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Actualités - REPORTAGES

Drame - Sit-in de protestation des étudiants de Balamand devant l'Hôtel Dieu La politique de l'Etat en matière de santé : aux urgences, et vite

Vingt et un ans. Étudiant à l’Université de Balamand, Melki Hajjar avait 21 ans, et il est mort, mercredi dernier, après avoir été refoulé des urgences de l’Hôtel-Dieu de France. Tout le monde est d’accord : ce n’est pas l’Hôtel-Dieu qui l’a tué, il s’est avéré qu’il souffrait d’une maladie incurable. Sauf que sa famille, ses amis, ses camarades de l’université qui ont massivement manifesté hier à 11 heures devant l’établissement médical et l’hôpital tripolitain où il était admis avant d’être transporté à la capitale parlent de négligence, d’inhumanité flagrante de la part de l’un des centres hospitaliers universitaires beyrouthins les plus importants. Ce dernier s’en dédit, nie toutes les accusations dont il fait l’objet, mais reconnaît pourtant qu’effectivement, il n’a pas admis Melki Hajjar au sein de ses urgences, et met l’accent, par le biais d’un de ses chefs de service, sur les sempiternelles carences de l’État qui «n’assume en rien ses devoirs, qui ne rembourse pas les hôpitaux privés, ou (trop) longtemps plus tard». Et cette histoire tragique, qui n’est pas la première, loin de là, ne sera pas, selon tous les pronostics et tant que l’État ne reverra pas, d’urgence, sa politique de santé, la dernière. Malheureusement. «Il est resté deux, trois jours à l’hôpital où son ophtalmologue l’avait fait admettre et où je l’ai pris en charge, raconte à L’Orient-Le Jour Hassan Eïd, le neurologue qui l’a soigné, une semaine avant sa mort, à Tripoli. Il avait perdu 80 % de la vision de ses deux yeux, il souffrait de vertiges, d’une perte importante de l’équilibre, de la paralysie des membres droits, ainsi que de confusion mentale et de désorientation». Son état empirant, le Dr Eïd décide qu’un centre hospitalier universitaire est indispensable, et le fait transporter, par le biais de la Croix-Rouge, à l’Hôtel-Dieu, «en urgence extrême, tient à préciser le Dr Eïd, parce que la Croix-Rouge ne prend jamais en charge un patient d’un hôpital à un autre sans qu’une chambre ne lui soit réservée au sein de l’établissement de destination, sauf, justement, en cas d’urgence extrême». Et Melki Hajjar arrive alors, vendredi 12 mai, à 9 heures du matin, à l’Hôtel-Dieu, il sera de retour à l’hôpital de départ à Tripoli quatorze heures plus tard, dans un état de dégénérescence extrême. La version de la famille Que s’est-il passé à l’Hôtel-Dieu, c’est là que les avis sont, évidemment, on ne peut plus divergents. Pour Kathy Hajjar, la sœur du malheureux Melki, elle travaille également dans cet hôpital de Tripoli où il avait été admis, le doute est impossible. Dans un courrier adressé au Bureau des plaintes à la présidence de la République, Mlle Hajjar affirme que les urgences de l’Hôtel-Dieu ont refusé d’admettre son frère tant que la somme de trois mille dollars n’aurait pas été déposée à la caisse. Une fois que les parents arrivent, en toute urgence, à réunir la somme demandée, «quelle n’est pas leur surprise de se voir, une nouvelle fois, refuser l’admission de leur fils sous prétexte qu’ils ne présentent aucune garantie pour la suite des événements». En fait, l’administration des urgences craignait carrément que les parents n’exigent ensuite que l’hospitalisation de leur fils ne soit mise sur le compte de l’Assistance publique, dépendant du ministère de la Santé. «Ils ont même prétexté qu’ils n’avaient plus aucun lit vide en neurologie, souligne, toujours à L’Orient-Le Jour, un responsable médical proche de la famille Hajjar. Or, il n’en était rien, la moitié du service était vide, et tout cela, nous pourrions le prouver». Et la sœur de Melki de poursuivre : «Mon frère a passé douze heures sur une civière, dans un état de santé complètement délabré, et lorsqu’il est tombé, et que son sérum s’est détaché, aucun infirmier, personne ne s’est occupé de lui, l’ensemble des employés se moquant même carrément de lui, et l’administration qui continuait d’aligner les excuses fallacieuses afin de ne pas l’hospitaliser». Un