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Actualités - OPINION

En finir avec Sisyphe

L’éventrement d’une infrastructure égale-t-il, en immoralité, mort d’homme ? Non, cette équation, absurde en apparence, ne l’est pas plus que le climat dans lequel baignent, depuis un temps indéfini, les logiques distordues dont la guerre et ses guérillas, la paix civile et son endémique abcès méridional ont renversé le sens commun de ceux qui furent des citoyens ordinaires. Quatre morts contre trois infrastructures avant-hier, un mort contre un déluge d’explosifs écrasant des cibles de béton en juin 1999... Le ministre français des Affaires étrangères remarquait au printemps dernier la réaction «disproportionnée» d’Israël, mais voici à nouveau l’absurde aujourd’hui : on ne nous console guère, sans doute parce que le décompte des explosifs vengeurs est moindre. Partant, comment savoir combien compter de bombes par mort ? On peut cesser de donner dans le tragi-cocasse, reconnaître que tout ici n’est que tactique dans la stratégie de la paix, mais qu’il y a, quoi qu’on en pense, des fins de guerre, sinon plus propres, du moins plus cohérentes. Pour en revenir aux infrastructures (ailleurs ce fut la ville de Dresde, évidemment plus somptueuse qu’une centrale électrique), elles sont faites de mains d’hommes, de sueur d’hommes, d’intelligence scientifique. Qui plus est, évidemment, elles sont faites pour les hommes, contre l’état sauvage, il n’y a qu’à repérer leurs emplacements. Et cela dans un pays pauvre, frustré dans son développement par des destructions endogènes ou étrangères dont l’origine remonte à 1975. Je dois m’interroger quant à mon lyrisme sur les bâtiments, qui semble louche. Mais c’est sans doute ici aussi question de proportion : nos quelques milliers de kilomètres carrés, la puissance de l’ennemi, l’acharnement à nous reconstruire tant bien que mal, l’acharnement de l’État hébreu à exploiter notre précarité avec une habileté consommée à frapper là où ça fait le plus mal, ce qui a tant coûté à édifier... Il faut dire les choses simplement : c’est dégoûtant. D’ici à la fin de juillet 2000 on ne peut exclure la répétition du cycle «attaque-riposte». S’il le faut, on différera l’espoir jusque-là. Puis jusqu’à la paix. Et alors, alors peut-être, la charge de Sisyphe s’évanouira-t-elle au Sud. Il y aura encore beaucoup de «peut-être» d’ici longtemps. L’essentiel est de tenir. Avec une marge de manœuvre étroite mais pas nulle.
L’éventrement d’une infrastructure égale-t-il, en immoralité, mort d’homme ? Non, cette équation, absurde en apparence, ne l’est pas plus que le climat dans lequel baignent, depuis un temps indéfini, les logiques distordues dont la guerre et ses guérillas, la paix civile et son endémique abcès méridional ont renversé le sens commun de ceux qui furent des citoyens...