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Actualités - BIOGRAPHIE

Les futurs Phéniciens

Aux IIIe et IIe millénaires, les Cananéens antiques ou futurs Phéniciens occupent toute la côte de la Méditerranée orientale, depuis les frontières de l’Égypte jusqu’au golfe d’Alexandrette. Ce long ruban de terre sera, vers 1200, réduit au territoire de la Phénicie classique, qui correspond, à peu de chose près, au territoire de l’actuelle République libanaise. Adossé au flanc méditerranéen de la Syrie géographique, ce pays, formé de côtes, de plateaux et de montagnes, fermé vers le continent et tourné vers la mer, se révélera plus marin que terrien, plus commerçant qu’agriculteur, plus migrateur que casanier, plus transporteur que créateur, plus diplomate que soldat. Ce caractère original, que le Phénicien conservera au cours des âges et qui le distinguera des autres peuples orientaux, sera doublé d’un particularisme irréductible, dû à son isolement géographique et à son relief montagneux. Ni les invasions ni les mélanges de races ne réussiront à détruire le génie particulier de ce peuple. En dépit des amalgames répétés et divers, pays et peuple formeront toujours un ensemble géographique et ethnique homogène, à individualité vigoureuse. Enserré entre la mer familière et l’écran infranchissable d’un long massif, le littoral phénicien, coupé en plusieurs tronçons par des promontoires montagneux ou des vallées profondes, abrite une série de cités côtières, isolées les unes des autres. Communiquant entre elles par mer, ces villes sont plus insulaires que continentales ; la densité de la population et l’exiguïté des terres cultivables orientent l’activité des habitants vers les ressources de la mer. Pêcheur et matelot, le Phénicien construit ses navires avec le cèdre de ses forêts. Seul marin parmi les peuples de son temps, il n’aura jamais à craindre une agression par voie de mer. Du côté de la terre, le pays est aisément défendable, grâce aux obstacles naturels créés par le rempart des montagnes. L’ensemble de ces conditions géographiques a favorisé l’éclosion d’un peuple commerçant et marin. Le voisinage des grandes voies du commerce mondial permettra aux Phéniciens de tirer avantage des aptitudes que les conditions naturelles ont développées chez eux. Intercalés entre les grands empires de Mésopotamie et d’Égypte et le futur monde méditerranéen, ils seront les intermédiaires naturels et bien placés entre ces différents mondes. Ainsi, l’histoire de la Phénicie se lit dans le cadre géographique du pays et non dans la généalogie des peuples et des races qui en ont constamment modifié l’aspect ethnique. Les Phéniciens ne sont pas le produit d’une race spéciale qui aurait disparu par la suite. Ce qui donna créance à cette erreur, c’est la cessation de leur activité maritime, qui manifestait, à l’étranger, leur caractère le plus original et qui passa à d’autres peuples, notamment aux Grecs anciens, pour des raisons économiques et politiques. Leurs autres caractères ethniques et psychiques, qui sont relativement aussi permanents que les conditions physiques de leur milieu, se sont transmis, dans leurs grandes lignes, à leurs successeurs libanais. Le cadre géographique, la structure, le relief et l’emplacement ont également façonné les institutions politiques des Phéniciens et influencé leurs pratiques religieuses. Les dieux phéniciens, Môt et Aleyin, sont, le premier, l’esprit de la végétation et de la moisson, le second, celui des eaux de pluie qui fécondent la terre. L’été, Aleyin dépérit et meurt, tandis que Môt, fils du Soleil, mûrit les grains et la vigne. Chacun de ces dieux meurt pour que règne l’autre. Ce dédoublement s’explique par le climat de la Phénicie, qui a deux saisons bien tranchées ; d’où une rivalité entre le soleil et l’eau, l’été et l’hiver. Enfin, Baal est fils d’Asherat, «maîtresse de la mer»; il préside aux «éléments humides», à qui les Phéniciens sont redevables de leur fortune. Toutes ces particularités ne se rencontrent ni en Mésopotamie ni en Égypte, où les vallées sont fertilisées par les fleuves et où la mer ne joue qu’un rôle secondaire. Ainsi donc, et plus que partout ailleurs, le milieu géographique joue, en Phénicie, un rôle primordial dans la formation et l’évolution de l’individu et de la collectivité. C’est bien la position, la configuration et le relief du pays phénicien qui, inlassablement, mélangeront un afflux incessant de races et de peuples, en les marquant constamment de la même empreinte. Et c’est encore la géographie qui influencera aussi bien la formation et l’évolution de l’organisation politique que la marche et la physionomie des principaux événements de la Phénicie antique et du Liban moderne. Les éléments ethniques formateurs du peuple phénicien Au troisième millénaire, les habitants du pays libanais sont déjà le produit d’un mélange stabilisé. Aux anciens Giblites et autres Méditerranéens autochtones, déjà métissés de Nordiques envahisseurs et de Sémites infiltrés, s’est ajoutée, depuis 2900, une race vigoureuse de nouveaux Sémites : les Cananéens. Ces derniers, qui ont imposé au pays libanais leur langue et leur nom, l’ont fortement marqué de leur empreinte sémito-cananéenne. Il est incontestable que les Cananéens sont sémites de langue. Sont-ils de même origine que les autres groupements sémitiques ? À en croire la Bible, la réponse à cette question serait négative, ce qui nous paraît assez surprenant. L’Ancien Testament a donné, en effet, une liste généalogique des divers peuples connus de son temps, en partant des trois fils de Noé : Sem, Cham et Japhet (ce dernier terme est remplacé aujourd’hui par celui d’Indo-Européen. Dans cette liste, les Cananéens sont rattachés à la race chamitique, celle à laquelle appartiennent les Kémites ou Égyptiens anciens. La Bible affirme ici un rapport étroit entre Canaan et le pays de Kem ou Égypte. Les rédacteurs de la liste généalogique ne semblent pas chercher, comme on le fait de nos jours, la parenté linguistique ni les affinités ethniques. Seuls les liens politiques paraissent dicter leur classification ; nous les voyons, en effet, rattacher à Sem les Élamites, qui sont pourtant des Asianiques. Les découvertes de Byblos confirment cette thèse : la plus ancienne influence et la plus langue que l’on constate en Phénicie est, en effet, celle de l’Égypte. Sur ce point, la Genèse est donc bien informée. À moins cependant que les conflits sanglants, qui opposèrent longtemps Hébreux et Cananéens, n’aient été le facteur déterminant qui aurait amené les auteurs de la liste généalogique à exclure les Cananéens de la communauté sémito-israélite. Les écrivains bibliques réclament constamment la destruction, ou au moins l’asservissement des Cananéens. N’oublions pas le passage de la Genèse selon lequel Noé aurait maudit Canaan. Jawad BOULOS «Les peuples et les civilisations du Proche-Orient»-La Haye 1968.
Aux IIIe et IIe millénaires, les Cananéens antiques ou futurs Phéniciens occupent toute la côte de la Méditerranée orientale, depuis les frontières de l’Égypte jusqu’au golfe d’Alexandrette. Ce long ruban de terre sera, vers 1200, réduit au territoire de la Phénicie classique, qui correspond, à peu de chose près, au territoire de l’actuelle République libanaise....