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Actualités - CHRONOLOGIE

Les pauvres de la Silicon Valley veulent encore croire au rêve américain

Ils dorment dans leur voiture, des foyers pleins à craquer ou somnolent toute la nuit à bord d’un bus fantôme : la richissime Silicon Valley ne compte plus ses pauvres, incapables de faire face à l’explosion des loyers dans la région. Pendant des mois, Richard Franco, 48 ans, camionneur, et son fils, 12 ans, ont partagé la chaleur moite d’un garage, jouxtant une villa, faute de pouvoir s’offrir un domicile plus reluisant. «Le propriétaire était ingénieur, il avait deux garages, l’un dans lequel il rangeait ses voitures, l’autre qu’il nous louait», raconte Richard Franco. «Je payais pour cela 600 dollars par mois», dit-il, d’une voix calme. «En été, c’était intenable, l’endroit n’était pas ventilé», se souvient-il. Pour finir, père et fils ont échoué dans la promiscuité d’un dortoir, au foyer Boccardo de San Jose, au milieu de 150 autres sans-abri. La Silicon Valley, qui s’étend sur environ 100 km entre San Francisco et San Jose (Californie), doit son nom et sa fortune au silicium (silicon en anglais), un matériau utilisé dans les circuits intégrés. La région tout entière est vouée à l’industrie électronique (Hewlett-Packard, Intel, Sun) et, depuis le milieu des années 90, à celle de l’Internet (Yahoo, Cisco, Oracle..), ce qui lui vaut la plus forte concentration de richesse au monde. Au cœur du rêve américain, où l’épopée high-tech et le boom de Wall Street génèrent chaque jour 60 nouveaux millionnaires, les déboires de Richard Franco, salarié mais sans qualifications techniques, n’ont rien d’exceptionnel. «Depuis trois ans, nous voyons de plus en plus de familles et de salariés dans nos foyers», constate Maury Kandall, porte-parole du Consortium d’hébergement d’urgence (Emergency Housing Consortium – EHC), qui supervise sept centres d’accueil dans la région de San Jose. La forte demande de logements, conjuguée à un parc immobilier insuffisant, a provoqué une inflation sans précédent dans toute la région, où il devient difficile de trouver un studio à moins de 900 dollars. Dans le plus grand centre de l’EHC, à San Jose, près de 40% des «résidents» travaillent. Ils sont gardiens, serveurs, manutentionnaires, ont des revenus qui seraient considérés comme honorables au Kansas (centre) ou en Virginie (est) mais qui relèvent, dans la Vallée, du seuil de pauvreté. L’an dernier, le revenu moyen par famille était de 83 000 dollars dans la Silicon Valley, contre 45 000 dollars ailleurs aux États-Unis. «À moins de 50 000 dollars, vous êtes pauvre dans cette région», souligne Maury Kandall. Beaucoup n’ont d’autre issue que de partager un logement. Les moins chanceux sous-louent un canapé dans un appartement déjà surpeuplé ou passent la nuit dans le bus 22, qui relie San Jose à Menlo Park et porte le triste surnom de Hotel Twenty-two (Hôtel 22). «Au moindre incident de parcours, un divorce, un problème de santé, de dettes, les gens se retrouvent à la rue», relève Jan Bernstein, porte-parole d’InnVision, qui gère 300 lits dans la région. Après un divorce, Tony Lusk, 41 ans, a atterri dans un foyer avec ses trois enfants. Elle gagne aujourd’hui 15 dollars de l’heure dans un magasin de bricolage. «Je ne peux pas me permettre de dépenser la moitié de mon salaire pour le loyer», dit-elle. «Tout cela est très frustrant. À trois rues d’ici, on construit des immeubles de luxe, mais personne ne fait de logements sociaux», déplore-t-elle. Richard Franco préfère s’accrocher au rêve américain. À presque 50 ans, il a décidé de suivre une formation d’administratreur de réseau câblé dans un foyer de l’EHC. «C’est dur, mais au bout, je peux espérer un boulot à 65 000 dollars. J’aurai assuré les arrières pour mon fils», dit-il.
Ils dorment dans leur voiture, des foyers pleins à craquer ou somnolent toute la nuit à bord d’un bus fantôme : la richissime Silicon Valley ne compte plus ses pauvres, incapables de faire face à l’explosion des loyers dans la région. Pendant des mois, Richard Franco, 48 ans, camionneur, et son fils, 12 ans, ont partagé la chaleur moite d’un garage, jouxtant une villa,...