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Actualités - REPORTAGES

Place de l'Etoile - Polémique Hoss-Wakim sur l'impact de la privatisation Les sujets politiques évités à la réunion parlementaire

La réunion parlementaire qui s’est ouverte hier, place de l’Étoile, a ceci de particulier qu’elle était presque dénuée de toute prise de position politique relative au retrait israélien du Liban-Sud. D’habitude, les députés ne ratent aucune occasion, en séance plénière, pour commenter le moindre incident ou développement de la situation dans la partie méridionale du pays. Mais pas hier. Les parlementaires, même les députés du Hezbollah, ont soigneusement évité de commenter le branle-bas politique et diplomatique qui ponctue les préparatifs israéliens de retrait, se contentant de commenter en termes de généralités le projet de repli, prévu d’ici juillet. La réunion parlementaire, étalée sur trois jours, était donc plutôt technique et s’est caractérisée par le vote du projet de loi sur la privatisation. Il s’agit d’une loi-cadre qui définit le mécanisme suivant lequel l’État peut céder au secteur privé la gestion de certains services publics. Le texte n’a été voté qu’au bout de près de quatre heures d’un débat animé qui a trahi une forte crainte parlementaire de voir le projet de privatisation se retourner contre l’État : il faut surtout éviter les problèmes similaires au contentieux actuel entre le ministère des P et T et les deux sociétés qui exploitent le réseau GSM. Ce qui fait que même les députés favorables à la privatisation ont particulièrement insisté sur la nécessité d’établir une série de garde-fous susceptibles de barrer la route devant les abus et les monopoles. Farouchement hostile à ce projet, le député Najah Wakim a pris violemment à partie le gouvernement, suscitant une prompte réponse de son chef, M. Sélim Hoss, qui expliquera à la Chambre que son équipe «ne fait que suivre l’exemple de nombreux pays arabes et européens où l’application de la privatisation s’est avéré être un succès». Une fois n’est pas coutume, seuls 16 députés prennent la parole durant la séance matinale. En fait, ils sont 27 à avoir demandé à commenter l’actualité locale mais, intransigeant, le président de la Chambre annonce à midi précise, qu’il est temps de s’attaquer à l’ordre du jour de la réunion, indifférent aux protestations de MM. Nicolas Fattouche, Ibrahim Bayan et Abdallah Cassir. «Que voulez-vous ? Vos collègues ont largement dépassé le temps de parole qui leur est imparti», déclare-t-il. Premier à prendre la parole, M. Najah Wakim, soulève le problème de l’émigration des Libanais et déplore vivement l’absence de statistiques officielles sur le mouvement d’exode vers l’étranger ou sur l’importance du chômage au Liban. Quatre autres députés, MM. Zaher Khatib, Fayez Ghosn, Ahmed Soueid et Béchara Merhej, commentent en termes de généralités, le retrait israélien du Liban-Sud : ils ne disent rien qu’on ne connaît déjà sur le conflit libano-israélien. M. Ghosn insiste sur le fait que le retrait israélien doit impérativement englober les fermes de Chebaa, mais c’est incontestablement M. Soueid qui suscite l’intérêt de ses collègues en soulignant d’emblée l’importance de l’amitié franco-libanaise. Tous les regards se tournent vers lui. En fait, le député du Liban-Sud critique violemment Paris «qui a mis la victime et le bourreau sur un même pied d’égalité». Il dénonce particulièrement les déclarations du Premier ministre français et de son ministre de la Défense, MM. Lionel Jospin et Alain Richard, sur le Liban. M. Jospin, rappelle-t-on, avait qualifié de «terroristes» les opérations anti-israéliennes du Hezbollah, durant sa dernière visite en Israël alors que M. Richard avait accusé «la Syrie de s’opposer à tout règlement régional qui réduirait son hégémonie au Liban». Le député a «invité Paris à se souvenir des principes de la révolution française et de ne pas tomber dans les pièges sionistes». D’autres parlementaires insistent principalement sur la crise socio-économique : MM. Talal Merhebi, Abdo Bejjani, Mohamed Kabbara et Hussein Hajj Hassan déplorent la politique suivie par le gouvernement dans ce cadre et l’appellent à la réviser radicalement. M. Georges Kassarji soulève le problème d’hospitalisation des personnes à revenus limités «qui meurent aux portes des hôpitaux parce qu’elles n’ont pas de quoi payer les frais d’admission». Il cite dans ce cadre le cas d’une petite fille de quatre ans, morte la veille, parce que ses parents n’avaient pas réussi à convaincre les responsables de l’hôpital vers lequel ils s’étaient dirigés de l’admettre en urgence et déplore le fait que