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Actualités - ANALYSE

Equation régionale - L'Est politique évoque les constantes nationales Les méthodes attribuées à Washington font l'objet de sévères critiques

Chat échaudé craint l’eau froide : à Beyrouth, au bout de dix lustres de nobles mais faux serments U.S., c’est une méfiance viscérale que l’on éprouve généralement à l’égard de l’oncle Sam. Mais on y met actuellement une certaine sourdine. Car dans la mesure où Israël lui-même semble vouloir sérieusement se soumettre à la 425, il n’y a en principe pas de raison que ses protecteurs américains ne soient également positifs. Dès lors, une question est, à l’Est, sur toutes les lèvres ou presque: les États-Unis vont-ils enfin, comme ils le promettent depuis John Foster Dulles, le père du pacte de Bagdad dans les années cinquante, veiller à ce que le Liban accomplisse sa vocation de pays libre, démocratique, indépendant, souverain, exerçant son autorité sur l’ensemble de son territoire par le seul truchement de ses forces régulières propres ? Ne continueront-ils pas plutôt à en user comme d’une carte de pression sur les uns ou les autres, d’un produit d’inavouable marchandage, comme jadis la Pologne prise entre l’enclume teutonne et le marteau slave ? Ne voudront-ils pas maintenir cet embryon de laboratoire dans son flacon de formol pour de nouvelles expériences génétiques ? Ce pays restera-t-il à l’état d’ersatz assujetti ? Certains pôles répondent, avec une pointe d’amertume, que «les méthodes de nos bons amis ne changent jamais. Usant le cas échéant de ce pays comme d’un levier de pression, ils mobilisent tous les médias qu’ils contrôlent, tous leurs alliés, tous les moyens dont ils disposent sur le terrain pour faire plier l’échine à telle ou telle partie récalcitrante, régionale ou même internationale. Puis une fois qu’ils ont obtenu satisfaction, le Liban se transforme entre leurs mains de levier de pression en objet de troc souvent bradé à vil prix. Comble de cynisme, les Américains n’hésitent jamais à tout mettre sur le dos du Libanais lui-même en le rendant responsable des divisions, des problèmes, de l’anarchie attisés par leurs soins ou provoqués avec leur complicité. Ils nous reprochent, après nous avoir égarés, de ne pas savoir où nous voulons aller, ajoutent avec componction que si nous ne nous aidons pas nous-mêmes, personne ne peut nous aider et concluent, en se frottant les mains, qu’à tout prendre, notre immaturité nous condamne à rester indéfiniment sous tutelle». «Il n’y a pas de raison, estiment ces amers, que ce petit jeu cesse de sitôt. Car même en cas de règlement global, on nous sacrifierait volontiers au nom des fameux “équilibres régionaux” qui donnent aux uns une compensation pour leur déficit en matière de puissance militaire ou économique». Le patriarche Sfeir, sans partager ces conclusions, souligne pour sa part les périls, les handicaps aussi que constitue pour les Libanais le fait d’être accusés de pusillanimité. Dans son dernier sermon, le prélat a lancé dès lors un vibrant appel à l’unité des rangs, à la solidarité nationale bien comprise. Pour qu’on cesse d’affirmer au dehors que les Libanais ne savent pas ce qu’ils veulent, qu’ils sont éternellement indécis et par là, incapables de gérer leur destin. Mgr Sfeir insiste beaucoup pour que la population de ce pays fasse front unifié face aux événements. Il souligne que c’est la seule voie à suivre, «si nous voulons arracher nos droits en matière de souveraineté, d’indépendance et de libre décision». Une autre personnalité de l’Est soupçonne quant à elle «les USA de dresser l’opinion extérieure, ainsi que des forces politiques locales, contre la Syrie quand ils sont en conflit avec cette puissance. Les Américains font alors mine de défendre la souveraineté libanaise en demandant le retrait des forces syriennes, comme le stipulent les accords de Taëf. En faisant semblant d’oublier que cette souveraineté ne peut être rétablie tant que perdure l’occupation israélienne d’une partie du Sud et de la Békaa-Ouest. Dans les moments où ils ne sont pas en conflit avec Damas, les Américains cessent d’en réclamer le départ et d’évoquer Taëf. Ces variations se sont produites en de multiples reprises durant les vingt dernières années. Avant Taëf, le comité tripartite arabe avait d’abord proposé dans ses conclusions un retrait syrien dans les six mois. Délai qui, après les protestations de Damas, avait été porté à deux ans. Quand les Américains se sont lancés contre Saddam Hussein, ils ont eu besoin d’un vaste ralliement arabe. Ils ont alors utilisé le Liban, entre autres, comme moyen d’échange. Et le pouvoir du général Michel Aoun a ainsi été une victime indirecte de la guerre du Golfe. Plus tard, le président Bush s’est servi de la présence des forces syriennes en en demandant le redéploiement sur la Békaa comme le prévoit Taëf. Il a ainsi pu faire pression sur un Damas assez réticent au départ pour en obtenir la participation à la conférence de Madrid. Quand les Syriens ont présenté, lors de cette rencontre, un document de travail avancé qui lui a plu, Washington a de nouveau oublié et le redéploiement et Taëf. Des alternances de souvenance et d’amnésie allégrement suivies ensuite, au gré des besoins, par le président Clinton qui, pourtant durant sa campagne électorale, avait accusé son prédécesseur de coupable complaisance à l’égard de la présence syrienne au Liban». Et de conclure que «s’il devait y avoir demain un arrangement, les pressions israélo-américaines sur la Syrie cesseraient. Son maintien au Liban serait de nouveau considéré comme un élément de stabilité politique et sécuritaire».
Chat échaudé craint l’eau froide : à Beyrouth, au bout de dix lustres de nobles mais faux serments U.S., c’est une méfiance viscérale que l’on éprouve généralement à l’égard de l’oncle Sam. Mais on y met actuellement une certaine sourdine. Car dans la mesure où Israël lui-même semble vouloir sérieusement se soumettre à la 425, il n’y a en principe pas de...