témoignage que nous confirme, en le tempérant, le responsable médical proche de la famille. «C’est clair que l’Hôtel-Dieu n’a pas tué Melki Hajjar, mais l’administration et les employés ont maltraité la famille, ils ont subi une pression morale extrême, ils étaient à des années-lumière de s’imaginer que leur fils souffrait d’une maladie incurable». Et le Dr Eïd de nous raconter qu’il a récupéré son patient dans un état critique, «il souffrait de tétraparésie généralisée, sa confusion mentale avait décuplé, il était complètement aphasique, il ne mangeait ni ne buvait, et ses nerfs s’étaient complètement raidis, ils auraient dû faire le diagnostic à l’Hôtel-Dieu». À tel point qu’il a été obligé de le transporter de nouveau à Beyrouth, à l’Hôpital américain cette fois, où il sombre, deux jours plus tard, dans le coma, pour ensuite décéder. «Sa maladie, c’est une parencéphalie sclérotique subaiguë, c’est-à-dire un système immunitaire déréglé qui conduit à une autodestruction foudroyante du cerveau, précise le Dr Eïd. C’est un cas sur un million, qui concerne les patients ayant été atteints de rougeole et dont le virus n’a pas disparu, il peut rester latent très longtemps avant d’aller attaquer le système nerveux central». La carence de l’État Tout autre son de cloche à l’hôpital beyrouthin. «Je suis écœuré par tout ce tapage médiatique, parce que c’est tous les jours que les hôpitaux libanais refusent des patients, le problème se situe au niveau de l’État, martèle un chef de service de l’Hôtel-Dieu, interrogé par L’Orient-Le Jour. Les hôpitaux peuvent aider, mais pas indéfiniment, les gens qui n’ont pas les moyens de se faire soigner, c’est l’État qui doit les prendre en charge, comme dans tous les pays du monde». Il confirme, c’est évident, que ce n’est pas l’hôpital qui l’a tué, «son cas était désespéré mais pas du tout urgent», par contre, au niveau du diagnostic, il renvoie très clairement la balle à ses confrères de l’hôpital de Tripoli : «Le diagnostic n’avait pas été fait lorsqu’il est arrivé à l’Hôtel-Dieu !» Pourtant, le témoignage du Dr Eïd est clair, net et précis. Il n’empêche, le chef de service répète, à l’envi, ce motif récurrent et, il est vrai, irréfutable, «tout cela doit secouer l’État afin qu’il prenne enfin en charge les malades urgents et nécessiteux». «On ne savait pas ce dont il souffrait, et comme il était transportable, on lui a conseillé d’aller dans un autre hôpital, et tout ce dont on nous accuse n’est qu’affabulations, il a reçu tous les soins dont il avait besoin avant qu’il ne parte, ajoute-t-il. Et il ne faut vraiment pas confondre les médecins et les hôpitaux, moi je suis malade de cette histoire et je comprends ces gamins qui ont manifesté aujourd’hui, même s’ils n’étaient pas au courant de tout». Et le communiqué de l’Hôtel-Dieu publié hier dans nos colonnes confirme bien que «l’état du malade ne présentait aucun danger vital immédiat et que ses fonctions vitales étaient satisfaisantes». Bref, il n’empêche, ce n’est pas la première fois que ça arrive, et les précédents sont nombreux, le dernier en date concernant le bébé de quatre ans qu’évoquait le député Kassarji lors de la dernière séance parlementaire, et qui était décédé lors de son transport de l’Hôtel-Dieu, qui l’avait refusé, pour un autre hôpital beyrouthin. Les hôpitaux seuls responsables de ces drames remis à l’ordre du jour par la mort, malheureusement programmée, de Melki Hajjar ? Certes non ! L’État, de par sa politique en matière de santé complètement claudicante et inadaptée, reste le principal concerné, et même (justement?) si la situation socio-économique du pays est au rouge. Il reste simplement à espérer que la fatalité, par la mort du jeune Melki qui a définitivement remis à l’ordre du jour les carences étatiques au niveau de la santé, puisse servir de leçon.
Vingt et un ans. Étudiant à l’Université de Balamand, Melki Hajjar avait 21 ans, et il est mort, mercredi dernier, après avoir été refoulé des urgences de l’Hôtel-Dieu de France. Tout le monde est d’accord : ce n’est pas l’Hôtel-Dieu qui l’a tué, il s’est avéré qu’il souffrait d’une maladie incurable. Sauf que sa famille, ses amis, ses camarades de...