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Actualités - CHRONOLOGIE

Parlement - Itanie aurait dû être jugé devant les tribunaux administratifs (photos)

Jamais, depuis la conclusion de l’accord de Taëf, en 1989, les prérogatives de la présidence de la République et du Conseil des ministres n’ont été remises en question. Il est vrai que l’ancien président Élias Hraoui avait déjà plaidé en faveur de certains amendements de la Constitution, mais c’était dans le but de rétablir l’équilibre entre les prérogatives de la présidence de la République et celles du Conseil des ministres. Aujourd’hui, nul de parle d’une révision des pouvoirs de la présidence de la République ou du Conseil des ministres, mais la réponse du gouvernement à une question écrite de M. Nicolas Fattouche sur la validité des résolutions du Cabinet a été perçue par la Chambre comme un renoncement aux prérogatives du Conseil des ministres et aurait pu être le détonateur d’une véritable crise entre le Législatif et l’Exécutif. «C’est un renversement inacceptable de (l’accord de) Taëf», a fulminé le chef du Parlement, M. Nabih Berry, en écoutant les arguments constitutionnels et juridiques développés par le ministre de la Justice par intérim, M. Sleiman Traboulsi, pour expliquer que les décisions du Conseil des ministres ne sont exécutoires qu’après leur publication par décret portant la signature du ministre concerné ou du président de la République. Une ambiance fiévreuse a prévalu de ce fait, place de l’Étoile, au deuxième jour de la réunion consacrée aux interpellations parlementaires et au cours de laquelle le gouvernement a reconnu, par la voix de son ministre des Transports, mais sans susciter la moindre réaction de la Chambre, que l’ancien directeur du port de Tripoli Mouhib Itani, qui vient de passer six mois en prison, aurait dû être jugé devant les tribunaux administratifs et non pas devant la juridiction pénale. Mais tout est bien qui finit bien. La réunion parlementaire s’est terminée sans accrocs, en dépit de l’obstination du gouvernement à soutenir que les décisions du Conseil des ministres constituent un acte préparatoire. L’affaire avait été soulevée une première fois d’une façon tout à fait anodine lorsque M. Fattouche avait interrogé le gouvernement sur le sort du plan directeur des carrières. Il s’était entendu répondre que le texte n’avait pas été publié par décret et que les décisions du Conseil des ministres ne sont exécutoires que lorsqu’elles sont publiées par décret. Le député de Zahlé s’était alors empressé d’adresser une question écrite au gouvernement l’interrogeant sur la validité de ses décisions. Il avait obtenu la même réponse mais avec cette petite précision : «Toute interprétation des articles constitutionnels commande la promulgation d’une loi constitutionnelle». M. Fattouche avait vu dans cette précision une tentative de court-circuiter le rôle de la Chambre, seule habilitée à interpréter les articles de la loi fondamentale. Il avait alors transformé sa question en interpellation. Le débat constitutionnel commence en début d’après-midi. M. Fattouche expose le problème puis M. Hoss prend la parole pour donner son point de vue en citant l’éminent constitutionnaliste Hassan Rifaï. «Mais c’est du joli». M. Berry est interloqué. L’intervention de M. Traboulsi le met pratiquement hors de lui. Ponctuant ses propos d’un coup sec de maillet, il explose : «Mais c’est un renversement de l’accord de Taëf. Une telle chose est inacceptable. Les Libanais ont payé de leur sang (le document d’entente nationale). Nous ne tolérons pas ce genre d’explications farfelues. Je sais d’ailleurs que tel n’est pas votre point de vue mais celui du ministre de la Justice», M. Joseph Chaoul, qui se trouve à l’étranger. Tentatives de règlements Il lève aussitôt la séance jusqu’à 18h. Il était 15h. L’après-midi est consacrée aux contacts destinés à résorber la crise qui couve. Le