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Actualités - OPINION

Tribune Retour à Taëf

Le pouvoir vient de faire une découverte étonnante : le confessionnalisme politique serait à l’origine de tous les maux dont souffrent les Libanais. L’adoption d’une loi électorale bancale, les événements de Denniyé, les problèmes auxquels se heurtent le pouvoir ont, tous, une même et unique cause, le système confessionnel en vigueur dans le pays. Le président de la Chambre, ne voulant pas être à la traîne du pouvoir exécutif, a jugé bon, de son côté, de rappeler qu’il avait, depuis de longues années déjà, réclamé l’abolition du confessionnalisme. Jusque-là, rien de vraiment nouveau. Le pouvoir ne fait que renouer avec une tradition bien ancrée dans la vie politique libanaise qui consiste à ne jamais assumer la responsabilité de ses échecs et à rechercher en permanence un bouc émissaire responsable de tous les maux de la société. Qui est le bouc émissaire que le pouvoir désigne aujourd’hui ? Nos dirigeants se comportent comme s’ils étaient toujours dans l’opposition, comme si Taëf n’avait pas eu lieu et que le pouvoir était encore détenu par les tenants du «maronitisme politique», hostiles à toute modification de la Constitution. Sinon comment expliquer leurs attitudes ? Pourquoi le Premier ministre qui dénonce le confessionnalisme politique ne se hâte-t-il pas de présenter un projet de loi visant à la formation du Comité national chargé d’étudier les moyens d’abolir le confessionnalisme ? Pourquoi le président de la Chambre, qui dispose par ailleurs d’un imposant bloc parlementaire, ne prend-il pas l’initiative d’une telle mesure ? Quelle est la raison de l’apathie des députés appartenant aux diverses formations «laïques», PSP, Baas, Wahd et autres ? Qui donc empêche tous ces gens-là de bouger ? En dénonçant le confessionnalisme, comme il le fait, et en ne présentant aucune solution, le Pouvoir veut laisser entendre qu’il se heurte à une opposition et que cette opposition, qui n’est jamais nommée, est le fait des chrétiens hostiles, par définition, à toute forme de déconfessionnalisation. Écartés du pouvoir depuis 10 ans, les chrétiens se retrouvent, une nouvelle fois – sans avoir rien fait cette fois –, désignés à la vindicte nationale et rendus responsables de la faillite d’une politique à la formulation de laquelle ils n’ont jamais été appelés à participer. Comment déjouer les manœuvres du pouvoir ? La réponse est simple : revenir à l’accord de Taëf que les responsables s’entêtent à ne pas vouloir respecter. Cet accord formule la reconnaissance de deux types d’appartenance concernant les Libanais : – Une appartenance de type national basée sur la citoyenneté et dont le fonctionnement est déterminé par la loi. – Une appartenance communautaire régie par le Pacte national. Ces deux appartenances ne se situent pas sur un même niveau. La gestion de l’État est déterminée par le choix des citoyens qui l’expriment à travers les voies démocratiques prévues par la Constitution. L’appartenance communautaire ne devrait jouer aucun rôle dans la pratique de l’État. L’utilisation de cette dimension dans la politique courante ne sert, en réalité, que des intérêts partisans et non communautaires. La confusion voulue entre les deux niveaux d’appartenance les vide de leur contenu réel. La dimension communautaire ne devient plus qu’un prétexte à la réalisation d’objectifs partisans qui, comme l’a montré l’expérience de la guerre, se font au détriment des intérêts réels à la fois des communautés et des citoyens. Jusqu’à l’accord de Taëf, les solutions reposaient toutes sur une amputation de l’appartenance communautaire, celle-ci devant être reléguée dans la sphère privée sans aucune forme d’expression reconnue. La séparation entre les deux dimensions communautaire et politique serait de ce fait assurée par l’élimination pure et simple d’un des deux termes de la relation. L’accord de 1989 a jeté les bases d’une solution beaucoup plus adaptée à la réalité libanaise. Les communautés obtiennent un droit de regard concernant non pas la gestion de l’État, qui doit nécessairement répondre à des critères d’efficacité et de rendement, mais les choix essentiels que l’État est chargé de mettre en application. Ces choix essentiels n’ont de légitimité que s’ils ne remettent pas en cause la convivialité instaurée entre les communautés religieuses. Celles-ci n’ont donc aucun rôle dans la gestion de l’État et ne disposent que d’un droit de veto concernant les choix fondamentaux de l’État. Cette distinction est capitale pour comprendre comment deux types de structure ayant des objectifs distincts peuvent coexister ensemble sans que l’une ne soit soumise à l’autre ou qu’elles ne se retrouvent dans des situations antagoniques comme cela a été le cas dans le passé. Cette dimension de l’accord qui fait toute sa richesse et sa nouveauté n’a pas été comprise par nos dirigeants. Et pour cause, le modèle auquel ils se réfèrent implicitement est le modèle syrien basé sur l’idée d’État-nation. Le retour à Taëf est nécessaire. Mais un gouvernement qui ne parvient pas à prendre une décision concernant la fermeture des écoles à la veille d’une tempête annoncée pourra-t-il le faire ?
Le pouvoir vient de faire une découverte étonnante : le confessionnalisme politique serait à l’origine de tous les maux dont souffrent les Libanais. L’adoption d’une loi électorale bancale, les événements de Denniyé, les problèmes auxquels se heurtent le pouvoir ont, tous, une même et unique cause, le système confessionnel en vigueur dans le pays. Le président de la...