Fidèlement vôtre

À l’âge où l’on se construit en se créant des idoles, la mienne ne fut ni une rock-star, ni un philosophe, ni un champion de boxe. Je ne me souviens même plus des circonstances de notre première rencontre. L’intérêt quasi paternel qu’il a bien voulu porter à l’adolescent que j’étais et la fidélité indéfectible que j’ai eu le bonheur de lui offrir pendant près de quarante ans ne s’expliquent que par l’image quotidiennement renouvelée de courage, d’amour de la liberté, de patriotisme qu’il donnait à son entourage et ce goût passionné de la vérité qui le poussait à discuter pendant des heures avec tout interlocuteur. Amid, vous m’avez permis de vivre à vos côtés. Je vous ai connu dans un pays où tout le monde est en mal d’identité. Pour moi, vous avez incarné les racines depuis le début, je crois, puisque j’ai dû vous connaître en 1957 – j’avais quinze ans – dans un Beyrouth en ébullition et ultrapolitisé. Nul mieux que vous, me semble-t-il, n’a connu l’Histoire de ce pays , et vous vous plaisiez à me la raconter par le menu. Vous m’avez accordé votre confiance, vos confidences, et je me suis attaché à n’en jamais démériter. Vous avez guidé les choix les plus importants de ma vie. Le privilège de vous côtoyer au quotidien a forgé en moi, presque à mon insu, un homme assoiffé d’idéal. Aujourd’hui, il ne me reste que les mots, qu’un seul mot : merci. Amid, vous resterez ma mémoire. Vous serez présent à chaque instant dans mes pensées, dans mes actions et dans mes combats. J’ ai eu la grande chance d’avoir été votre ami et j’en suis fier. Vous resterez pour moi l’exemple. Ma reconnaissance pour vous sera éternelle.