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Actualités - REPORTAGES

Correspondance Des mentalités difficiles à changer L'ombudsman, une formule à adopter

Pour les féministes, les pays scandinaves sont l’éden tant convoité. À la pointe de la législation pour ce qui est de l’égalité des sexes, la société se dote non seulement de textes garantissant cette égalité, mais également des moyens pour la faire respecter. En Norvège, un ombudsman (médiateur) spécial a été créé pour garantir l’application du «Gender Equality Act» (Loi d’égalité des sexes) voté en 1978. Dans les pays du nord de l’Europe, la formule de l’ombudsman remonte à la nuit des temps. Chargé à l’origine de rapporter au monarque les doléances de ses sujets, l’ombudsman moderne a pour rôle de vérifier la bonne application des lois. Ses pouvoirs en la matière ne sont d’ailleurs pas négligeables. «J’ai accès à tous les dossiers», indique Mme Anne-Lise Ryel, l’ombudsman en charge du «Gender Equality Act». «Je peux poser toutes les questions, l’employeur est tenu de me répondre. J’ai également accès à tous les éléments du dossier du plaignant, même ceux confidentiels». La médiatrice fait ensuite, à partir de tous ces éléments, la part des choses. Elle précise qu’elle espère le vote d’un amendement qui lui permettrait «d’obtenir au moins une compensation pour la personne victime d’une discrimination». D’autant plus que ladite discrimination est le plus souvent irréversible : le poste à pourvoir ne l’est plus ; l’avancement a été proposé à d’autres… «Si on me donne la possibilité de demander des compensations, mon avis sera plus efficace. Surtout que, dans la majorité des cas, l’employeur a pris sa décision plus en fonction d’habitudes que d’une réelle mauvaise intention», affirme la médiatrice. Plus que la bonne foi de l’entreprise, le meilleur atout de l’ombudsman reste, pour l’heure, les médias. «Les entreprises sont sensibles à mon avis, parce que toutes les lettres qui sortent de mon bureau sont publiées au Journal officiel. Tout le monde peut le consulter et la presse s’y intéresse souvent de près. Les journaux enquêtent et publient certains cas. Et cela est, évidemment, très embarrassant pour les entreprises qui se font ainsi épingler». Problèmes d’avancement Les plaintes sur lesquelles doit plancher l’ombudsman concernent le plus souvent «une inégalité de traitement par rapport aux salaires, mais surtout par rapport à l’avancement. L’employeur préférera embaucher un homme, même si une femme est aussi qualifiée. La femme est toujours “soupçonnée” de devoir, à un moment ou à un autre, suspendre sa carrière pour faire des enfants. Et là, il y a toute une mentalité à changer», affirme Anne-Lise Ryel. Assez paradoxalement, les hommes se plaignent autant que les femmes de cet état de fait. «Ils se révoltent contre la pression professionnelle», constate la médiatrice. «Ils sont souvent victimes d’une sorte de chantage de l’employeur qui ne veut pas les voir prendre un congé parental et qui menace de briser leur carrière». C’est que la loi norvégienne autorise l’homme, au même titre que la femme, à prendre un congé parental pouvant aller jusqu’à un an. «En Norvège, le principe est que chacun – autant les femmes que les hommes – a le droit de mener de front une vie active et une vie familiale», explique l’ombudsman. Et la loi autorise un congé parental pouvant aller jusqu’à douze mois, avec 80% du salaire payés par la Sécurité sociale. Et, bien entendu, impossibilité d’être licencié pendant cette période. «L’homme et la femme peuvent bénéficier de ce congé. Mais en tout état de cause, l’homme a un mois de congé exclusif. Les jeunes couples se mettent souvent d’accord : après six mois, la femme reprend un travail à temps partiel et l’homme, à ce moment, se met en temps partiel, ainsi ils peuvent tous deux s’occuper de l’enfant et profiter de la loi sur la famille». Pour 1998, Anne-Lise Ryel a eu quelque 230 nouveaux cas déposés à son bureau. Une augmentation par rapport à 1997 et à 1996 où elle a eu respectivement 211 et 175 nouveaux cas. «La raison de cette augmentation est d’abord liée à l’information». Très médiatique, Anne-Lise Ryel apparaît souvent sur le petit écran pour commenter tel ou tel problème ponctuel. «Je fais également de nombreuses conférences d’information dans les entreprises ou les associations», affirme-t-elle avec un sourire. Par ailleurs, «l’augmentation du nombre de plaignant montre qu’il y a un besoin. Porter plainte est généralement aussi mal vu par l’employeur que par les collègues…». Même si les lois existent, les mentalités, elles, mettent du temps à suivre. «On s’attend toujours plus à voir la femme rester au foyer que l’homme», remarque l’ombudsman. Plus inquiétants, ces résultats de statistiques plutôt surprenants : aujourd’hui, en Norvège, «le fait d’être enceinte est la première raison de licenciement discriminatoire. Les employeurs pensent toujours que la grossesse est un problème», constate, navrée, Anne-Lise Ryel. Une équipe au service de l’égalité L’ombudsman peut être saisi par un plaignant ou il peut se saisir lui-même s’il constate une situation discriminatoire. Si une des deux parties – le plus souvent patron et employé – n’est pas satisfaite du jugement rendu par l’ombudsman, elle peut porter l’affaire devant une cour d’appel. Et en dernier recours aller, bien sûr, devant une cour de justice. D’un point de vue administratif, l’ombudsman relève du ministère des Enfants et des affaires familiales, mais il en est indépendant. L’actuelle ombudsman, la très dynamique et médiatique Mme Anne-Lise Ryel, est entourée d’une équipe de neuf personnes, juristes pour la plupart. Son budget pour 1998 a été de 4 129 000 couronnes norvégiennes (515 000 euros).
Pour les féministes, les pays scandinaves sont l’éden tant convoité. À la pointe de la législation pour ce qui est de l’égalité des sexes, la société se dote non seulement de textes garantissant cette égalité, mais également des moyens pour la faire respecter. En Norvège, un ombudsman (médiateur) spécial a été créé pour garantir l’application du «Gender Equality Act»...