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Actualités - ANALYSE

Prendre le risque de la paix

 On peut tout reprocher au régime, sauf de n’avoir pas été assez clair sur ses intentions à l’égard d’Israël. Ne pas envoyer l’armée au Sud peut être perçu comme un grave manquement au devoir national, ou même une trahison du serment constitutionnel. Mais aussi comme le passage d’une hostilité passive envers Israël, à une hostilité active. C’est notre régime, c’est notre État. Ceux qui le lui reprochent frappent à la mauvaise porte. Il faut soit nous y faire, soit lutter pour en changer les orientations. Existe-t-il une alternative ? La voulons-nous ? C’est la question que nous devons nous poser. Question qui se justifie d’autant plus que nous devons, avant de nous lancer dans cette hostilité de solidarité qui nous est dictée, en mesurer les avantages et les inconvénients, les acquis possibles et les désavantages certains. Et visibles. L’un des grands et principaux torts de cette politique est d’aggraver la crise économique actuelle et de reculer comme indéfiniment l’heure du relèvement. Oui, si nous persistons à poster le Hezbollah aux frontières d’un Israël lié par un pacte de défense stratégique aux États-Unis, on pourra toujours réclamer ces aides si précieuses pour notre économie. Et l’hémorragie humaine et intellectuelle que nous constatons va se poursuivre. C’est l’une des conséquences les plus alarmantes de l’option d’hostilité envers Israël que nous suivons. Il va nous arriver ce qui s’est produit en Palestine durant la première intifada : le pays va se vider de ses élites, et d’abord de ses élites chrétiennes, les plus facilement tentées par l’appel de l’Occident. Mais si la convivialité islamo-chrétienne est notre trésor national, comme le veut notre Constitution, alors elle doit passer avant même la cause palestinienne, et tout doit être fait pour en éliminer la menace, y compris revoir cette politique aventuriste dont les dividendes sont incertains, mais dont le coût économique et social est on ne peut plus évident. Récupérer Jérusalem est l’un des objectifs de cette politique qui ne se déclare pas tout à fait, qui s’avance masquée. Jérusalem, la ville de la paix, peut-elle être reprise à Israël par la guerre ? Qu’il soit permis d’en douter. Il faut, pour reprendre Jérusalem, une vision de l’histoire beaucoup plus large que celle que laisse entrevoir la révolte des pierres. Certes, la frustration des Palestiniens est telle qu’une partie de leur comportement sacrificiel se comprend et se ressent. Mais ce n’est pas ainsi qu’on va reprendre Jérusalem. C’est par la civilisation, et uniquement par elle, qu’il sera possible d’accéder à la Ville sainte. Expliquons-nous. Ville-symbole, lieu de mémoire, patrimoine de l’humanité, Jérusalem est tout cela. Mais tout cela, ce ne sont aussi que de vieilles pierres. De vieilles pierres qui renvoient à des valeurs. Retrouvons ces valeurs, nous retrouverons les pierres. C’est à un dialogue de civilisation que nous sommes appelés, si Jérusalem doit réellement être à tous. Un dialogue de civilisation et de vie entre l’islam, le judaïsme et le christianisme. Et quel est le lieu de civilisation où ce dialogue existe, ou peut potentiellement se tenir ? Nous l’avons sous les yeux. C’est le Liban de la convivialité, le Liban de cheikh Mohammed Mehdi Chamseddine et de son héritage spirituel, celui de l’Exhortation apostolique, projet de société une et pluraliste. Société que les chrétiens seuls ne pourront jamais bâtir, et que certains d’entre eux ont combattu. Mais que l’histoire a choisi pour nous comme vocation et défi. C’est ce projet et nul autre, ce projet fait de mesure et de modération, de profondeur et de hauteur, qui peut sauver non seulement le Liban, mais la région tout entière des convulsions qui autrement l’attendent. Oui, les affinités sont nombreuses entre le Liban de la convivialité et la Jérusalem spirituelle, celle qui unit au lieu de diviser. Pour sauver le Liban, pour retrouver Jérusalem, et non pas des décombres, il n’y a pas aujourd’hui d’autre voie, et il n’y en aura pas à l’avenir. Au lieu de passer d’un état de guerre passif à un état de guerre actif, nous devons faire activement la paix. Prendre le risque de la paix. Fady NOUN
 On peut tout reprocher au régime, sauf de n’avoir pas été assez clair sur ses intentions à l’égard d’Israël. Ne pas envoyer l’armée au Sud peut être perçu comme un grave manquement au devoir national, ou même une trahison du serment constitutionnel. Mais aussi comme le passage d’une hostilité passive envers Israël, à une hostilité active. C’est notre...