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Actualités - CHRONOLOGIE

L’image du carthaginois-Phénicien en occident

 Ceux qui ont poursuivi leurs études en Occident croient, dans ce qui leur reste de leur mémoire culturelle, que les phéniciens n’existaient même pas: tout au plus évoquent-ils l’image très estompée d’un énigmatique alphabet et d’une «pourpre» tout aussi mystérieuse. C’était l’alpha et l’oméga de leur nébuleuse histoire. Il y a par contre les Carthaginois qui étaient phéniciens, naturellement, mais personne ne rappelle cette caractéristique «négligeable». C’est plutôt pour un autre et unique motif qu’on en garde le souvenir : ils eurent l’insigne honneur d’être les farouches adversaires des Romains et d’avoir été écrasés par eux en 146 av. J-C. Ils disparurent donc physiquement de la face de la terre, mais les péripéties de leur histoire commune avec les Romains restèrent justement consignés dans la mémoire de la postérité. Ce ne fut, en vérité, ni le premier ni le dernier cas du genre ; mais, dans la faible mesure où la formation culturelle en Occident est imprégnée encore de son fond classique, le cas des Carthaginois-Phéniciens est un cas emblématique. En effet, des deux termes qui désignent ce peuple, seul persiste en eux celui qui fait allusion à l’hostilité. Ils se rappellent des Carthaginois – et non des Phéniciens – parce qu’ils ont été les ennemis (défaits) de la partie à laquelle, dans leur imaginaire, les Occidentaux sont habitués à s’identifier depuis les bancs de l’école, c’est-à-dire les Romains. Carthage, en somme, est une frange de leur passé grâce à laquelle il leur a été permis d’ignorer par le passé les Phéniciens et de continuer tranquillement à le faire. Il est une vieille règle qui vent que le souvenir des peuples vaincus et emportés ensuite par l’histoire soit confié en entier à la bonne grâce (éventuelle) des vainqueurs. Mais avec les Carthaginois-Phéniciens, les Romains frôlèrent tellement de dangers qu’ils ne manifestèrent plus pour leurs ennemis ne serait-ce qu’une once d’esprit chevaleresque. La rudesse de leur affrontement et les périls courus poussèrent les Romains à vouer aux Carthaginois une haine tenace. Ce n’est pas pour rien que chez le lecteur amateur de textes latins – comme chez celui qui les écrit le nom Carthaginois fait resurgir aussitôt en mémoire des expressions qui tant de fois reviennent comme «La perfide Phénicie» ou «Les Phéniciens manquant de parole». C’est également une constante psychologique qui se répétera à l’avenir mille fois : chargé par Cortez d’assiéger la ville de Mexico, Pedro de Alvaredo accusera également, 1 200 ans plus tard, les sujets de Montezuma de l’avoir traîtreusement attaqué, quand, en réalité, ce fut lui et ses soldats qui attaquèrent ces malheureux et les exterminèrent au cours d’une fête. Mais à la différences des Aztèques (comme aussi des Mayas et des Incas), les Carthaginois-Phéniciens n’ont même pas réussi à nous transmettre leurs «chants de conquête», cette chronique transfigurée et plaintive de la catastrophe qui s’abattit sur eux et que nous pouvons acquérir aujourd’hui dans n’importe quelle librairie, en hommage à leur malheureux sort et de reconnaissance posthume de leur identité. Les Carthaginois et leur histoire devinrent tributaires pour toujours de l’archéologie, à jamais éteints, entièrement soustraits à tout dialogue avec nous. Ils ne peuvent plus nous appréhender que par le regard que nous jetons sur des objets muets et froids alignés dans les salles des musées.
 Ceux qui ont poursuivi leurs études en Occident croient, dans ce qui leur reste de leur mémoire culturelle, que les phéniciens n’existaient même pas: tout au plus évoquent-ils l’image très estompée d’un énigmatique alphabet et d’une «pourpre» tout aussi mystérieuse. C’était l’alpha et l’oméga de leur nébuleuse histoire. Il y a par contre les Carthaginois...