président de la Chambre reçoit M. Hoss dans son bureau dans une tentative de rapprocher leurs points de vue. Pendant ce temps, le vice-président du Conseil, M. Michel Murr, discute avec le vice-président de la Chambre, M. Élie Ferzli, des issues possibles au problème. Dès que la séance nocturne reprend, M. Ferzli s’empresse d’ailleurs de proposer que l’intervention du ministre de la Justice p.i. soit supprimée du procès-verbal de la réunion, «parce qu’elle est en contradiction avec les explications de M. Hoss qui a reconnu que les décisions du Conseil des ministres étaient contraignantes». Mais le chef du gouvernement reprend son raisonnement initial, relançant ainsi le débat. M. Husseini souligne qu’en affirmant que ses décisions ne sont que préparatoires, le gouvernement serait en train d’ «abroger les réformes constitutionnelles». Selon lui, le raisonnement du gouvernement est un coup porté à ce principe. Le député s’étonne aussi de ce que M. Hoss ait pu dire que c’est le chef de l’État qui publie les décrets. «Le président demande la publication des textes et c’est le gouvernement qui exécute cette démarche parce que la présidence de la République ne dispose pas d’un appareil lui permettant d’assumer cette mission», explique-t-il. Prenant à son tour la parole, M. Boutros Harb estime que la solution au problème réside dans l’établissement d’un règlement intérieur du Conseil des ministres qui définirait sans équivoque le mécanisme d’action de cette autorité. Et d’enchaîner : «Nous devons pouvoir répondre à cette question : Est-ce que notre système fonctionne de manière à nous permettre de juger un ministre ou un président s’il ne signe pas un décret ? Il existe dans le pays des forces capables d’ébranler la sécurité et la paix civile si certains (hommes politiques) vont à contre-courant des orientations qu’elles ont définies». Un brouhaha l’interrompt. Quelques députés frappent du point sur la table en signe de désapprobation. Mais M. Harb ne se laisse pas intimider : «C’est mon opinion. D’ailleurs, il faut aussi reconnaître que d’anciens ministres s’étaient retrouvés au pouvoir pour des raisons politiques et non pas parce qu’ils avaient obtenu la confiance du Parlement». Il réclame aussi la publication des procès-verbaux des débats de Taëf, dans la mesure où ils expliquent les textes litigieux. Mais M. Berry l’interrompt pour lui rappeler l’objet de la réunion. Le chef du Législatif revient à la charge en affirmant de nouveau que les propos de M. Traboulsi constituent un «véritable renversement de l’accord de Taëf». «Si le Conseil des ministres n’est pas une institution, pourquoi devrait-il être doté d’un règlement intérieur ? Si ces décisions ne sont pas exécutoires, pourquoi sont-elles appliquées d’office au cas le gouvernement ne les modifierait pas à la demande du président de la République ?», s’interroge-t-il. Après une brève intervention de M. Fattouche, c’est le chef du gouvernement qui prend de nouveau la parole, affirmant que «les décisions du Conseil des ministres sont définitives et ne sont modifiées que par une nouvelle décision. Elles sont exécutées par décret, sachant qu’il existe des décisions qui n’ont pas besoin d’être exécutées par décret». Un tonnerre d’applaudissements salue son intervention. L’ancien chef du gouvernement, M. Rafic Hariri, applaudit vigoureusement, comme soulagé, puis M. Berry explique que la décision du Conseil des ministres «est un acte constituant un droit alors que le décret d’exécution représente une simple déclaration de droit» et que «seule la Chambre est habilitée à interpréter la Constitution». C’est ainsi que le débat prend fin. Prié de le commenter à sa sortie de l’hémicycle, M. Hoss se contente de déclarer, un large sourire aux lèvres : «C’est excellent». La séance matinale Dans la matinée, le débat constitutionnel a pratiquement éclipsé les discussions, qui ont porté sur des sujets aussi divers