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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

Colloque - Presse et droits de l’homme, les limites d’une prise de conscience Amnesty International ouvre son bureau régional à Beyrouth

Ce n’est encore qu’un petit local, mais pour le Liban, il est porteur de grands espoirs. Amnesty International a ouvert hier un bureau régional à Beyrouth, le seul dans tout le Proche-Orient, destiné essentiellement à sensibiliser les citoyens de la région aux droits de l’homme. Un projet ambitieux, dans le cadre duquel la presse a un rôle de premier plan. C’est d’ailleurs pourquoi la première activité de ce bureau a été de parrainer un colloque de deux jours sur le rôle des médias dans la conscientisation des populations sur les droits de l’homme. Une réflexion en profondeur sur ce qui reste à faire pour aboutir à une société qui garantisse un meilleur épanouissement des individus. Au cours de ces dernières années, les rapports successifs d’Amnesty International sur la situation des droits de l’homme au Liban n’ont pas été très tendres envers les autorités ni avec le système judiciaire, au point qu’il est même arrivé à ce rapport de circuler en douce, les médias n’en publiant que quelques extraits. Mais aujourd’hui, c’est dans ce pays qui n’est pas encore un paradis des droits de l’homme que cette organisation internationale ouvre un bureau régional. Le projet n’aurait d’ailleurs pas pu voir le jour sans la volonté des responsables de l’association, les conseils avisés de Me Chebli Mallat et la bénédiction du président du Conseil Sélim Hoss. Des formalités administratives allégées Lorsque l’idée a été lancée à Londres, siège principal d’Amnesty International, Me Chebli Mallat a précisé à ses interlocuteurs qu’il y avait deux options, soit aviser le ministère de l’Économie comme pour la création de la filiale d’une société ordinaire, soit obtenir l’accord du Conseil des ministres. La seconde option est bien sûr préférable parce qu’elle permet à Amnesty international d’entrer au Liban par la grande porte. C’est donc la voie qu’a choisie l’association et grâce à la détermination du président du Conseil Sélim Hoss qui a facilité toutes les formalités administratives, Amnesty a pu ouvrir hier son bureau régional, le quatrième dans le monde, après ceux de Hong Kong, Costa Rica et Ouganda. Même si, selon les règlements internes de l’association, un bureau régional ne s’occupe pas des problèmes internes du pays qui lui sert de base pour protéger ses militants, l’ouverture de cette filiale à Beyrouth est certainement à mettre au crédit de l’État. D’ailleurs, au cours de la cérémonie d’ouverture, les divers orateurs, notamment les représentants de l’Unesco et d’Amnesty, ont remercié les autorités libanaises pour leur coopération. Mais que l’on ne se leurre pas, car un long chemin reste à faire pour que les droits de l’homme soient réellement protégés au Liban. Dans ce domaine, la presse a un rôle déterminant à jouer. Comment ? C’est la question sur laquelle se sont penchés les divers participants au colloque de deux jours organisé à l’occasion de l’ouverture du bureau régional d’Amnesty. La plupart des orateurs sont convenus que les droits de l’homme ne sont pas délimités dans le temps et dans l’espace. Ce sont des questions permanentes et générales qui doivent être constamment d’actualité, au lieu de faire de temps en temps la une des médias, lorsque les Nations unies lancent un appel en ce sens ou lorsqu’une situation donnée s’impose à l’actualité. Mme Ugarit Younane, activiste des droits de l’homme, a aussi parlé des médias libanais qui reflètent la société avec ses divisions, ses qualités et ses défauts. Face à un tel paysage médiatique, certains sujets font l’unanimité, d’autres, la plupart, divisent et sont perçus différemment selon chaque organe d’information. Élias Khoury a abondé dans ce sens, expliquant que la presse au Liban est le plus souvent au service du pouvoir politique ou de celui de l’argent. Selon lui, le Liban oscille actuellement entre la militarisation et le capitalisme sauvage, et, dans les deux cas, les droits de l’homme n’y seront pas préservés. L’application des lois Ghassan Moukheiber a préféré faire un état des lieux des lois sur les droits et libertés pour constater que, sur le plan juridique, la liberté de presse est bien protégée puisqu’il n’y a plus de censure préalable, de détention préventive des journalistes, et les procès de ces derniers sont déférés devant un tribunal civil. Mais c’est l’application des textes qui laisse à désirer. M. Moukheiber s’est notamment insurgé contre l’exigence d’une licence pour fonder un média. Selon lui, cette démarche est totalement anticonstitutionnelle, puisque le droit d’expression est préservé dans la Constitution. «Il faudrait se contenter d’une simple notification et éliminer le ministère de l’Information». Pour le Pr Antoine Messara, l’essentiel est de tisser des liens étroits entre les militants des droits de l’homme et les journalistes. Ces derniers devraient se pencher sur les affaires importantes non sur les gens importants, étudier les événements en profondeur au lieu de se contenter de l’actualité apparente et se plonger dans la réalité sans se contenter des faits. Selon lui, il faudrait commencer par apprendre aux gens quels sont leurs droits et trouver le moyen d’augmenter la mobilisation des jeunes sur les questions des droits de l’homme, surtout que la plupart d’entre eux croient que tout est déjà acquis et qu’ils n’ont qu’à récolter les fruits. Mirella Abdelsater a insisté sur le problème de confiance entre les ONG et les médias, Nada Abdelsamad a évoqué le problème des propriétaires des médias qui reflètent l’équilibre confessionnel ou le pouvoir, et dans les deux cas, nous tournons dans un cercle vicieux. Samir Kassir a évoqué l’autocensure et la censure invisible des services de sécurité qui pèsent sur la liberté de presse et qui ne sont pas prévues dans la loi. Chebli Mallat, conseiller juridique d’Amnesty International, s’est posé des questions sur la confusion des rôles entre la loi et les médias. En principe, c’est la loi qui garantit les libertés, or, sur le terrain, c’est la presse, dont le pouvoir n’est pas reconnu dans la Constitution, qui les défend le plus. Ce qui amène M. Mallat à se demander jusqu’à quel point le journalisme d’investigation peut remplacer l’enquête judiciaire et en diffusant les images de violence, la presse n’est-elle pas en train de pousser à la vengeance ? Autant de thèmes à méditer au cours de la journée d’aujourd’hui, dans l’espoir que ce colloque pousse les journalistes à réfléchir sur leurs responsabilités vis-à-vis d’une opinion publique de plus en plus dépendante des images fortes et des émotions préfabriquées. Scarlett HADDAD
Ce n’est encore qu’un petit local, mais pour le Liban, il est porteur de grands espoirs. Amnesty International a ouvert hier un bureau régional à Beyrouth, le seul dans tout le Proche-Orient, destiné essentiellement à sensibiliser les citoyens de la région aux droits de l’homme. Un projet ambitieux, dans le cadre duquel la presse a un rôle de premier plan. C’est...