le ministère de la Santé n’assure pas une meilleure couverture-hopitalisation de la population. Appel à l’ouverture d’une session extraordinaire M. Kassarji tente de revenir à la charge concernant le dossier de la téléphonie mobile, mais le chef du Parlement l’interrompt, rappelant qu’une réunion parlementaire sera consacrée le 23 mai à ce dossier. M. Berry en profite aussi pour inviter indirectement l’Exécutif à ouvrir une session parlementaire extraordinaire. La session ordinaire prendra fin comme on le sait à la fin de ce mois. Le président de la Chambre souligne qu’il est prêt à convoquer deux nouvelles réunions ce mois et qu’il est prêt à en convoquer d’autres jusqu’en juillet, si une session extraordinaire est ouverte. Le député Jacques Tchoukhadarian rappelle que les écoles publiques doivent faire figurer l’enseignement de la langue arménienne dans leurs programmes scolaires, en application d’une décision en ce sens prise par le ministre de l’Éducation, alors que Mohamed Abdel Hamid Beydoun invite le ministre des P et T à organiser le secteur des communications internationales via Internet. M. Beydoun appelle également le gouvernement à s’attaquer au problème de la pollution de l’eau, à Ghaziyé, au Liban-Sud. Vote de 34 textes de lois C’est à partir de midi que la Chambre s’attaquera à l’ordre du jour de sa réunion. Des 34 textes de loi votés durant la journée d’hier, le projet de loi-cadre relatif à la privatisation est incontestablement le plus important et le plus problématique. Le débat qu’il suscite reflète d’ailleurs les craintes que soulève dans les milieux parlementaires, la volonté du gouvernement de confier au secteur privé la gestion de certains services publics. Si certains députés, à l’instar de MM. Najah Wakim et Zaher Khatib, s’opposent résolument à toute privatisation, d’autres, plutôt favorables à un tel projet, ne manquent tout de même pas de multiplier les conseils sur les précautions que le gouvernement devrait prendre avant de se lancer dans une telle entreprise. Les démêlés du gouvernement avec les deux compagnies de téléphonie mobile constituent, pour les parlementaires, une expérience qui ne doit à aucun prix se répéter. Parmi les députés qui ont exprimé des réserves sur le projet de privatisation, M. Wakim est sans doute le plus virulent. Il est d’ailleurs le seul député à qui le chef du gouvernement, M. Sélim Hoss, répondra. Le député de Beyrouth dresse un véritable réquisitoire contre l’Exécutif lui reprochant d’avoir soumis au Parlement son projet de dénationalisation «sans lui avoir présenté au préalable son programme de réforme économique». Il se lance dans un interminable exposé sur les conséquences «catastrophiques» de la privatisation appliquée en Égypte et dans les pays du sud-est asiatique, estimant que ce n’est pas en confiant au privé la gestion de certains services publics qu’il est possible d’attirer les investissements étrangers : «Voyez ce qui s’est passé en Égypte : après cinq ans d’ouverture, les seuls investissements que le Caire a pu attirer sont Mac Donalds pour la viande grillée et Kentucky fried chicken pour le poulet frit». Berry, taquin : «Tiens, Mac Donalds, c’est de la viande grillée !» Wakim : «C’est quoi alors ?» Berry : «Mais des hamburgers» Wakim, maussade : «Je ne m’y connais pas en tout ce qui est américain». Il poursuit sur sa lancée, soulignant que la dette publique croît de 4 milliards de livres par an et que les recettes que le gouvernement espère obtenir de la privatisation resteront en deçà des sommes nécessaire pour réduire cette dette. Il s’étonne de ce que l’État ait affirmé dans les attendus du projet de loi qu’il souhaite «réaliser une démocratie populaire» en permettant au peuple d’acquérir des actions dans les services privatisés. «Mais qui à part quelques très rares privilégiés peut se permettre au Liban d’acquérir des actions dans une société» ? tonne-t-il. «Près de 50 % du peuple vivent en dessous du seuil de la pauvreté, 24 % vivent à la limite du seuil de la pauvreté et 24 % possèdent quelques billets qu’ils ont cousus à leurs oreillers de peur que la politique gouvernementale ne les leur fait perdre», ajoute M. Wakim. Ponctuant ses propos d’un geste de la main en direction du ministre des Finances, M. Georges Corm, il déclare : «Si Lénine avait su ce que ses héritiers politiques parmi les socialistes allaient faire, il se serait suicidé», avant de réclamer le report de l’examen du projet de loi. MM. Hussein Husseini, Marwan Hamadé Talal Merhebi et Zaher Khatib proposent également un ajournement de l’examen du texte, estimant qu’il doit être davantage clarifié. Hoss se veut rassurant L’intervention