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Actualités - OPINION

Tribune Digression sur l'un et l'autre ..

L’un de la prestance, moustache des «tycoon» orientaux, le visage ouvert, le sourire à volonté, le large geste que donne l’habitude des larges fortunes. Il s’appelle Rafic Hariri, né et élevé à Saïda, comptable au Liban, puis happé par les dieux vers l’Arabie séoudite du roi Fahd. On connaît la suite : le petit bourgeois de la troisième et plus petite ville du pays revient du royaume wahhabite et pétrolier où il a emporté le titre de «l’un des hommes les plus riches du monde». L’autre est à l’opposé, petit, comme recroquevillé sur lui-même, tout sauf expansif, ancien banquier issu d’une famille de la classe moyenne de Ras-Beyrouth, économiste – donc technocrate – propulsé en politique par le président Élias Sarkis (que de chéhabisme dans l’air...), repropulsé sous Amine Gemayel, comme si c’était toujours à contre-cœur et par devoir, appelé à l’Exécutif, voici deux ans, par le président Lahoud. Non, si nous jouons à Jean qui pleure et Jean qui rit, c’est que nous sommes dans le descriptif et non l’analytique. Un journaliste comparait hier l’hostilité Hariri-Hoss aux anciennes rivalités d’autrefois : Salam contre Karamé ou Yafi contre Salam. Pardonnons à cet innocent cette torsion du temps, et ces comparaisons qui ne sont pas raison. Les grands dirigeants sunnites classiques d’autrefois appartiennent à la préhistoire glorieuse d’un pays sans autres secousses que politiques et qu’étaient-ce d’autres que des chefs, de Basta ou de Tripoli ? Les deux sunnites qui sont en lice aujourd’hui, l’un qui a goûté des périodes de guerre où les paramètres politiques étaient faussés, l’autre arrivé vierge pour conquérir le pouvoir, ne peuvent être en rien assimilés aux œillets de Saëb Salam ou au rigorisme de Abdallah Yafi, tous deux hommes reliés à un Pacte national pas encore ébranlé. Il est curieux que chez les chrétiens, avant la révolution iranienne, tout le fanatisme musulman, ou presque, ait été dévolu aux sunnites. Il semble qu’il le soit encore. Quand, pour le sujet qui nous occupe, un interlocuteur annonce que Hariri est un fanatique nec plus ultra, il s’en lève aussitôt un autre pour accuser son adversaire du pire communautarisme sunnite, prêt à égorger jusqu’aux grecs-orthodoxes. Si ni l’un ni l’autre des deux premiers ministres ne sont un Hassan el-Banna ni un Sayyed Qotb, comment peut-on les exonérer de cette pulsion d’exclusion qui leur tient lieu de pivot sentimental ? (Il est évident qu’un fanatisme chrétien parallèle a accompagné notre histoire. Il suffit seulement de penser à Pierre Gemayel, comme symbole de la crispation maronite anti-islamique) (1). Mais nos propos sont peut-être périmés. Pourquoi le seraient-ils ? Si l’historien Ahmed Beydoun a écrit, il y a quelques années : «Le Liban est un pays islamique», si la majorité confessionnelle a changé de camp, si l’islam est conforté dans son assise, une question continue de se poser aux Hariri et aux Hoss : peut-on se battre contre soi seul ? Rêvons plutôt que les citoyens se battent (par coups de poings, par oral ou par écrit) contre les fantaisies architecturales infligées par Hariri (ancien entrepreneur en bâtiment, on s’en souvient) à la ville de Beyrouth, contre le désastre de la scolarité publique qui continue de s’accomplir au nom de Hoss par l’intérmédiaire de Beydoun, et contre les mille autres exemples de gabegie. Pourquoi ce lyrisme final ? Sans doute parce que je me suis dit qu’autant se battre pour quelque chose. Parce que vraiment, Hariri se battant contre Hoss et inversement, cela ne mènera à rien qu’à une bataille de mots. Et les mots, comme chacun sait, ça vole. (1) Dans les années soixante encore, au très maronite Kesrouan, les courtiers amenant des locataires pour l’été se faisaient demander par les propriétaires :«Hol massihiyin yemma roum ?».
L’un de la prestance, moustache des «tycoon» orientaux, le visage ouvert, le sourire à volonté, le large geste que donne l’habitude des larges fortunes. Il s’appelle Rafic Hariri, né et élevé à Saïda, comptable au Liban, puis happé par les dieux vers l’Arabie séoudite du roi Fahd. On connaît la suite : le petit bourgeois de la troisième et plus petite ville du pays...