Rechercher
Rechercher

Actualités - INTERVIEWS

Gouvernement - Le leader druze explicite à « L’Orient-Le Jour » le pourquoi de son raidissement Joumblatt : La formule actuelle est inacceptable, mon bloc n’y participera pas

Même si sa famille vient d’être touchée par le deuil, même si, depuis deux jours, la tempête politique bat son plein, Walid Joumblatt ne se départ pas, ne veut pas se départir, de son arme de prédilection, celle qui permet de faire face à toutes les vicissitudes, qu’elles soient personnelles ou professionnelles : l’humour. L’arme, par définition, des élégants. Une autre évidence, et pas des moindres celle-là : dire, à l’issue de la désignation de Rafic Hariri comme chef du second gouvernement du mandat Lahoud, que la composition du Cabinet en gestation déplaît profondément au seigneur de Moukhtara – ainsi qu’à bon nombre d’autres figures du landernau politique – est un grand euphémisme : Walid Joumblatt rejette catégoriquement, du moins dans sa dernière mouture, cette configuration. La pierre d’achoppement sur laquelle bute, en bonne et due forme, le Premier ministre fraîchement nommé réside en la volonté du chef du PSP de se faire représenter, au sein du nouveau gouvernement et aux côtés des deux ministres druzes, par un membre chrétien – plus précisément maronite. Volonté obstinée et certes compréhensible, au regard de la réelle politique d’ouverture initiée par Walid Joumblatt depuis des mois en direction des chrétiens, et de la présence de neuf d’entre eux au sein de son bloc parlementaire. Volonté à laquelle vient se heurter l’argument avancé par certains selon lequel Walid Joumblatt serait suffisamment représenté par les deux portefeuilles druzes. Volonté de voir enfin se concrétiser, à un haut niveau, tout ce travail en amont accompli en vue d’une véritable entente druzo-chrétienne – et qu’apparemment l’«on» refuse. «Non, cette absence d’un ministre chrétien n’est pas la seule raison qui me pousse aujourd’hui à refuser la participation de mon bloc à ce gouvernement tel qu’il est en train de se profiler. Cette position est un message clair et ferme à la Syrie. Il est quand même étonnant qu’au bout de 25 ans, elle n’ait pas encore compris». Compris quoi ? «Qu’il faut qu’elle arrête de s’immiscer dans le jeu politique interne libanais, qu’elle arrête d’opposer un veto systématique face à toute personne qui serait un tant soit peu représentative de la base chrétienne. Il est impossible de revenir à l’ère des troïkas». Ce changement de la politique syrienne est-il la condition sine qua non à toute évolution ? «Évidemment. Sinon nous allons tous couler». Le message est clair. Quelles sont les différents scénarii aujourd’hui ? Qu’allez-vous faire, concrètement, si cette formule était retenue ? «La représentation du Rassemblement démocratique au sein du nouveau gouvernement est totalement exclue tant qu’elle se limite à la communauté druze». Le nom du représentant chrétien de son bloc parlementaire le plus souvent cité est celui de Fouad el-Saad, le député maronite élu sur la liste de l’Union de la montagne à Baabda-Aley – un proche de Bkerké, «c’est une façon de répondre positivement au patriarche et puis il n’est finalement pas si éloigné que cela du président Lahoud...» Il prendrait la place de qui, éventuellement, Fouad el-Saad ? «Pourquoi pas celle de Farid Rouphaël ou de Khalil Hraoui, par exemple ?» Et qu’adviendrait-il si la situation reste figée, au cas où les noms de Marwan Hamadé, Ghazi Aridi ou Chérif Fayad figuraient sur le décret de formation du nouveau gouvernement ? «Eh bien, Marwan Hamadé, Ghazi Aridi ou Chérif Fayad devraient immédiatement démissionner. Qu’ils nomment dans ce cas-là Adel Hamiyé ou Abbas Halabi, deux intellectuels fort valables ma foi, ou