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Actualités - CHRONOLOGIE

Sida La recherche piétine

Après deux années d’euphorie liées à l’avènement des trithérapies, des cocktails de trois médicaments, la recherche sur le sida semble être retombée dans le creux de la vague. «Nous n’avons pas grand-chose, et la prévention est un désastre humain», constate le Dr Jacques Leibowitch, virologue à l’hôpital Raymond Poincaré, faisant allusion aux chiffres catastrophiques publiés par Onusida. Selon cet organisme, le virus a tué 14 millions de personnes depuis le début de l’épidémie (95% dans les pays en développement), 33,4 millions d’individus actuellement porteurs du virus dont 5,8 millions infectés en 1998, soit 11 nouvelles contaminations par minute! Les trithérapies, sur lesquelles les malades des pays occidentaux se sont rués, ne sont pas assez efficaces, pas assez puissantes et, surtout, leurs effets secondaires commencent à se faire sentir. De plus, leur succès relatif a rassuré les malades, les homosexuels en particulier, qui sont de plus en plus nombreux à ne plus se protéger. Ces mélanges de deux antiviraux classiques de type AZT et d’une antiprotéase permettent de réduire la «charge virale» (la quantité de virus présent dans le sang du malade) à des niveaux indétectables mais pas de l’éliminer. «Il faudrait parvenir à mettre en place des combinaisons de molécules permettant de traiter les malades par intermittence, sans provoquer ces remontées brutales de la charge virale», explique le Dr Leibowitch. Mais les tentatives en ce sens ont échoué. Le Dr Leibowitch, qui avait essayé une pentathérapie, un mélange de cinq molécules, a été contraint de renoncer car, dit-il, «dès que l’on arrêtait, le virus revenait». Pour l’instant, la seule solution consiste donc à prendre – à vie – une quinzaine de médicaments, à heures fixes, en les faisant passez avec des litres d’eau... le tout à un coût annuel exorbitant. En France, sur 120000 à 150000 séropositifs, entre 60000 et 80000 sont sous trithérapie. Les autres, ignorant leur état, continuent à propager le virus, sans être soignés. «Certes, reconnaît Christine Rouzioux, virologue à l’hôpital Necker de Paris, les trithérapies ont beaucoup amélioré la vie des patients et fait baisser la mortalité, mais elles entraînent aussi des effets secondaires absolument imprévus: prise de poids, mauvaise répartition des graisses, modifications morphologiques, troubles cardiaques, qui posent de nouveaux défis à la recherche». «Pour l’instant, ajoute-t-elle, nous empêchons l’évolution du sida et améliorons le système immunitaire, mais l’arsenal thérapeutique n’est pas énorme et nous sommes peut-être dans une impasse». D’où l’intérêt de faire le bon choix du premier traitement et de «griller dans le bon ordre le peu de cartouches dont on dispose». En attendant de nouvelles molécules, les chercheurs reviennent à une idée qui fait aussi son chemin dans la lutte contre le cancer, l’immunothérapie: stimuler le système immunitaire, voire parvenir à le restaurer. Le poblème est que les médicaments utilisés, interleukines et interférons, sont encore plus chers que les trithérapies. Enfin, les chercheurs n’abandonnent pas la piste génétique, ouverte par des personnes infectées mais indemnes de la maladie depuis 15 à 18 ans pour les plus chanceuses. Grâce à ces «non-progresseurs» – successivement baptisés «survivants à long terme» puis «asymptomatiques à long terme» – les scientifiques ont réalisé que quelques centaines d’individus dans le monde présentent une mutation génétique qui complique l’entrée du virus et son passage de cellule en cellule. Ils ont aussi constaté que ce défaut se transmettait, puisque les enfants de ces séropositifs en sont eux aussi porteurs et donc résistants au virus. Mais toutes ces pistes ne déboucheront pas avant des années au mieux et les chercheurs, conscients du fossé qui s’élargit entre pays riches et pauvres, plaident pour des médicaments moins chers et plus accessibles.
Après deux années d’euphorie liées à l’avènement des trithérapies, des cocktails de trois médicaments, la recherche sur le sida semble être retombée dans le creux de la vague. «Nous n’avons pas grand-chose, et la prévention est un désastre humain», constate le Dr Jacques Leibowitch, virologue à l’hôpital Raymond Poincaré, faisant allusion aux chiffres catastrophiques...