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Actualités - REPORTAGES

Privatisation - Le projet de loi serait examiné au cours de la prochaine réunion de la Chambre Dissonance Parlement-gouvernement au sujet de la MEA

Le projet de loi sur la privatisation doit normalement figurer à l’ordre du jour de la réunion parlementaire prévue pour la première quinzaine du mois de mai. Sera-t-il voté ? Rien n’est moins sûr, estime-t-on place de l’Étoile. Le texte suscite toujours des réserves, parlementaires et politiques. Dans les milieux proches du président de la Chambre, M. Nabih Berry, on exprime de fortes réserves sur le mécanisme prévu pour la privatisation des entreprises appartenant partiellement à l’État, dans la mesure où ce mécanisme n’est pas soumis au contrôle de la Chambre. Entre le Parlement et le gouvernement, une dissonance se manifeste ainsi, au sujet du dossier de la MEA notamment. On se souvient que le premier gouvernement du nouveau régime a proposé la privatisation comme un instrument fondamental pour combler le déficit budgétaire et pour améliorer la situation économique. Il s’attendait, dans le cadre du projet de réforme qu’il avait établi, à ce que cette opération draine au Trésor quatre à cinq milliards de dollars sur une période de cinq ans. «Mais si aucune mesure pratique n’est prise sur ce plan, c’est parce que l’État prend garde à ce que la privatisation ne se retourne pas contre le consommateur et ne porte pas préjudice au Trésor», confie M. Corm à L’Orient-Le Jour. Pour le ministre, qui égratigne au passage l’opposition qui s’acharne contre lui depuis des mois, «le problème est que personne n’a pris connaissance des expériences d’autres pays». Il explique qu’au Maroc, les préparatifs d’une telle opération ont pris entre six et huit ans. Et en Égypte, il a fallu 10 à 12 ans de préparation. «Au Liban, nous avons achevé en 14 mois une importante partie de ces préparatifs, contrairement à l’idée reçue et qui fait partie de la propagande hostile aux démarches gouvernementales». M. Corm rappelle ensuite qu’en plus de la loi-cadre, le gouvernement a transmis au Parlement un projet de loi relatif aux offices des eaux, actuellement sous étude à la commission parlementaire des Finances et du Budget. Il doit prochainement transmettre à la Chambre deux textes similaires concernant les secteurs de l’électricité et des transports. Dans le même temps, il est procédé à une évacuation des les avoirs d’Ogero, préalablement à sa transformation en une société anonyme juste après le vote de la loi organisant le secteur des communications. Pas de loi pour les sociétés commerciales M. Corm se félicite ensuite des pourparlers en cours entre le gouvernement et la Banque mondiale, qui doit accorder au Liban des prêts pour financer les opérations de privatisation et précise que les pourparlers au terme desquels la gestion de la Middle East Airlines doit être privatisée sont «bien avancés». En accord avec le gouvernement, les commissions parlementaires avaient jugé que l’Exécutif n’a pas besoin d’une loi pour confier entièrement au secteur privé la gestion de compagnies appartenant partiellement à l’État, comme la MEA, le Casino du Liban ou l’Intra, «dans la mesure où il s’agit de sociétés anonymes commerciales soumises seulement au code du commerce». M. Corm est catégorique sur ce point : «Ces trois compagnies ne peuvent pas être privatisées par une loi, surtout que certaines, comme l’Intra, comptent des étrangers parmi leurs actionnaires. Faut-il les nationaliser pour les privatiser par la suite ?». Abondant dans le même sens, M. Chaker Abou Sleiman, président de la commission parlementaire de l’Administration et de la Justice, précise que «l’État a le droit de vendre ses actions dans ces sociétés, conformément à un décret pris en Conseil des ministres». «Mais si le Parlement insiste sur la nécessité pour lui d’avoir son mot à dire dans la vente des actions de l’État à la MEA, à l’Intra et au Casino du Liban, il doit promulguer une loi en ce sens, comme il l’avait fait lorsqu’il avait été question de disposer des réserves-or de la Banque du Liban», dit-il. À l’époque, la Chambre avait voté une loi interdisant à l’Exécutif de toucher à ces réserves sans son autorisation. Mais la question n’est pas aussi simple qu’elle le paraît. Elle est d’ailleurs au cœur d’un débat et suscite de nombreuses réserves dont certaines ont été exprimées par M. Mohammed Abdel Hamid Beydoun, membre de la commission parlementaire des Finances et chef du bureau politique du mouvement Amal. Tout en reconnaissant au gouvernement le droit de disposer de ses actions dans des sociétés commerciales, le député de Tyr met l’accent sur le fait que l’Exécutif doit se concerter avec le Parlement avant de les vendre. «Il vaut mieux que le Cabinet évite les mesures isolées qui pourraient apparaître par la suite comme étant des marchés conclus au détriment de l’intérêt