel gouvernement. L’Association des commerçants de Beyrouth a présenté plusieurs projets pour dynamiser l’activité commerciale, projets, qui sont restés lettre morte. Cette activité, rappelle-t-on, est d’autant plus importante qu’elle représente, avec les services, plus de 60 % du PIB. Il s’agit a priori de réformer des lois archaïques, en l’occurrence le code de commerce et la loi sur la sécurité sociale. «Dans le contexte légal actuel, le gouvernement est en train de sanctionner le commerçant au lieu de l’encourager à élargir sa part du marché», dit M. Assi. Il réclame par ailleurs que le gouvernement amorce une politique d’ouverture basée sur une révision à la baisse des taxes douanières et un amendement de sa politique fiscale. Il dénonce le laxisme du pouvoir tout en reconnaissant le manque de liquidités sur le marché. «L’endettement à des taux d’intérêt raisonnables est un signe de bonne santé de l’entreprise. Il permet la modernisation de sa structure et son expansion. Mais tel n’est pas aujourd’hui le cas des entreprises libanaises», souligne-t-il. Les commerces de luxe Les commerçants de Verdun ne sont pas à l’abri du marasme économique. Ils sont touchés par la crise à l’instar des commerçants dans les autres régions du pays même si leurs produits exposés à la vente sont destinés à une catégorie de clientèle supposée aisée. Les frais d’installation et de fonctionnement des boutiques de luxe sont nettement plus élevés que ceux des commerces destinés au consommateur moyen. En plus, 30 % de leur clientèle locale se trouverait hors du pays. Quant aux touristes arabes, qui ont un pouvoir d’achat important, ils continuent pour l’instant à bouder les souks du Liban. «Aujourd’hui, notre meilleure clientèle est celle qui vient d’Alep pour faire du shopping», dit Raymond Nahas, président du syndicat des commerçants. Pour assurer une certaine relance économique, il est nécessaire d’injecter de l’argent frais sur le marché. «Or, l’État non seulement manque d’initiatives, mais retarde le paiement des factures des partenaires économiques du secteur privé», dit-il. Toujours est-il que M. Nahas ne déculpabilise pas certains commerçants qui sont aujourd’hui au bout du gouffre. Ils ont contracté des dettes et des engagements divers qui dépassent leur capacité à les honorer. «Cette crise servirait au moins à redimensionner et à assainir le secteur du commerce», souligne le président de l’Association des commerçants de Verdun qui se prononce par ailleurs pour une politique économique agressive de la part du pouvoir. «Une politique de non-paix et de non-guerre ne sert pas les intérêts du pays. Il faut trancher dans un sens ou dans l’autre, on ne peut attendre indéfiniment», dit-il. M. Nahas souhaite que l’État mise sur le potentiel financier des 18 millions d’émigrés libanais et s’emploie à créer un environnement propice susceptible de les inciter à venir investir dans leur pays d’origine. C’est un cri de colère que lance, de son côté, Walid Néouchi, président de l’Association des commerçants de Hamra. Les commerçants sont accablés par le poids des taxes. Lesquelles sont, à son avis, injustifiées. «L’État prend et ne donne rien en contrepartie», dit-il. Il accuse le gouvernement de mauvaise gestion des dossiers et de manquer de vision d’avenir. Le gouvernement a des comptes à rendre à la population. Usure des moyens de financement «Passé un certain délai, si son action n’est pas concluante, il faut qu’il démissionne», dit-il. Répondant à une question, M. Néouchi affirme qu’il y a peu de solidarité entre les présidents des associations des commerçants. Certains d’entre eux refusent de se prononcer sur la crise économique parce qu’ils ont des visées politiques. Roger Melki, économiste, estime que le manque de liquidités sur le marché est une conséquence normale de la politique de financement des entreprises commerciales suivie jusqu’à ce jour. «Le manque de croissance engendre une incertitude. Et nul n ’entend prêter de l’argent à des entreprises qui sont en difficulté. Les acteurs économiques ont trop tiré sur la corde des prêts. En accordant beaucoup de facilités aux acheteurs sans toutefois garantir le paiement, les commerçants ont augmenté l’endettement de leurs entreprises», dit-il. La liquidité dépend de la santé de l’entreprise. Or, aujourd’hui, les formes de financement sont à l’usure. Les banques se trouvent saturées par les dettes. Elles ne sont plus intéressées par les garanties réelles et ne veulent plus des moyens de financement collatéral. Les commerçants se sont rabattus alors sur les crédits fournisseurs. L’abus de ce moyen de financement, la baisse de la marge des profits et du pourcentage de vente ont contribué à renforcer le manque de liquidités sur le marché. M. Melki appelle à une restructuration des entreprises et à une révision de leur politique de gestion des réserves. «Parallèlement, l’État ne doit pas être le garant des actifs sociaux, un rôle qui n’est plus de mise dans le monde», dit-il, ajoutant que toutes les restructurations provoquent des filets sociaux mais l’État n’est pas censé intervenir dans l’exploitation mais juste absorber le choc social pour une période transitoire. Pour Roy Badaro, membre du conseil d’administration de la Chambre de commerce et d’industrie de Beyrouth et du Mont-Liban, il existe une absence de décision au niveau de l’État dans son ensemble et non seulement au niveau du gouvernement. «Il y a un vrai problème structurel qui concerne tant l’Exécutif, le Législatif que les organismes de contrôle de l’État», dit-il.
Nul n’ignore le lourd héritage laissé par l’ancien gouvernement au niveau de la dette publique mais l’on se plaint aujourd’hui d’une mauvaise gestion des dossiers. Le gouvernement ne tranche pas et l’arrêt de l’inflation n’est pas suffisant. À ceci s’ajoute le fait que les perpectives de croissance économique en 1995 ont engendré des dépenses structurelles...