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Actualités - REPORTAGES

Éducation - L’incident du foulard islamique a exacerbé les ressentiments religieux Tout est rentré dans l’ordre à l’école d’Aïn Ebel

À Aïn Ebel et dans les villages environnants, la tension régnait encore dans la journée d’hier. L’incident du port du foulard islamique, qui avait déclenché la veille un véritable débat autour de la question de la liberté religieuse, n’était qu’une illustration supplémentaire du conflit confessionnel qui s’est manifesté dans cette région depuis le départ des troupes israéliennes. D’un village à l’autre, d’une bouche à l’autre, les versions variaient selon les appartenances confessionnelles. Ce n’étaient pas tant les détails de l’histoire qui importaient que les ressentiments charriés par les prises de position de part et d’autre et les messages véhiculés à travers un conflit qui porte préjudice à une coexistence de plus en plus fragilisée. Dans les villages chrétiens, cet incident a vite fait de réveiller les vieux démons. «Ce sont les cloches du village qui ont commencé par alerter les habitants, lesquels se sont précipités sur les lieux pour recueillir les premières informations et ramener leurs enfants», nous raconte Walid. Les cours avaient repris il y a une semaine et personne n’avait porté le foulard jusque-là, semble-t-il. Toujours selon cette première version, mardi, une jeune fille s’était présentée pour la première fois, les cheveux recouverts d’un foulard. Sommée par la directrice de l’école, sœur Amal Yammine, qui lui avait rappelé les consignes, de l’enlever, l’écolière lui avait répondu qu’elle ne l’enlèverait pas avant de consulter ses parents. Ceux-là auraient débarqué quelques instants plus tard, «armés de revolvers». S’agissait-il de membres du Hezbollah ? «Qui d’autre que les membres de ce parti peuvent se promener librement avec des armes ? Même les fonctionnaires de l’État n’osent pas se déplacer ici avec leurs armes», répond Walid sur un ton on ne peut plus sarcastique. Il rappelle toutefois que le Hezbollah avait par la suite démenti que des éléments armés aient exercé une pression quelconque sur la direction de l’école. La famille entame alors une discussion avec la responsable de l’établissement sans pour autant parvenir à une solution. La directrice refuse catégoriquement de revenir sur sa décision. La suite n’est pas difficile à deviner. «Sous la menace des éléments armés, la religieuse a été obligée de fermer l’école», souligne Walid. La version de Bint-Jbeil C’est à une version quelque peu différente que nous avons eu droit, quelques kilomètres plus loin, à Bint-Jbeil, où l’affaire du foulard alimentait les conversations autant que l’enlèvement des trois Israéliens. Tout aussi offusqué par une mesure arbitraire dont la communauté chiite a eu à souffrir tout au long de la période de l’occupation, un membre du Hezbollah reconnaît avoir pris part au mouvement de protestation qui devait se former spontanément devant l’entrée principale de l’école, auquel s’étaient joints les parents des écoliers et plusieurs membres du parti. « Ce qui s’est passé est absolument inadmissible, dit-il. La sœur en charge a obligé la jeune fille à enlever son foulard devant tout le monde et à s’exhiber devant les jeunes gens de sa classe. Elle en était toute troublée», dit-il. Pour Hassan, l’incident s’est produit le premier jour de classe et non le deuxième. Pour lui, il n’était pas question de procéder à une démonstration de force mais plutôt de manifester son refus du fait accompli et d’une décision qui exacerbait les sensibilités religieuses. Cela s’est finalement concrétisé par un rassemblement des proches du Hezbollah dans la cour de l’école et qui ont bloqué ainsi l’entrée des autocars, tout en signifiant clairement à la directrice «qu’ils ne veulent plus envoyer leurs enfants à l’école, tant que l’interdiction de porter le foulard resterait en vigueur», souligne Hassan. «Mais comme les élèves musulmans forment la majorité de l’établissement, il était normal que l’école ferme ses portes», dit-il. Dans l’après-midi, alors que les interventions s’étaient multipliées pour essayer de calmer les esprits, à l’école, la directrice refusait toujours de rencontrer les journalistes. La seule indiscrétion qui avait filtré hors de l’enceinte du collège portait sur la décision de rouvrir les portes de l’établissement, à partir d’aujourd’hui, pour «accueillir tous les écoliers sans distinction aucune, selon le principe du respect des croyances». Une affaire réglée ? Techniquement peut-être. Mais le conflit masque en réalité un malaise bien plus profond, dont le foulard n’est qu’une l’illustration parmi tant d’autres. On ne le dira jamais assez : la présence de l’armée, que les habitants s’épuisent à réclamer, au moindre incident, en toute occasion, est aujourd’hui encore plus qu’hier indispensable. «Tout ce que nous voulons, c’est rendre compte à une autorité officielle, qui à son tour sera responsabilisée devant les citoyens», souligne Walid en commentant certains actes perpétrés dans la région au nom du Hezbollah. «On commet toutes sortes d’exactions en leur nom. Ils sont peut-être innocents de toutes ces accusations, mais nous, nous ne savons plus qui fait quoi», dit-il en faisant référence aux accusations portées contre le parti de Dieu dans l’affaire des menaces proférées contre l’établissement scolaire. Entre-temps, l’État semble s’obstiner à laisser la région en proie aux aléas des conjonctures et aux fanatismes de tous bords. La population est au bord du désarroi, alors que la guerre gronde aux portes du Liban-Sud ! Jeanine JALKH
À Aïn Ebel et dans les villages environnants, la tension régnait encore dans la journée d’hier. L’incident du port du foulard islamique, qui avait déclenché la veille un véritable débat autour de la question de la liberté religieuse, n’était qu’une illustration supplémentaire du conflit confessionnel qui s’est manifesté dans cette région depuis le départ des...