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Actualités - CHRONOLOGIE

Des mines décomposées aux urgences de l'Hôtel-Dieu

L’hôpital de l’Hôtel-Dieu hier, quelques heures après l’explosion de la bombe. À l’entrée des urgences, une quarantaine de personnes attendent. Certaines se sont assises sur des blocs en béton ; d’autres, notamment les hommes, sont restés debout. Ils attendent qu’Alain Khalifé, leur fils, leur neveu, leur cousin, leur ami, sorte du bloc opératoire. Quelques-uns s’approchent des journalistes pour poser des questions : peut-être qu’un reporter pourrait leur donner plus d’informations que les médecins de l’institution. Assise sur un banc de béton et adossée contre le mur des urgences, la mère d’Alain, en veste verte, a le regard perdu dans le vide. Entourée d’autres proches de la famille qui essaient d’engager la conversation, elle demeure silencieuse. Alain est dans un coma profond, il est grièvement blessé à la tête. Les chirurgiens n’ont pas réussi à retirer les éclats d’obus qui se sont logés dans son cerveau. En début d’après-midi, il a été transporté du bloc opératoire aux soins intensifs. Hier soir, son état était «stable et stationnaire», selon les sources médicales. Le jeune étudiant, qui habite Jounieh, a 19 ans. Il est l’aîné d’une famille de trois enfants. Il a un frère de 15 ans et une sœur âgée de 6 ans. Alain est parmi les premiers de sa classe. «Il a présenté des concours dans plusieurs universités du pays, mais il a choisi de suivre les cours de l’Esib», raconte un proche. Une camarade de classe, venue prendre des nouvelles, indique qu’Alain «est gentil avec tout le monde, serviable». Et d’ajouter : «En plus, il est blond, beau garçon». Hier matin, elle l’a vu inconscient, ensanglanté, gisant par terre, dans sa salle de classe. Aux urgences de l’Hôtel-Dieu, médecins et infirmières affichent des mines décomposées. Certains essuient leurs larmes. Ce n’est pas tous les jours que le personnel traite de jeunes étudiants de 19 ans, blessés dans leur propre salle de classe. Eux aussi veulent avoir des détails sur l’explosion. Le Dr Antoine Zoghby, chef du service des urgences à l’Hôtel-Dieu, connaît même les noms des étudiants qui sont soignés à l’hôpital Hayek. Trois personnes ont été transportées au centre hospitalier universitaire d’Achrafieh : David Ajaltouni, 19 ans, gravement touché au thorax et mort sur place à l’Esib, Alain Khalifé blessé à la tête, et Chadi Nawfal blessé au visage et à la main. Selon le Dr Zoghby, Chadi pourrait quitter l’hôpital dans les jours à venir. Il a été admis au service orthopédique de l’Hôtel-Dieu, chambre 3418. Le jeune étudiant, qui vient de sortir des urgences, attend d’être transporté à la salle d’opération, où il subira une intervention chirurgicale au bras droit. Chadi, 18 ans, est arrivé conscient à l’hôpital. Au moment de l’explosion, il était à côté d’Alain Khalifé, de Carla Doumit (blessée au dos, admise à l’hôpital Hayek) et Hani Obeid (blessé, lui aussi admis à l’hôpital Hayek). C’est David Ajaltouni qui manipulait la grenade. Ses obsèques auront lieu aujourd’hui à 16 heures. Depuis le matin, les étudiants avaient repéré la grenade. «On a pris l’engin pour un jouet», indique Chadi. «Nous n’avions pas imaginé que c’était une vraie grenade à main», dit-il. Qui l’a dégoupillée ? «Je n’ai rien vu, j’ai tout juste senti que la peau de mon visage brûlait», dit le jeune étudiant qui est blessé à la joue droite. Ses lunettes ont volé en éclats. Son bras droit saignait. Chadi Nawfal, tout comme Carla Doumit, Hani Obeid, Darine Bejjani et Clara Khoueiry, légèrement blessés, ont été transportés par leurs amis étudiants aux hôpitaux de la ville. C’est la Croix-Rouge qui s’est chargée d’emmener David et Alain à l’Hôtel-Dieu. «Une fois à l’hôpital, j’ai demandé aux médecins de prévenir mes parents», déclare Chadi. «Les spécialistes m’ont administré des antibiotiques et j’attends mon opération, prévue dans un quart d’heure», dit-il. Dans sa chambre d’hôpital, Chadi Nawfal, qui quittera l’Hôtel-Dieu dans les jours à venir, est entouré de ses parents et de ses amis, tous étudiants en première année de génie à l’Esib. Au moment de l’explosion, ils étaient en train de changer de classe pour entamer un autre cours. Ils ont eu de la chance. D’autres pas.
L’hôpital de l’Hôtel-Dieu hier, quelques heures après l’explosion de la bombe. À l’entrée des urgences, une quarantaine de personnes attendent. Certaines se sont assises sur des blocs en béton ; d’autres, notamment les hommes, sont restés debout. Ils attendent qu’Alain Khalifé, leur fils, leur neveu, leur cousin, leur ami, sorte du bloc opératoire. Quelques-uns...