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Actualités - ANALYSE

Une formule trop ordinaire pour une situation aussi critique

La désignation de M. Rafic Hariri, attendue de tous, n’a donné lieu à aucune surprise. Par contre, il est extrêmement étonnant que la combinaison ministérielle, également connue d’avance à quelques détails près, soit d’une telle banalité en des temps si troublés, pour ne pas dire si dangereux. Contrairement aux expectatives, aucun effort n’a été déployé ni pour mettre sur pied un Cabinet d’entente ni pour éluder la fâcheuse tradition des quotas, synonyme de partage du gâteau. On ne sort donc toujours pas de la voie déviante empruntée depuis Taëf. Aucun changement de fond, aucun retour à la base, c’est-à-dire à la volonté d’une population lassée des gouvernements chétifs qui n’inspirent pas confiance. Toujours le même veto qui frappe toute une composante sociopolitique du pays, ou encore des personnalités déterminées. Passe encore si l’on avait au moins adopté des critères rigides de compétence, mais ce n’est pas le cas, du moins pour bon nombre de ministres potentiels. Pourquoi et comment en est-on arrivé là ? Tout simplement parce que l’on n’a pas laissé à M. Hariri carte blanche, comme il le souhaitait. Il a été en effet invité, on sait bien par qui, à laisser plusieurs parties, ou partis, participer à l’alchimie de la mixture ministérielle. Dès lors, il s’est retrouvé devant une alternative simple : se récuser ou accepter de diriger un gouvernement à la va-comme-je-te-pousse. C’est ce choix qu’il semble s’être résigné à adopter. Sans doute pour éviter au pays une crise politique grave aux incalculables conséquences économiques, voire stabilitaires. Comme les jeux ne sont pas officiellement faits, le président du Conseil désigné peut encore, théoriquement, avoir un sursaut de refus. Mais de l’avis général, c’est hautement improbable, car en bonne logique, sachant ce qu’il sait, il aurait d’emblée répondu «non» à sa désignation. Certes, il pourra toujours rejeter la responsabilité d’un éventuel échec sur ceux qui lui ont forcé la main. Encore qu’on le voit mal mettre en cause les décideurs. Mais en pratique, c’est bien lui que les Libanais attendent, et attendent au tournant. À leurs yeux, et dans la mesure même où son équipe virtuelle ne paraît pas à la hauteur, le gouvernement, c’est lui et rien que lui. L’espoir d’un redressement, c’est en sa personne qu’il se place désormais. Il prend donc, contrairement sans doute aux vœux de ceux qui lui ont lié les pieds et les mains, une stature de sauveur. À partir de là, rien ne comptera que les résultats. Ou plutôt, pour être précis, la qualité du travail gouvernemental dans le traitement des crises que le pays subit. Le jugement des Libanais pourrait s’en trouver modifié. Ainsi, ils avaient accueilli avec faveur la formation du Cabinet Hoss car il comprenait des compétences reconnues, mais plus tard ils ont dû déchanter. Pour la bonne raison globale que, sans assise politique solide et sans expérience confirmée dans le service d’État, un gouvernement ne peut que multiplier les faux pas. C’est bien pourquoi l’opinion locale, déçue, a fini par estimer préférable un recours aux politiques plutôt qu’aux technocrates. Oubliant peut-être un peu vite que les expériences précédentes avec des équipes de professionnels de la politique avaient elles aussi constitué des échecs notables. À cause, entre autres, du virus de la corruption et de la bactérie du trafic d’influence. Tout cela pour dire que si, par chance ou par miracle, le nouveau gouvernement devait parvenir à assurer sans accroc les services de base à la population (eau, électricité, téléphone, routes praticables, soins, éducation), il serait applaudi. Et il aurait droit, en sus, à une standing ovation s’il réussissait à instituer un État de droit, réfréner la récession, à juguler l’endettement public, à pomper des aides extérieures substantielles, à améliorer la perception fiscale, à faire revenir les capitaux et les investisseurs. À l’ombre, et grâce à une parfaite entente entre le chef de l’État et le président du Conseil. A priori, tout cela semble bien difficile, mais il n’est pas interdit de rêver. Comme il n’est pas interdit de craindre un réveil brutal. Au cas où cette carte de la dernière chance qu’est M. Hariri aux yeux de l’opinion se révélerait perdante. Émile KHOURY
La désignation de M. Rafic Hariri, attendue de tous, n’a donné lieu à aucune surprise. Par contre, il est extrêmement étonnant que la combinaison ministérielle, également connue d’avance à quelques détails près, soit d’une telle banalité en des temps si troublés, pour ne pas dire si dangereux. Contrairement aux expectatives, aucun effort n’a été déployé ni pour...