public», explique-t-il. Les critiques de Beydoun M. Beydoun critique l’absence d’études relatives aux secteurs que le gouvernement envisage de privatiser. «Comment et à qui l’Exécutif pourra-t-il vendre ses actions à la MEA ? Est-ce à travers un accord de gré à gré ou sur base d’une opération claire et transparente ? La vente sera-t-elle ouverte à tous et que se passera-t-il si des Israéliens acquièrent une partie des actions ? Le gouvernement n’a pas de réponse à certaines questions et il est dans son intérêt d’établir un programme clair qui bénéficie de l’approbation politique du Parlement dans le cadre de la coordination entre les pouvoirs», affirme-t-il. Il estime que la capacité du Liban à attirer de nouveaux capitaux et à reconsidérer le placement des épargnes constitue de surcroît deux conditions principales à la privatisation. Dans le même temps, il constate que ces deux conditions ne sont pas réunis pour le moment. «Si le gouvernement n’en tient pas compte, il serait en train de vendre ses propriétés au plus bas prix. Nous nous opposerons à la privatisation s’il s’avère qu’elle est contre l’intérêt de l’État et qu’elle porte préjudice à la situation monétaire», poursuit M. Beydoun. Le ministre des Finances préfère pour sa part ne pas commenter l’influence de la politique et des hommes politiques sur le projet de privatisation, se contentant de déclarer : «Chacun doit assumer ses responsabilités». Il se montre en revanche loquace dès lors qu’il s’agit d’expliquer les efforts fournis par le gouvernement pour préparer l’opinion publique à ce projet. M. Corm insiste aussi sur le fait qu’il sera exécuté «suivant des règles juridiques appropriées et des méthodes techniques garantissant les droits du Trésor, des consommateurs et des employés des organismes qui passeront au secteur privé». En ce qui concerne la MEA, M. Corm met l’accent sur l’unanimité dégagée autour de sa restructuration. «Le problème ne réside pas dans l’absence d’études mais dans l’inapplication des études qui s’accumulent. Nous essayons d’agir et nous n’accumulons pas les études», déclare-t-il. Le gouvernement souhaiterait accorder la priorité à la privatisation du secteur des télécommunications dès que la loi-cadre sera approuvée au Parlement. Il confiera au secteur privé la gestion des transports aussitôt que le dossier de la MEA sera prêt. Le dossier de l’eau semble être particulièrement compliqué et celui de l’électricité encore plus. Le projet de loi proposé prévoit un mécanisme rigoureux qui barre la voie à d’éventuels abus. En plus des organes de contrôle qui doivent être formés, l’État détient auprès de chaque société une action or (action privilégiée). La commission parlementaire de l’Administration et de la Justice a amendé l’article relatif à l’action or de manière à «donner au gouvernement le droit de veto au sein des conseils d’administration des sociétés privatisées, sans lui laisser la latitude de commettre des abus. Parallèlement, les actionnaires ont le droit de présenter un recours contre une décision de l’État devant la juridiction ordinaire», explique M. Chaker Abou Sleiman. M. Khalil Hraoui précise pour sa part que la commission parlementaire qu’il préside – celle des Finances et du Budget – a «abrogé l’article relatif à la création du secrétariat général du Conseil supérieur de la privatisation pour empêcher qu’il ne devienne une institution constituant un fardeau pour l’État, à l’instar des établissements publics déjà existants». Il explique aussi que la commission a annulé le droit de l’État à transformer tout ministère ou établissement public en une société commerciale afin que la gestion des départements étatiques ne soit pas, par la suite, cédée au secteur privé sans autorisation préalable du Parlement. Il n’en demeure pas moins que pour M. Beydoun, proche comme on le sait du président de la Chambre, M. Nabih Berry, le projet de loi «n’est en définitive qu’une déclaration d’intention politique à travers laquelle le gouvernement fait savoir qu’il souhaite la privatisation mais qu’il ne sait pas comment s’y prendre pour l’appliquer». Il ne cache pas non plus qu’il pense que «le gouvernement n’est pas capable d’entreprendre des projets de privatisation parce qu’il n’a pas les moyens et l’aptitude nécessaires à ce genre d’entreprise». Force est de constater que les considérations d’ordre politique influeront directement sur le succès de l’opération de privatisation, d’autant que le clientélisme prévaut toujours dans de nombreux établissements publics. Et il s’agit là d’un facteur à ne pas négliger.
Le projet de loi sur la privatisation doit normalement figurer à l’ordre du jour de la réunion parlementaire prévue pour la première quinzaine du mois de mai. Sera-t-il voté ? Rien n’est moins sûr, estime-t-on place de l’Étoile. Le texte suscite toujours des réserves, parlementaires et politiques. Dans les milieux proches du président de la Chambre, M. Nabih Berry, on...