qu’ils gardent Anouar el-Khalil, qu’ils nomment même Talal Arslane, le président Lahoud l’aime bien...» Freiner la descente aux abîmes Ce que visiblement vous souhaitez, c’est votre part du gâteau, c’est cela ? «Écoutez, si tout le monde fait ça, je ne vois pas pourquoi je m’en empêcherai. Après tout, par le nombre, notre bloc est le troisième du Parlement». Quels sont vos rapports aujourd’hui avec Rafic Hariri ? «Le président Hariri, entre autres, s’est livré à un véritable marchandage pour imposer son équipe, et encore, il a fait beaucoup de concessions. Je ne comprends pas pourquoi il n’a pas avancé, par exemple, les noms de Bahige Tabbara et de Fouad Siniora... Moi, avec cette équipe, je ne participe pas, c’est clair». Et l’avenir de vos relations avec le chef de l’État ? «Le président Lahoud ne peut pas continuer à agir comme cela, sinon, nous allons droit vers la catastrophe». Vous la voyez comment la future relation entre les deux présidents ? «Ça ne marchera pas une seule seconde, il n’y a aucune harmonie entre les deux hommes. Je le vois d’ici l’intermédiaire entre Baabda et le Sérail...» Elle réglerait tout, la présence d’un ministre chrétien issu du «Rassemblement démocratique» ? «Pas du tout, cette présence ne ferait que sauver, un peu, la face, elle ne ferait que freiner la descente, inexorable, vers des abîmes économiques et politiques. Et puis, c’est la nature de cette équipe qui ne me convient pas du tout. Il n’y a aucun député du Mont-Liban, une région où malgré l’implication effective de tous les services de renseignements, la liste que je présidais au Chouf et celle que je parrainais à Baabda-Aley ou alors un homme comme Nassib Lahoud, ont triomphé. C’est aberrant. Tout comme la représentativité chrétienne au sein du gouvernement en gestation. Où sont passés les Nassib Lahoud, Amine Gemayel ou Carlos Eddé ? Je le répète, c’est, encore une fois, l’action de la Syrie, qui privilégie des chrétiens du calibre d’Élie Hobeika, de Nader Succar ou de Khalil Hraoui, c’est-à-dire des chrétiens qui ne représentent personne». Une chose encore que Walid Joumblatt, à l’instar, notamment, de Nassib Lahoud, dénonce, c’est cette espèce de gifle que s’est prise la représentation parlementaire dans ce qu’elle a de plus légitime, de plus institutionnel : «avant que soit désigné le Premier ministre, avant même que débutent les consultations parlementaires, la structure quasi définitive du Cabinet en gestation était déjà prête». Walid Joumblatt, en résumé, en conclusion, ne s’est pas privé de reformuler un de ces constats-chocs dont il a le secret : «Il aurait mieux valu, dans ces conditions, garder le gouvernement sortant. Plus encore, le chef de l’État aurait pu le confier à Adnan Addoum, et même former un gouvernement militaire, comme on l’a souvent entendu». Vous pensez que l’on va vous appeler ces deux jours pour vous dire que finalement, on va répondre à vos demandes ? «Non. C’est clair que non». S’il le dit... Reste à savoir quelle sera sa position, à Walid Joumblatt, au cas où un député du Mont-Liban viendrait se greffer aux 23 noms du Cabinet en gestation. En lieu et place, par exemple, d’un Farid Rouphaël... Dans tous les cas, avec lui dans les rangs de l’opposition, le mot démocratie prendra toute sa valeur sous les espèces de lambris de la place de l’Étoile. Sauf si tout bouge au cours de ces deux jours... Ziyad MAKHOUL
Même si sa famille vient d’être touchée par le deuil, même si, depuis deux jours, la tempête politique bat son plein, Walid Joumblatt ne se départ pas, ne veut pas se départir, de son arme de prédilection, celle qui permet de faire face à toutes les vicissitudes, qu’elles soient personnelles ou professionnelles : l’humour. L’arme, par définition, des élégants. Une...