de M. Hoss qui se veut rassurant et qui réaffirme les bases sur lesquelles le gouvernement se propose d’appliquer la privatisation ne met pas fin au débat qui se poursuit de plus belle jusqu’à ce que le chef du Parlement lève la séance matinale, à 15h. M. Hoss rappelle que le Liban a suivi dans le domaine de la privatisation l’exemple de plusieurs pays arabes et européens où l’application de ce procédé s’est avéré être un succès et, principalement, un stimulant économique. Il cite notamment l’Égypte, la Tunisie, la Grande-Bretagne, l’Italie, les pays du sud-est asistique... «Les prétextes avancés pour dénigrer le projet de privatisation impliquent normalement que l’État doit élargir son champ d’action de manière à favoriser l’émergence d’un système socialiste, sachant qu’un pareil système fait désormais partie du passé», soutient-il. Il insiste sur les pertes accumulées par les services gérés par l’État, assurant que l’Exécutif ne renoncera pas à la politique sociale qu’il suit et rappelant à l’intention de M. Wakim, que le gouvernement avait présenté à la Chambre son programme de redressement économique dans le cadre du projet de Budget 1999. «Tous les députés en avaient pris connaissance», insiste-t-il, soulignant que son équipe continuera d’œuvrer pour réduire la dette publique et le déficit budgétaire. En dépit de ses explications, les députés, notamment Mmes Nayla Moawad et Nouhad Souaid, ainsi que MM. Boutros Harb, Marwan Hamadé, Jamil Chammas, Yassine Jaber et Élie Hobeika exprimeront plusieurs réserves sur le projet de loi. Bien que favorable au projet de privatisation, Mme Moawad met en garde contre le monopole et insiste sur la nécessité de développer les marchés financiers avant de mettre en application ce projet, alors que M. Hamadé trouve qu’il est impossible de comparer le Liban à la Grande-Bretagne ou aux pays du sud-est asiatique. Il souligne en outre qu’au cours des réunions consacrées en commissions parlementaires à la privatisation, les ministres des Finances et de l’Économie avaient déclaré, en réponse à une question, que le Parlement n’a pas à se prononcer au sujet de la privatisation d’institutions appartenant partiellement à l’État, tels que la MEA, l’Intra et le Casino du Liban. Berry : «Puisque c’est ainsi, ce sont eux que nous privatiserons». Ces propos relanceront le débat durant la séance nocturne qui reprend à 18h. Les députés n’arrivent pas à s’entendre sur le procédé qui doit être suivi pour céder au secteur privé les actions que l’État détient au sein de ces trois institutions. Le député Najah Wakim revient à la charge, toujours aussi véhément, obligeant le chef du gouvernement d’expliquer de nouveau les critères qui seront adoptés pour la privatisation. Finalement, c’est M. Berry qui tranche le débat en insistant sur le fait que le texte sous étude n’est qu’une loi-cadre et que tout projet de confier au secteur privé la gestion d’un service déterminé doit impérativement faire l’objet d’une loi. Le texte est voté sans problème. Deux amendements y sont introduits. Le premier est d’ordre linguistique et le deuxième consiste à supprimer de l’article neuf l’énumération des services qui peuvent être privatisés : eau, électricité, communications... Avant de s’attaquer à ce projet de loi, le Parlement avait voté vingt autres relatifs pour la plupart à la conclusion d’accords internationaux. En soirée, il en vote 14, dont un relatif à la nomination de juges parmi les avocats. Ce texte est toutefois amendé de manière à ce que seuls les avocats inscrits au Barreau, depuis 8 ans et sans interruption, puissent devenir magistrats. Les autres concernant notamment la production, la vente et l’importation de vins, l’organisation du secteur de l’eau, les droits des personnes handicapées, l’arrêt des poursuites engagées contre des journalistes, l’amendement de la taxe de départ à l’AIB, la modification de la loi électorale pour autoriser l’utilisation des extraits d’état-civil durant le scrutin et l’aggravation des sanctions et des amendes prévues dans la loi sur les forêts. L’examen d’un seul texte de loi sera reporté. Il concerne la réorganisation du ministère de la Justice. La Chambre a en effet décidé de l’examiner en même temps que le projet de loi sur l’autonomie de l’autorité judiciaire.
La réunion parlementaire qui s’est ouverte hier, place de l’Étoile, a ceci de particulier qu’elle était presque dénuée de toute prise de position politique relative au retrait israélien du Liban-Sud. D’habitude, les députés ne ratent aucune occasion, en séance plénière, pour commenter le moindre incident ou développement de la situation dans la partie méridionale...