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Actualités - REPORTAGES

Patrimoine - Trésors du musée national Le sarcophage d'Ahiram sauvé de la guerre (photos)

Apprendre à apprécier un héritage et un passé glorieux doit faire partie de nos traditions nationales. À cet égard, les trésors du Musée national méritent une place unique dans notre culture. En effet, le Musée a ceci de spécifique qu’il n’expose que des objets provenant de fouilles libanaises, représentatifs de toutes les époques. Afin de mieux les faire connaître aux Libanais, «L’Orient-Le Jour» lance une nouvelle rubrique hebdomadaire. Chaque semaine, un de ces objets sera présenté. Sa valeur artistique, sa signification historique, le lieu et les circonstances de sa découverte, ainsi que sa place dans le patrimoine seront détaillés dans les articles. Pour inaugurer cette série, et entrer de plain-pied dans l’histoire du Liban, nous avons choisi le sarcophage d’Ahiram, découvert dans la nécropole royale de Byblos, joyau du Musée national. La plus ancienne inscription phénicienne, sur pierre, est gravée sur cet objet funéraire datant du Xe siècle av. J-C. «Si un roi parmi les rois, ou un gouverneur parmi les gouverneurs, ou un chef d’armée monté à Gebal, ouvre ce sarcophage-ci, que le sceptre de son pouvoir soit brisé, que son trône royal soit renversé et que le calme disparaisse quant à Gebal et quant à lui, que son inscription soit effacée de la face de Gebal». En faisant graver sur le sarcophage de son père Ahiram cette malédiction, Ittobaal voulait lui assurer un paisible sommeil éternel, non troublé par les dévastations des conquérants et les déprédations des pilleurs. C’est pourquoi aussi, il avait choisi une tombe à l’accès difficile. En effet, le sarcophage, découvert dans la nécropole royale de Byblos, était dissimulé par deux autres sarcophages placés à l’intérieur de la chambre funéraire, à laquelle on ne pouvait accéder qu’en traversant un puits fermé par un mur de galets et rempli de terre. Autant dire tout de suite que ces précautions n’ont pas empêché le sac de la tombe. Comme cela ne se produit que trop souvent hélas, les pilleurs ont précédé les archéologues dans ce monde sacré. Mis au jour au début du siècle par l’égyptologue français Pierre Montet, chargé des fouilles à Byblos, le sarcophage du roi Ahiram a fait l’objet d’études de la part d’un grand nombre d’archéologues et d’épigraphistes. Dans son livre Les Phéniciens, Sabatino Moscati décrit le sarcophage d’Ahiram en ces termes : «De forme trapézoïdale, le sarcophage repose sur quatre lions accroupis. Sur ses grands côtés, des figures de procession sont sculptées. D’une part, on voit le souverain sur un trône, encadré par des sphinx, face à une table dressée vers laquelle s’avancent sept dévots et porteurs d’offrandes. D’autre part, c’est la procession de huit porteurs d’offrandes. Sur les petits côtés du sarcophage, des femmes qui se frappent la poitrine et s’arrachent les cheveux sont sculptées». Ces dernières ont été identifiées par Dussaud comme étant des pleureuses. Le couvercle du sarcophage est aussi orné de sculptures. Deux lions sont étendus, flanqués de deux figures tenant chacune une fleur de lotus à la main. Sur la cuve et sur le couvercle, la même inscription se répète; elle date du Xe siècle avant Jésus-Christ. Il s’agit de la malédiction lancée contre les conquérants de Gebal et les pilleurs des tombes, gravée sur le sarcophage à la demande d’Ittobaal. Le sarcophage, a-t-il été réemployé ? Le problème de la datation du sarcophage d’Ahiram remonte pratiquement à l’époque de sa découverte. Car les sculptures qui l’ornent datent du XIIIe siècle av. J-C, alors que l’inscription est du Xe siècle av. J-C. Pendant des décennies, les chercheurs ont cru à l’hypothèse du réemploi du monument par Ittobaal. Ce dernier, voulant honorer son père, aurait usurpé un sarcophage appartenant à un roi précédent. Mais une autre étude, se basant sur les techniques de la sculpture, a été élaborée ces dernières années. Ses résultats ont nuancé et précisé la théorie précédente. «Le sarcophage d’Ahiram peut être une retaille complète d’un sarcophage massif du Bronze moyen (2000-1600 av. J-C), à l’endroit même où il se trouvait depuis de nombreux siècles, écrit Jean Délivré dans l’ouvrage “Liban, l’autre rive”. Cette retaille a été grossière particulièrement du côté opposé à l’entrée (de la tombe). On a sculpté ensuite une scène historique et l’inscription du côté exposé à l’entrée de la tombe : la face principale du sarcophage, représentant le roi assis recevant les offrandes, était visible à un éventuel visiteur, de même que l’imprécation». De l’avis de Jean Délivré, la sculpture et l’inscription sont contemporaines et datent du Xe siècle, mais le sarcophage est une réutilisation d’un autre objet datant de plus de mille ans avant le règne d’Ittobaal, fils d’Ahiram. L’importance du sarcophage d’Ahiram réside notamment dans le fait qu’il porte vingt lettres de l’alphabet phénicien, principal témoignage, au Liban, du passage d’une écriture cunéiforme à un alphabet phonétique. Le sarcophage d’Ahiram est le joyau du Musée national. On doit sa conservation à l’émir Maurice Chéhab, ancien directeur général des Antiquités, qui l’a sauvegardé des bombes et des convoitises durant les années de guerre, en l’ensevelissant sous une coulée de béton. Dans une petite salle de projection, on peut assister au film de l’opération du sauvetage. On voit en particulier comment la chape de béton a été enlevée, et le sarcophage dégagé et nettoyé. Il est exposé au centre de l’aile gauche du rez-de-chaussée.
Apprendre à apprécier un héritage et un passé glorieux doit faire partie de nos traditions nationales. À cet égard, les trésors du Musée national méritent une place unique dans notre culture. En effet, le Musée a ceci de spécifique qu’il n’expose que des objets provenant de fouilles libanaises, représentatifs de toutes les époques. Afin de mieux les faire connaître aux Libanais,...