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Actualités - OPINION

La tentation du tout politique

C’est à la pensée que l’homme doit travailler la matière. C’est elle qu’il doit utiliser comme vrille et perçeuse. À l’heure du matérialisme rampant, il faut réaffirmer la primauté du spirituel. Lire ou relire Maritain. «La distinction entre pouvoir spirituel et pouvoir temporel, inconnue de l’antiquité, a son origine dans la distinction évangélique entre les choses de César et les choses de Dieu. Mais ces deux pouvoirs, dont chacun est suprême dans son ordre, ne sont pourtant pas égaux: car les choses de César sont à Dieu avant d’être à César» («Primauté du spirituel»). C’est, d’abord, au nom de la primauté du spirituel qu’il faut résister à la tentation du recours à la violence aveugle comme moyen politique, dont le Liban vient d’avoir une éclatante illustration à travers les incidents de Denniyé, mais qui existe, à l’état dormant, chez d’autres groupes politiques, et que des incidents comme ceux de la semaine dernière risquent de réveiller ou de renforcer. Il faut résister à la tentation de la violence, qui est une forme du «tout politique», ou de la tendance à accorder à la sphère du politique, entendue comme pur rapport de forces, la primauté sur la dimension spirituelle de la morale politique. Nous devons plus que jamais laisser le spirituel inspirer nos décisions pratiques et notre conduite, gardant à l’esprit notre vocation historique, les leçons de la guerre et les moyens de la paix. Lors de sa visite au Liban, comme au cours du Synode sur le Liban, le cardinal Lustiger a tenu à mettre en garde les Libanais contre cette tentation du «tout politique». Il l’a dit en puisant dans l’expérience de la France durant la Seconde Guerre mondiale, c’est-à-dire dans l’expérience de l’occupation. «C’est au temps de la servitude que se conquiert la vraie liberté. En 1942, nous pensions que la libération politique, que l’effacement de notre défaite militaire était la condition nécessaire et suffisante pour que nous retrouvions notre identité et notre bonheur. L’expérience nous a montré qu’il n’en était rien (...) Quand est arrivée la libération, quand le général de Gaulle a rendu la souveraineté à notre pays, nos aînés, avides de bien-être et de confort, se sont précipités sur la reconstruction matérielle de notre pays. On a appelé ces années les 30 glorieuses. Elles ont achevé d’endormir les ressources spirituelles de notre pays. (...) Les catholiques de France se sont laissé submerger par les passions politiques qui les ont divisés. La réconciliation n’a été que politique» (intervention au Synode pour le Liban – 1995). «Le politique d’abord» de Maurras, qui trouvera plus tard sa réplique exacte à gauche, qui consiste à réclamer non seulement l’autonomie du politique, mais surtout sa primauté et son hégémonie, est une erreur et une faute, dit encore Lustiger («Le choix de Dieu»). Du reste, nous savons que ces affrontements en Égypte et en Indonésie qui nous alarment appartiennent à un temps historique antérieur au nôtre. Nous savons, nous, que ces tueries sont d’un autre âge et qu’elles sont stériles. Qu’elles ne peuvent qu’entraîner la régression des sociétés qui s’y abandonnent. Cela dit, il n’est pas inutile d’analyser les causes proprement politiques de ce qui s’est produit. La participation au pouvoir, et son opposé, la marginalisation, en est une. C’est aujourd’hui un lieu commun de dire que la démocratie est stabilisatrice. Il est donc de la responsabilité de l’État de faire en sorte qu’au sein d’une société, toutes les voix, y compris les plus marginales, puissent s’exprimer, dans le cadre des institutions. Toute répression, si informe et dérisoire qu’elle paraisse, débouche sur la violence. Cherchant à s’exprimer hors des institutions, elle s’exprimera sous forme de violence détournée ou directe, et érigera ce besoin en politique. Nous rejoignons par là l’importance de la loi électorale, et l’on ne peut que dénoncer une loi présentée comme «non idéale», mais qui va déboucher sur un «pays légal» différent du «pays réel». L’État doit donc sortir de son mutisme et de sa langue de bois, qui en est l’équivalent sonore, et oser le débat démocratique. Car loin d’être l’art de confondre l’intérêt général avec un intérêt particulier, la politique c’est surtout «l’art du bien commun». Une noble et juste aspiration, si l’on s’en donne les moyens et si l’on reste fidèle à cette source d’inspiration première.
C’est à la pensée que l’homme doit travailler la matière. C’est elle qu’il doit utiliser comme vrille et perçeuse. À l’heure du matérialisme rampant, il faut réaffirmer la primauté du spirituel. Lire ou relire Maritain. «La distinction entre pouvoir spirituel et pouvoir temporel, inconnue de l’antiquité, a son origine dans la distinction évangélique entre les...