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Actualités - BIOGRAPHIE

PORTRAIT D’ARTISTE - Meilleure actrice au Festival international du théâtre expérimental du Caire Bernadette Houdeib : de l’insolence et de la fraîcheur

Son registre, jusque-là, est plutôt sombre. «Je pense que j’inspire la gravité». On ne s’en étonne pas. Bernadette Houdeib, si : «Je suis tout le contraire de ça. Je suis une fille très enjouée, très rieuse». Ses copains confirment. Pas sa langue dans sa poche. Bernadette Houdeib a la tchatche généreuse des brancheurs multiprises. Clownette à mimiques, espiègle balançant ses vannes avec sarbacane, frondeuse jamais en mal d’une pirouette et puis tout à coup, sous le bagout, l’intensité se fait gravité, le pétillement se mue en prise de position, la faconde s’assombrit et la jeunette prend la densité qu’elle affiche sur scène. Alors on comprend mieux le déboulé en gloire de l’actrice qui débarque... Cheveux courts entre petit voyou et petite voleuse. Minois d’ado mais pas mines de Lolita. Elle est charmante mais c’est un vrai caractère. Une forte personnalité. De l’insolence. Et de la fraîcheur. «J’aime ce métier parce que j’ai l’impression de me démultiplier, de pouvoir prolonger l’intensité de l’existence». La mémoire ? «J’oublie tout, dit-elle dans un rire. Les noms, les rendez-vous»… Mais elle avoue par contre une mémoire d’éléphant pour tout ce qui est de rôle de théâtre. Non seulement elle apprend son rôle par cœur, mais aussi tous les dialogues de la pièce. Elle a toujours poursuivi des activités artistiques en parallèle à ses études. À l’école, sa mère l’a inscrite dans la troupe de danse folklorique de Fahd el-Abdallah. Ayant une prédisposition naturelle, que certains appellent talent ou don, pour monter sur les planches, elle se lance dans des études de théâtre à l’académie des beaux-arts de l’UL. Au concours d’entrée, Roger Assaf, membre du jury d’admission, la remarque. Il lui propose un rôle dans sa pièce Les oiseaux en 1989. Elle devait tenir un rôle de comparse mais, au fil des répétitions, Roger Assaf a constaté son énergie et son dévouement. Elle est donc devenue le second rôle féminin. On lui a ensuite proposé le rôle d’une voleuse dans une pièce pour enfants de Houssam el-Sabbah intitulée Ijjit Ammo Fehmen avec Mahmoud Mabsout. Le producteur de ces deux pièces, Youssef el-Hage, l’introduit ensuite à Doureid Lahham. Elle se rend en Syrie pour le casting. Le metteur en scène et acteur syrien la retient pour le rôle de l’oiseau dans la pièce pour enfants al-Asfoura as-Saidé (l’oiseau heureux). Elle était en troisième année. Elle met une pause à ses études. «Jouer le rôle principal face à un monstre de la scène comme Lahham, c’était un honneur pour moi». Elle enchaînera, toujours avec Doureid Lahham, dans Le faiseur de pluie. Ces deux pièces feront le tour du monde. Les pays du Golfe, la Tunisie, la Jordanie, les États-Unis, l’Australie, le Canada… Du travail avec Doureid Lahham elle remarque : «Les acteurs deviennent des membres de sa famille. Il leur insuffle une énergie incroyable. Il ne nous fait pas sentir qu’il est en train de nous former, de nous lancer. Au contraire. Il vous dira que c’est parce que vous avez un talent que vous êtes là. Il ne fait pas dans la complaisance». Deux ans après avoir quitté la fac, elle retourne pour terminer ses études. Mais le démon des planches ne la lâche pas. Elle participe à une pièce de Raïf Karam Takwin en 1994. «Ce rôle m’a beaucoup appris. C’était une expérience différente. Avec Karam, il n’y a pas de texte, pas d’histoire à raconter. Il y a une forme théâtrale. L’acteur est dépossédé de son entité personnelle pour n’en former qu’une seule avec le reste des acteurs». Suivra une pièce avec Siham Nasser, La poche secrète, présentée à Limoges. Elle obtient sa licence en 1995. Son projet de diplôme a fait beaucoup de bruit. Elle a obtenu 18/20, une note assez remarquable compte tenu qu’elle a travaillé toute seule. Viennent ensuite Samar avec Roger Assaf préparée et présentée uniquement à Paris, pour Jardin de Sanayeh de Roger Assaf toujours (présentée à l’Institut du monde arabe, Paris) et Trio d’Issam Bou Khaled, elle a reçu, au Festival de Carthage de 1997, le «Tanit» de jeune espoir féminin. Puis, al-Mayssan dans le cadre du Festival de Beiteddine, en 1998. Elle a ensuite joué dans al-Jidar de Siham Nasser. Son secret professionnel ? «La sincérité dans la manière de transporter les personnages sur scène. Comment imaginer me mettre dans la peau du personnage. Quand j’ai joué le rôle d’une employée sri lankaise, je n’ai pas colorié ma peau ni adopté leur langage». Et, last but not least, Archipel de et avec Issam Bou Khaled. Le rôle le plus difficile. Parce que le personnage n’est pas clair. Il n’y avait pas de dialogue précis. Ces êtres sont morts depuis un siècle. Ils ont été enterrés vivants dans les décombres. Ils ont subi une mutation. «Pendant les quarante premières minutes, j’étais muette». Elle a donc inventé un langage propre à elle, basé sur le travail du corps, du geste. Un rôle qui a porté ses fruits : meilleure actrice au Festival international du théâtre expérimental du Caire. Elle sourit. «Cela m’encourage à donner encore plus». Maya Ghandour HERT
Son registre, jusque-là, est plutôt sombre. «Je pense que j’inspire la gravité». On ne s’en étonne pas. Bernadette Houdeib, si : «Je suis tout le contraire de ça. Je suis une fille très enjouée, très rieuse». Ses copains confirment. Pas sa langue dans sa poche. Bernadette Houdeib a la tchatche généreuse des brancheurs multiprises. Clownette à mimiques, espiègle...