que la politique financière du gouvernement, la pollution provoquée par le diesel et le dossier des médicaments. Les propos de M. Ismaïl Succarieh au sujet des problèmes liés à ce dernier dossier font boule de neige, d’autant que dans sa réponse au député, le ministre de la Santé, M. Karam Karam, a évoqué des généralités, rappelant les efforts déployés par le gouvernement pour réformer le secteur de la santé, réduire le coût des médicaments et assurer de meilleurs services à la population. Prenant le contre-pied des explications du ministre, MM. Boutros Harb, Jamil Chammas, Georges Kassarji et Mahmoud Awad mettent l’accent sur l’humiliation subie par les personnes souffrant de maladies chroniques et dont les médicaments sont assurés par le ministère de la Santé. «Il faut impérativement prendre des mesures pour empêcher que ces malades ne souffrent de nouveaux maux causés par le mauvais traitement qui leur est infligé lorsqu’ils réclament leurs médicaments», déclare M. Harb, alors que M. Chammas insiste sur l’existence d’une mafia des médicaments, «à laquelle aucun ministre n’a pu faire face». Même le chef du Parlement se mêle de la partie, déplorant la paralysie du Bureau des médicaments. «Ce bureau aurait permis au Libanais d’économiser non moins de 42 % de sa facture de médicaments», fulmine-t-il, pendant que M. Kassarji réclame l’ouverture d’une enquête, surtout que M. Succarieh avait fait état du paiement de 150 millions de dollars pour rembourser une facture fictive présentée au nom de malades imaginaires, soi-disant hospitalisés aux frais du ministère de la Santé. Le problème est que cette somme a été versée à un hôpital en voie de construction, selon M. Succarieh. Même le président de la Chambre lui demande de lui soumettre le dossier de cette affaire avant de l’interroger sur le point de savoir s’il a été convaincu par les explications du ministre. «Je ne l’ai pas été et je ne le serai probablement jamais», lance l’intéressé. Rappelons que le parlementaire s’égosille depuis des années à réclamer notamment un contrôle rigoureux des médicaments importés. Curieusement, personne ne relève ou ne commente par la suite la réponse du ministre des Travaux publics, M. Négib Mikati, au député Adnan Arakji, qui l’interrogeait sur l’affaire Sarmolem dans laquelle l’ancien directeur du port de Beyrouth, M. Mouhib Itani, était poursuivi pour obstruction à une décision judiciaire, vol de matériel au port de Beyrouth et détournement de fonds publics. Placide, le ministre approuve les propos du député selon lesquels M. Itani – qui a récemment passé six mois en prison – aurait dû être poursuivi devant la juridiction administrative. M. Arakji avait l’accent sur les exceptions de forme présentées par la direction du port de Beyrouth au juge unique de Beyrouth statuant en matière pénale et contestant la compétence des tribunaux pénaux à juger M. Itani. Il avait argué du fait que l’affaire dans laquelle il est poursuivi porte sur un litige concernant l’exécution d’un contrat. Interrogé par le député de Beyrouth sur les raisons pour lesquelles il avait autorisé les poursuites contre l’ancien PDG du port, M. Mikati répond : «C’est pour que la vérité soit connue». M. Itani, rappelle-t-on, avait été arrêté le 3 juin de l’année dernière, en même temps que Harout Soufian, propriétaire d’une société qui avait été chargée par l’ancien PGG du port de prendre en charge l’épave d’un navire dans un bassin du port de Beyrouth, sachant que c’est une société britannique, la Sarmolem, qui avait été chargée en premier de retirer l’épave et de disposer de la carcasse. La société britannique avait déposé une plainte contre M. Itani pour mainmise sur ses équipements. Elle avait obtenu gain de cause, mais sans parvenir pour autant à récupérer ses équipements : 30 tonnes de chaînes, 900 tonnes de câbles maritimes, 120 serrures maritimes et 400 «clips» d’une valeur totale de 400 000 