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Actualités - CHRONOLOGIE

Saison des femmes sur la Croisette

Grand oublié du festival, le continent africain n’a qu’un seul représentant à Cannes et ce cinéaste est une femme, la Tunisienne Moufida Tlatli, qui a présenté dimanche La saison des hommes, un film montrant que «quatorze siècles de tabous ne s’effacent pas en une génération». Si dans l’île de Djerba, cadre de son deuxième long-métrage, c’est La saison des hommes, sur la Croisette c’est la saison des femmes, même si elles ne sont que deux en compétition pour la Palme d’or, la benjamine iranienne Samira Makhmalbaf (20 ans) et la Norvégienne Liv Ullmann (61 ans) qui était à l’affiche dimanche avec Trolosa (Infidèle), sur un scénario d’Ingmar Bergman. La réalisatrice tunisienne, découverte à Cannes avec Les silences du palais, est de retour avec La saison des hommes à Un Certain regard, la section officielle non compétitive dont l’affiche du week-end était très féminine avec la Portugaise Maria de Medeiros (Capitaines d’avril) et la Vénézuelienne Finna Torres (Piments, sexe et samba). À la Semaine de la critique, la Française Caroline Vignal amenait Les autres filles et, à la Quinzaine des réalisateurs, l’Américaine Karyn Kusama signait Girlfight tandis que la Canadienne Guylaine Dionne invoquait Les fantômes des trois Madeleine. Avec la délicatesse des arabesques qui ornent les mosaïques des maisons traditionnelles et la finesse des tapis que tisse son héroïne Aïcha, Moufida Tlatli dresse le portrait de trois générations de femmes de Djerba, pour qui l’émancipation n’est souvent qu’un vain mot. La saison des hommes, dans l’étouffante «île prison», d’où les jeunes gens émigrent vers Tunis, Paris, voire le Canada, ne dure qu’un mois. C’est l’époque où les maris reviennent et engrossent leurs femmes, en espérant bien sûr qu’il leur naîtra un fils. Du présent au passé À 18 ans, Aïcha (Rabiaa Ben Abdallah) a épousé Saïd (Ezzedine Gannoun). Il est parti comme les autres. La jeune épouse est restée, comme c’est la coutume, avec la belle-mère autoritaire qui réprime ses velléités d’indépendance. Aïcha tisse des tapis en espérant gagner suffisamment d’argent pour rejoindre son mari à Tunis. Mais d’abord, il faudra qu’elle ait un fils. Après Meriem (Ghaalia Ben Ali) et Emna (Hend Sabri), naît enfin Aziz, un enfant autiste qui «porte toutes les névroses de sa mère et de ce clan de femmes». Comme la navette sur le tapis, Moufida Tlatli va du présent au passé pour montrer que si la jeune Emna est, en apparence, une jeune fille moderne d’aujourd’hui (elle a un amant et va danser en boîte), «l’homme est toujours gagnant». Servie par une brochettes d’actrices au ton juste, la cinéaste évoque avec une émotion pudique sur des images d’une grande beauté la solitude, les humiliations, les frustrations sexuelles et le carcan de la tradition qui font de ces femmes des prisonnières. La cinéaste, monteuse de formation avant de franchir le pas de la réalisation la cinquantaine venue, souligne que si la Tunisie est, dans le monde arabe, «un pays modèle pour l’émancipation de la femme, (...) dans la vie quotidienne, les mentalités n’ont pas changé». À Djerba, le paradis touristique, où elle a une de ces vieilles maisons traditionnelles comme celle qu’habite Aïcha, les hommes continuent à émigrer...seuls. Moufida Tlatli pense que son «regard sur les filles d’aujourd’hui va beaucoup déranger en Tunisie» où bien des tabous persistent, comme celui de la virginité à préserver. Lumumba du cinéaste haïtien Raoul Peck, qui a passé une partie de sa jeunesse au Congo, est le seul autre film africain d’adoption présenté en sections officielles ou parallèles au Festival de Cannes.
Grand oublié du festival, le continent africain n’a qu’un seul représentant à Cannes et ce cinéaste est une femme, la Tunisienne Moufida Tlatli, qui a présenté dimanche La saison des hommes, un film montrant que «quatorze siècles de tabous ne s’effacent pas en une génération». Si dans l’île de Djerba, cadre de son deuxième long-métrage, c’est La saison des...