Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

Défense ... et interdits

Dieu sait qu’ on en a vu défiler, au fil des ans, de ces responsables débordant de zèle, de ces artistes de la complaisance et de la flagornerie, chouchous de la maîtresse ne vivant que pour devancer les désirs de celle-ci. Mais parfois trop c’est trop, même quand tout ce bel entrain est dédié à la gloire de la sacro-sainte «unité du destin» libano-syrienne. Pour avoir joué au ministre de la Défense (qu’il n’est certes pas, dans un pays notoirement privé d’autonomie sécuritaire comme de politique étrangère), pour avoir martialement évoqué un déploiement de l’armée syrienne jusqu’à la frontière Sud après le départ de l’occupant israélien, M. Ghazi Zeayter vient d’essuyer ainsi un double désaveu, libanais et syrien. Sous d’autres cieux, et s’agissant de choses aussi graves, M. Zeayter aurait sans doute été prié de rentrer faire joujou chez lui ; il est vrai aussi qu’en d’autres pays, ce n’est pas une timide et anonyme source officielle, mais une instance ministérielle – ou même présidentielle – qui se serait chargée de sanctionner, et durement, une aussi incroyable légèreté. Car il ne s’agit pas, il ne s’agit plus seulement là de dignité mais d’existence, de raison d’être étatique, de place bien à nous dans le Proche-Orient de demain. Le Liban, en effet, est à la veille de se voir restituer sa bande frontalière sud, séquestrée depuis 22 ans par Israël qui, sous les coups de la résistance, en a assez d’une aussi coûteuse occupation. Et que fait-il, le Liban ? Il patauge dans la confusion des genres, comme des esprits : doit-il récupérer sa terre et la gérer sans demander son reste, alors que le Golan syrien reste occupé ? Impensable, scandaleux d’égoïsme. Lancer alors le Hezbollah (ou bien, dernière trouvaille, les Palestiniens des camps) à travers la frontière ? Admirable de dévouement, mais résolument suicidaire. De toutes les gesticulations auxquelles on se livre en ce moment, la plus sidérante cependant est cette distance croissante que prend le Liban officiel avec la résolution 425 de l’Onu qui fut longtemps son leitmotiv, sa scie diplomatique, mais qui sent désormais le soufre pour la simple raison qu’Israël s’y est enfin rallié. Il y a quelques années encore, notre pays, bien qu’organiquement allié déjà à la Syrie, se disait disposé à assumer ses responsabilités à la frontière, pour peu que l’occupant se décide à s’en aller. Depuis, comme on sait, la concomitance des volets libanais et syrien du processus de paix s’est peu à peu muée en unité, non plus seulement des négociations mais des retraits ; et Beyrouth a oublié – ou feint d’oublier – que les résolutions 425 et 426, si elles stipulent bien le retrait sans délai des troupes occupantes, n’en exigent pas moins le rétablissement de la sécurité internationale, la Finul se voyant impartir la mission d’aider l’État libanais à rétablir son autorité dans la région frontalière. C’était là le pendant de l’évacuation, c’est désormais celui de la sécurité : non point la sécurité du seul Israël comme le veut le jargon officiel, mais de la nôtre propre, à l’heure où l’ennemi nous menace des pires calamités, de représailles absolument sans précédent, au cas où la guérilla persisterait après l’évacuation. La Finul ou tout autre dispositif international, c’est notre assurance vie. Pourtant, on croit rêver, ce n’est pas le Liban mais l’État juif qui fait le siège du secrétaire général Kofi Annan, qui rameute les chancelleries pour que soient étoffés, même «lègèrement», les effectifs et la mission de cette force ; ce n’est pas Beyrouth mais Tel-Aviv qui applaudit publiquement à l’idée d’un déploiement français à la frontière. Grossier alibi, subtilement forgé dans la perspective d’une expédition annoncée ? Peut-être, compte tenu de la mauvaise foi israélienne ; mais le Liban, lui, que prépare-t-il au juste ? Que fait-il pour aider le Ciel à l’aider, pour se gagner le soutien et la sympathie du monde, pour donner confiance à ses citoyens inquiets, à sa jeunesse systématiquement poussée au bord du désespoir ? Comme si de se décharger entièrement sur la Syrie pour ce qui est de la négociation n’était pas déjà assez, l’État, en agitant le spectre d’une frontière vouée à rester invariablement «chaude», en boudant la 425 et ses incontournables contraintes, ne fait que resserrer le nœud autour de son cou. Car le seul substitut à cette force internationale épaulant adéquatement une armée libanaise responsable pourrait bien s’avérer être une consécration du rôle sécuritaire vital que s’est arrogée la Syrie au Liban : rôle déjà admis par Israël, bien que dans les limites des lignes rouges de 1976, mais qui pourrait revêtir une dimension nouvelle dans l’ère de l’après-paix, pourvu que soient satisfaits les besoins de tout un chacun. Auquel cas, les ahurissants propos du ministre de la Défense auraient été moins gratuits qu’il n’y paraît.
Dieu sait qu’ on en a vu défiler, au fil des ans, de ces responsables débordant de zèle, de ces artistes de la complaisance et de la flagornerie, chouchous de la maîtresse ne vivant que pour devancer les désirs de celle-ci. Mais parfois trop c’est trop, même quand tout ce bel entrain est dédié à la gloire de la sacro-sainte «unité du destin» libano-syrienne. Pour avoir...