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Actualités - OPINION

Le défi de la vocation

Dix ans après le silence des canons, ce qui fait les nations continue à nous manquer. Comme les hommes, les nations ont besoin d’une raison d’être, d’une mission à accomplir, d’un idéal qui les attire et les aide à se dépasser. Un idéal économique ne peut cimenter notre unité nationale. Bâti sur l’intérêt, il sera changeant comme lui. Aussi fort que l’on croit à une vocation économique du Liban, elle ne saurait être que l’une des composantes de notre message, de notre contribution à la civilisation. La communauté de langue, chez nous, est elle aussi insuffisante. Elle se heurte à la disparité culturelle. Voudrait-on niveler cette disparité qu’on ne pourrait le faire sans réduire la personnalité profonde du Liban à un «plus petit commun dénominateur», qui le banaliserait. Les valeurs «profanes» du civisme restent, elles aussi, prises individuellement, des idéaux réductionnistes. Ce sont des pédagogies (c’est-à-dire des moyens), non des vocations. Les valeurs qui nourrissent les idéologies ne sauraient non plus servir de facteur d’unification nationale, par le risque qu’elles comportent de diviser autant que d’unir. Même la Résistance n’y échappe pas. Bien entendu, on peut végéter comme nous le faisons, et nous distraire en nous prêtant au rêve, à la mémoire, en revêtant des personnalités d’emprunt. Dans ce village global où nous vivons désormais, nous serions les spectateurs passifs d’une uniformisation mortelle. Et d’une atomisation encore plus poussée de notre société. Car s’il est, parmi nos points faibles, un trait plus éminent que les autres, c’est bien notre incapacité à organiser notre vie collective. Nous ne faisons que nous plaindre d’une anarchie dont nous sommes, à titre individuel, les premiers agents. En y réfléchissant, ce qui nous manque, c’est un sens du sacré, un sens de notre mission collective qui confine à l’idéal, un message à donner au monde. Et la bonne nouvelle, c’est que cette mission existe. C’est le message que l’histoire nous a confié : celui du dialogue entre les trois religions monothéistes, et, de façon privilégiée, du dialogue islamo-chrétien. Cette mission est très haute. Pourquoi? Pour la bonne raison qu’elle est très difficile, que ce dialogue ne va pas de soi. Que sur le plan dogmatique, le christianisme et l’islam sont sur certains points en violente opposition l’un à l’autre. Et qu’il faut une infinie patience, de la tolérance et rien moins que l’amour, pour adhérer à une foi, même culturellement, et accepter que les croyances de l’autre soient si différentes. C’est uniquement à ce niveau de l’échange que nous retrouverons le Liban.
Dix ans après le silence des canons, ce qui fait les nations continue à nous manquer. Comme les hommes, les nations ont besoin d’une raison d’être, d’une mission à accomplir, d’un idéal qui les attire et les aide à se dépasser. Un idéal économique ne peut cimenter notre unité nationale. Bâti sur l’intérêt, il sera changeant comme lui. Aussi fort que l’on croit...