dollars. Hoss et Corm pris à partie L’ancien PDG du port avait été relâché après six mois de détention. Pas plus que l’affaire Itani, la politique du gouvernement en matière d’importation de carburants ne semble intéresser la trentaine de députés présents dans l’hémicycle. C’est M. Arakji qui avait adressé au gouvernement une question écrite, transformée en interpellation. Le député veut savoir s’il est vrai que le ministère des Ressources hydrauliques et électriques a accepté de réceptionner 45 000 tonnes de fuel destinées à l’Électricité du Liban, ne répondant pas aux normes internationales de qualité et contenant un taux de souffre supérieur à la moyenne tolérée, qui est de 1 %. M. Traboulsi acquiesce mais explique que son département s’était trouvé devant l’alternative suivante : soit il accepte le fuel, soit le pays se trouvera plongé dans l’obscurité. Il précise toutefois que des sanctions ont été prises à l’encontre de cette société, avant d’expliquer dans le détail la politique suivie par son ministre pour l’importation de carburants. M. Arakji se contente de l’explication du ministre, puis prend à partie le ministre des Finances, M. Georges Corm, l’accusant de fournir des estimations erronées sur le service de la dette publique, «pour donner l’illusion d’une réduction des dépenses prévues dans le budget de l’État et donc d’une réduction du déficit budgétaire». Excédé par la campagne menée contre lui par l’opposition, M. Corm brandit encore une fois un dossier, soulignant que toutes les précisions réclamées s’y trouvent et sont répercutées chaque mois par la presse libanaise. Il explique quand même que les estimations concernant le service de la dette sont fournies par la Banque du Liban et qu’il est par la suite apparu que les chiffres avancés étaient inférieurs à la valeur réelle des intérêts servis sur la dette. M. Corm est pratiquement harcelé au sujet de sa politique financière. Il est même vertement critiqué par M. Arakji qui lui reproche de «rejeter toujours la responsabilité sur la Banque du Liban». «Vous êtes le ministre des Finances. Vous êtes responsables de la politique du gouvernement et, comme vous, nous avons des dossiers plein les tiroirs, mais c’est vous que je voudrais entendre», s’écrie le député, rouge de colère, lorsque M. Corm brandit son dossier. Plus tard, M. Arakji s’en prendra au chef du gouvernement, lui reprochant de suivre aujourd’hui une politique qu’il reprochait dans le passé à son prédécesseur, M. Rafic Hariri. Le député demandait à savoir pourquoi le montant des avoirs bruts de la Banque du Liban n’est pas publié, rappelant que M. Hoss avait adressé une question écrite sur le même sujet à l’ancien président du Conseil. C’est M. Corm qui donnera des précisions sur les avoirs de la BDL, précisant que leur volume est «très bon». Il précise toutefois qu’ils ne seront pas publiés, «comme c’est le cas dans tous les pays du monde». Mais M. Arakji n’en démord pas : apparemment, il tient à embarrasser le chef du gouvernement, puisqu’il insiste pour savoir s’il retire les commentaires qu’il avait adressés au Cabinet Hariri au sujet des avoirs bruts de la BDL. M. Hoss se contente de répondre que la réponse qu’il avait obtenue de son prédécesseur correspond à la politique aujourd’hui en vigueur. Concernant la pollution due au diesel, soulevée par M. Béchara Merhej, décision est prise de convoquer les commissions parlementaires à une réunion conjointe pour examiner et approuver deux propositions de loi fixant de sévères conditions pour l’importation de moteurs diesel.
Jamais, depuis la conclusion de l’accord de Taëf, en 1989, les prérogatives de la présidence de la République et du Conseil des ministres n’ont été remises en question. Il est vrai que l’ancien président Élias Hraoui avait déjà plaidé en faveur de certains amendements de la Constitution, mais c’était dans le but de rétablir l’équilibre entre les prérogatives de...