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Actualités - REPORTAGES

Portrait d'artiste - Stelio Scamanga expose à la galerie Janine Rubeiz jusqu'au 8 juin La lumière d'une certaine vérité (photos)

Comme tous les autodidactes, Stelio Scamanga est doté d’une mémoire prodigieuse. Aucun nom ne lui échappe, aucune année, qu’il s’agisse des peintres qu’il aime ou des étapes de sa vie. Il a appris l’arabe très rapidement, lui qui était d’origine grecque et est né à Damas en 1934. «Je suis arrivé à Beyrouth en 1952 pour passer mon brevet et, après avoir obtenu mon baccalauréat français et libanais en 1956, j’ai poursuivi des études d’architecture à l’AUB jusqu’en 1960», se souvient-il. Stelio Scamanga a commencé à peindre à 16 ans, grâce à l’impulsion d’un professeur d’anglais peintre : «Pendant 4 ans, j’ai copié les maîtres». En 1959, alors qu’il est responsable de la section culturelle de l’université, il organise une exposition collective des artistes en vue : Basbous, Khalifé, Najm, Sfeir, Guiragossian et Rayess. «C’est à cette occasion que j’ai rencontré Saïd Akl, qui a agencé ma première exposition, qui s’est tenue au palais de l’Unesco l’année suivante», se souvient-il. De ces paysages italiens – l’artiste, grand voyageur, commençait sa grande histoire d’amour avec l’Italie –, il voulait mettre en évidence «la lumière et le trait et la composition des couleurs». Révolte Salah Stétié lui consacre un article dans L’Orient-Le Jour, où il mentionne son travail sur la lumière et l’absence de personnages ou de foules. L’année 1961 est marquée par la mort accidentelle de son père, celui-là même qui l’avait poussé vers des études «sérieuses» et qui l’a convaincu pendant très longtemps que la peinture ne pouvait être qu’un passe-temps. «À 30 ans, j’ai compris que la vie n’avait pas de sens. Je me suis documenté sur le nihilisme et l’absurde, et mes toiles étaient l’exacte représentation de mon explosion de colère contre le destin». En 1964, la colère fait place à la mise en pratique d’une conviction : «Le concept de l’espace oriental est différent de l’occidental, affirme-t-il. Nous ne sommes pas rationnels, nous devons rêver. Cette pensée, je l’ai représentée avec le motif du labyrinthe, qui mène à un sens caché». La lumière et son travail particulier sont toujours là, au centre de la toile. Son petit manifeste, Vers un espace nouveau : la perspective de l’abstrait (voir cadre ci-dessous), est l’expression d’un «ras-le-bol de l’école de Paris, que Georges Mathieu, alors au Liban, représentait parfaitement». Vie cachée Ses études l’aident à consolider ses convictions : «En faisant place à l’architecture dans la mentalité arabe, je découvrais l’existence d’une vie cachée. J’étais conscient que je ne la découvrirais jamais, mais que je persévérais juste pour le plaisir de peindre : je travaillais à la lumière d’une certaine vérité, qui n’est pas unique», dit-il. À la même époque, Stelio Scamanga, avec des amis architectes, crée le Group Five, après avoir collaboré avec Raymond Ghosn et Pierre el-Khoury. «Je prenais plaisir à l’étude préliminaire, rien de plus», avoue-t-il en souriant. De 1965 à 1975, les deux architectes et les trois ingénieurs travailleront sur plusieurs projets, tandis que le peintre se lance dans une série de monochromes : «J’étais à la recherche de lumière et de simplification», raconte-t-il. Perfection absolue En 1976, il s’installe à Paris et continue sa peinture abstraite. En 1991, il s’intéresse «en profondeur» à la Renaissance italienne, et plus particulièrement à Piero della Francesca. «En profondeur» veut dire chez Stelio Scamanga s’appliquer à connaître la totalité des fresques réalisées par le maître, en traversant l’Italie de Rezzo à Florence, en passant par San Geminiani, de 1993 à 1996. «Les fresques de Piero della Francesca sont remplies d’une lumière surnaturelle», commente-t-il. «Selon les plus grands critiques d’art, la Légende de la Croix, qu’on peut voir à Rezzo, est l’expression de la perfection absolue». Cette sérénité magnifique, pour l’atteindre, il faut être serein soi-même. Les Toscanes, une série de 18 peintures à l’huile qu’il a réalisées pendant son séjour dans la région italienne, sont l’exact reflet de son état d’esprit : des plaines et des petites collines à perte de vue, avec toujours une maison, signe de la présence humaine, mais isolée, et quelquefois entourée de cyprès, symbole antique de la mort. On ne voit pas le ciel : la vie de l’homme se fait sur terre. En 1994, il s’essaie à une nouvelle technique, l’huile mélangée à la cire : «J’obtiens une pâte que je peux appliquer en plusieurs couches et que je peux retirer ou gratter. La cire, qui sèche très vite, donne une belle impression de relief». Les toiles, réalisées au couteau, sont toujours encadrées par deux barres verticales : «On m’a expliqué qu’elles représentaient les deux portes de la vie et de la mort et qu’au milieu, l’individu vivait avec ses vicissitudes», dit-il. Entouré d’une trilogie de modèles («Cézanne pour la structure, Bonnard pour la couleur et della Francesca pour la lumière»), Stelio Scamanga travaille sur des toiles où la lumière cherche à venir de l’intérieur. «En architecture, je dépense mon temps, dit-il. En peinture, je le vis».
Comme tous les autodidactes, Stelio Scamanga est doté d’une mémoire prodigieuse. Aucun nom ne lui échappe, aucune année, qu’il s’agisse des peintres qu’il aime ou des étapes de sa vie. Il a appris l’arabe très rapidement, lui qui était d’origine grecque et est né à Damas en 1934. «Je suis arrivé à Beyrouth en 1952 pour passer mon brevet et, après avoir obtenu mon...