Et maintenant ?

Une page est tournée. Elle l’a été avec une précipitation que ne prévoyait personne, de ce côté-ci de la frontière. Vingt-deux ans d’occupation israélienne venue à terme en moins d’une semaine, vingt-deux ans, peu de chose au regard de «la longue durée», suffisamment néanmoins pour avoir connu des drames et des trahisons, le bouleversement d’une invasion massive, et l’usure, l’usure quotidienne de la société civile. Et des morts, et la honte, et la haine. Bref, tout le fatras des occupations militaires de par le monde. L’humiliation. Une page est tournée. Reste une population encore imprégnée par la peur, cette désormais vieille habitude qui ne disparaît pas d’un coup de baguette magique, qu’il faudra amadouer ; une population à persuader qu’une sécurité véritable s’instaurera, à laquelle il faudra donner preuve sur preuve qu’elle est à l’abri pour qu’elle commence à y croire. Une page est tournée mais il reste ce qu’il reste. Il reste la tournée de l’envoyé spécial de l’Onu, les options de la France, la position de la Syrie, les têtes pensantes du Hezbollah, l’évaluation des États-Unis. Et puis il reste le Liban, à la merci d’une autre présence étrangère, à la merci de lui-même avant tout. Une victoire comme celle qui vient d’être achevée pourrait lui être l’occasion d’un approfondissement de sa pensée politique et d’un regain de confiance en la possibilité de sa propre souveraineté. Il pourrait aussi la gâcher, et ce serait dommage.