Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGES

Théâtre - Au Gulbenkian : Quoi où ? de Samuel Beckett Dérision et absence de langage(photo)

Une œuvre grinçante, déroutante, hérmétique. C’est un peu normal puisque nous sommes au royaume de scène de Samuel Beckett. Les élèves du LAU ont présenté au théâtre Gulbenkian une des œuvres les plus secrètes et les plus désarticulées de l’ami de Joyce et dont la résonance particulière n’a pas fini de désarçonner le spectateur. Sous le titre What where (Quoi où) cette pièce, mise en scène conjointement par Vartan Avakian et Sandra Abrass, rejoint parfaitement l’univers de clowneries de l’auteur d’En Attendant Godot» sur fond d’appréhension concrète du néant, de la dissolution du moi et d’une incroyable avarice de dialogues. Dans un décor de bric et de broc moins que minimaliste où traînent un vague échafaudage et des barils, des personnages à l’allure de marionnettes s’agitent contre les précisions de la technologie, l’ennui, l’échec… Il est évident que Beckett, le plus commenté des auteurs du théâtre de l’absurde, dépasse de loin les limites de ce genre qu’illustre avec plus d’éclat et de comique Ionesco. Ici, cette oeuvre habitée d’un silence presque total ne repose guère sur une thèse philosophique mais sur une densité tragique où la dissolution du moi se fond à l’angoisse. Reflexions sans paroles pourrait être la paraphrase de cette pièce courte et animée tel un film muet. Et même quand en fin de «partie» (qu’on nous pardonne le jeu de mots !) les personnages tout en gesticulant usent enfin des mots, rien n’est dit et le verbe est délibéremment oiseux et dépourvu de signification ! Procédé qui génère une angoisse chez le spectateur qui s’en libère par le rire. Rire presque nerveux d’une situation fictive que l’on invente pour donner vie et lumière à ce qui n’existe pas, à cette «attente» qui n’en finit plus… Il est clair que ces personnages habillés d’un ciré jaune tels des éboueurs Sukleen ne sont là que des épaves moribondes. Des êtres qui se ressassent en interminables tics et pitreries ou dialogues de sourds-muets (ici presque inexistants) et qui en fait sont des inadaptés sociaux, on serait même tenté de dire des infirmes. Une décomposition à la lenteur parfois exaspérante, souvent insolite. Rien ne se passe dans ce monde sans espoir de cet Irlandais à l’humour noir, cocasse et qui ne craint pas certaines douces trivialités. Et pourtant le rire fuse à plus d’un moment mais enfant d’un certain malaise, d’une échappatoire de voir la condition humaine si misérable et si douloureuse. Ici toutes les épreuves sont gratuites et enfantent un rire cruel, masochiste. Avec ou sans paroles, l’attente est une fois de plus au rendez-vous chez l’auteur de Happy Days. On recommence toujours comme au début. Comme cette bobine qu’un des acteurs dévide interminablement même lorsque la lumière baisse. Ici aussi qu’on ne s’attende guère à des effets de style, à de la poésie au sens conventionnel du terme, à des histoires ou des anecdotes de monsieur tout le monde. Non c’est le dépouillement absolu sur fond de bafouillage. Pour ceux qui aiment le silence Beckett est l’auteur indiqué. Une œuvre difficile et avant-gardiste (eh oui, même aujourd’hui) qui soulève toutefois en sourdine la hantise de l’informatique et de la robotisation que les jeunes ont intelligemment coulée dans leur énoncé scénique. Les acteurs, même sans paroles, se sont très bien tirés d’affaire. Dans notre ville où le bruit est roi, bienvenue au calme taciturne mais narquois de Beckett.
Une œuvre grinçante, déroutante, hérmétique. C’est un peu normal puisque nous sommes au royaume de scène de Samuel Beckett. Les élèves du LAU ont présenté au théâtre Gulbenkian une des œuvres les plus secrètes et les plus désarticulées de l’ami de Joyce et dont la résonance particulière n’a pas fini de désarçonner le spectateur. Sous le titre What where (Quoi...