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Actualités - OPINION

Tribune Discours sans méthode

Qu’arrive-t-il donc à ces messieurs haut perchés qui, tous les jours, nous matraquent de déclarations contradictoires ? Tout se passe comme si cet art de mentir qui constituait la quintessence de leurs talents se dissolvait dans une confusion de propos, où l’obscur le dispute à l’absurde. Guerre ou paix, triomphalisme ou défaitisme, mort ou résurrection : toutes choses sont dans une incertitude si terrible qu’elles finissent par perdre de leur comique. Et cette impression de ténèbres s’aggrave d’un surcroît d’anathèmes prononcés contre les objecteurs, les hérétiques, les mécréants de toutes sortes auxquels on fait porter, à leur insu, une virtuelle étoile jaune uniquement visible du côté des inquisiteurs. Ces inconséquences forcenées n’enlèvent rien au grand style qu’il nous faut leur reconnaître. Jamais discours ne furent plus éloquents, jamais rhétorique ne fut plus diserte, comme si la force et l’altitude du langage étaient inversement proportionnelles à l’ineptie du contenu. C’est là une discipline de la déclamation d’autant plus aiguë que le récitant ignore le plus souvent de quoi il parle. Mais il arrive que, dans un intervalle lucide, quelque rhéteur émaille sa harangue d’une ou deux idées de son cru, croyant de bonne foi qu’il pourrait ainsi être un peu moins mésentendu. Bien mal lui en aura pris ! Aussitôt les vigilants gardiens du dogme mettent bon ordre à l’impudente glissade, et le tohu - bohu officiel est promptement remis dans la bouche repentante du déviationniste. D’autres annoncent des mesures, profèrent des menaces, confient à un public médusé des secrets «de source sûre», lancent des suggestions, se livrent à des contorsions et à des analyses aussi extravagantes les unes que les autres, vocifèrent les imprécations d’usage : autant de happennings immédiatement suivis d’une dénonciation ou d’un démenti préconcertés ou non avec leurs acteurs. Mais la même profession de foi sert évidemment de base inamovible et sacro-sainte à la chose et à son contraire. Ainsi tenu ou détenu, le pays parle d’une seule voix : celle du chaos. Cela permet au moins toutes les supputations, tous les augures favorables et défavorables, tous les rêves et tous les cauchemars, pourvu qu’à chaque instant l’histoire de l’instant suivant s’enténèbre davantage. De tous les futurs possibles qui nous attendent une perspective s’éloigne progressivement de l’horizon : celle de voir un jour la société que nous qualifions encore de libanaise retrouver dans son hétérogénéité un autre dénominateur commun que la servilité pour la réunifier.
Qu’arrive-t-il donc à ces messieurs haut perchés qui, tous les jours, nous matraquent de déclarations contradictoires ? Tout se passe comme si cet art de mentir qui constituait la quintessence de leurs talents se dissolvait dans une confusion de propos, où l’obscur le dispute à l’absurde. Guerre ou paix, triomphalisme ou défaitisme, mort ou résurrection : toutes choses...