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Actualités - REPORTAGES

Loisirs - Un nouveau restaurant à la rue Bliss "Elissar", ou la mémoire collective du Liban (photos)

Un nouveau restaurant vient de voir le jour à la rue Bliss. «Elissar», l’ancienne galerie et salle d’exposition de Georges Zeeny, n’a pas changé de nom. Elle a tout simplement été transformée en restaurant, qui se veut la mémoire collective du Liban, voire du monde arabe. Un endroit au cachet spécial qui porte la signature de Zeeny, connu depuis le début des années soixante-dix pour être «un mécène», très proche des artistes et des intellectuels, et pour sa création d’événements. Quand vous franchissez la porte d’Elissar, vous devinez tout de suite que ce restaurant de la rue Bliss ne sert pas des hamburgers ou d’autres sandwishes gras que l’on mange sur le pouce. Ici, pour un café (à 2 250 livres), une salade, un mezzé, ou un plat chaud (à 15 000 livres), il faut prendre son temps. Apprécier les détails. Les murs peints en bleu accueillent 467 objets encadrés : toiles, timbres, photos, pochettes de disques… Ici une œuvre authentique de l’artiste espagnol Juan Miro ne se sent pas dépaysée devant des photographies en noir et blanc des colonnes de Baalbeck. Le restaurant recèle des sculptures de colombes, «symbole de liberté et de paix», selon Zeeny, des grandes amphores d’huile et de vinaigre, une machine artisanale à distiller l’arak, des anciennes éditions de quotidiens libanais, les volumes de l’Histoire de l’Humanité… L’espace à été géré afin de célébrer la terre et les hommes. Des toiles de Hrair et de Rafic Charaf, des dessins de Simone Kosmerelly et de Fayçal Sultan, des photos représentant Maurice Béjart et Nidal Achkar ainsi que des centaines d’autres objets encore ont été réunis à la manière de Zeeny, un esthète devenu collectionneur «à l’âge de treize ans, avec une œuvre de Omar Ounsi». Georges Zeeny se souvient de ses cours de dessin quand il était tout petit. «J’avais 1 sur 10 pour le dessin et 8 pour le regard et le feeling», dit-il. C’est ce regard spécial qui vaut le détour à Elissar, où aucun détail n’a été négligé : la plante qui est assortie aux couleurs des murs, les petits biscuits qui affichent l’initiale du restaurant, les toilettes où pochettes, cravates, gants de dentelles sont disposés pour rappeler la calligraphie arabe, les plats du menu qui portent bien leur nom (les éléments d’une salade nommée tournesol ont la forme et les couleurs d’un soleil, par exemple)… L’originalité ne manque pas non plus dans la préparation du fattouche sous les yeux des clients. D’ailleurs, Georges Zeeny avait introduit ce plat – «une touche libanaise» – dans son restaurant français de Londres, géré avec trois associés durant son séjour en Angleterre. Un exil qui a duré quinze ans. Contraint de quitter le Liban, Zeeny a porté le pays dans son cœur. «Malgré l’attentat dont j’ai été la cible, je n’ai jamais coupé le contact : je lisais les quotidiens locaux qui parvenaient un peu en retard à Londres, j’ai planté un cèdre dans un parc de la capitale anglaise pour célébrer le 50e anniversaire de l’indépendance en 1993, j’ai écrit des livres sur le Liban et j’ai créé l’Organisation culturelle du Moyen-Orient», explique-t-il. Il tient également à citer la conception d’un documentaire sur Cana dans le cadre d’une exposition tenue à Londres sur le village-cible des bombardements israéliens. Le festival de la rue Makhoul «Tout comme moi, ceux qui ont péri à Cana ont vu la mort en face, mais moi j’ai survécu», déclare Zeeny. Il n’aime pas se rappeler ce «9 janvier 1985, 19 heures 40 minutes» quand le Smugglers’Inn a été la cible d’un attentat. Bilan de l’attentat contre le restaurant de la rue Makhoul : 4 morts et 17 blessés. Discret face aux douleurs qui l’ont marqué, il préfère évoquer l’événement uniquement en chiffres. «J’ai fait ma valise le lendemain», dit-il. Avant son départ de Beyrouth et depuis les années soixante-dix, Georges Zeeny, ancien professeur de linguistique à l’Université américaine de Beyrouth (AUB) et propriétaire d’un restaurant qui accueillait les intellectuels du pays, était connu pour les événements et les expositions qu’il organisait. La plupart avait le Liban pour thème, notamment, «Loubnan Ayam Zaman», «Loubnan Tawbeh wa Ahdath». «Le Sud Terre et Hommes» où une barque de pêcheur a été présentée en salle d’exposition. C’est toute la rue Makhoul, adresse du Smugglers’ Inn, qui avait bénéficié de l’originalité de Zeeny. En 1978, le propriétaire du restaurant avait décidé de consacrer une journée à l’art et à l’artisanat. Et c’est la boutique à côté qui décide d’exposer ses produits à dos de chameau. La «journée» se transforme en festival annuel qui englobe toute la rue Makhoul et qui rassemblera plus de 500 000 personnes au cours de sa dernière édition en 1980. Mais Georges Zeeny préfère évoquer le présent et l’avenir. «Je suis sûr qu’il reste encore beaucoup de choses à faire et je veux aider le pays à ma façon», dit-il. Lui, qui a signé l’année dernière son livre sur l’histoire de la monnaie libanaise Piastries from paradise à la Chambre de commerce et d’industrie de Beyrouth, a plusieurs projets en tête. Il a proposé, par exemple, de créer un événement pour l’AUB : cintrer toute l’université d’une toile couleur terre qui présentera la grande et la petite histoire de l’institution depuis sa création en 1866. Il faut cependant trouver les fonds nécessaires à la réalisation du projet. Elissar bénéficiera de tout un programme culturel et artistique. «Je procéderai par thèmes, le premier sera intitulé “une fenêtre sur le Liban” et englobera le théâtre, le cinéma, la littérature, la musique, la peinture, le sport», relève Zeeny. «Un dialogue poétique regroupera Randa Asmar, Julia Kassar, Rafic Ali Ahmedé et Talal Haidar», explique-t-il. Et de poursuivre en souriant que «certains de ces artistes ignorent encore que je compte les choisir». À l’évidence, l’espace Elissar ne sera pas statique. Innovation, créativité et tolérance figureront à l’ordre du jour. Malgré l’épreuve de la guerre et des années d’exil Georges Zeeny a réussi à préserver son âme d’enfant.
Un nouveau restaurant vient de voir le jour à la rue Bliss. «Elissar», l’ancienne galerie et salle d’exposition de Georges Zeeny, n’a pas changé de nom. Elle a tout simplement été transformée en restaurant, qui se veut la mémoire collective du Liban, voire du monde arabe. Un endroit au cachet spécial qui porte la signature de Zeeny, connu depuis le début des années...