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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

CONFÉRENCE - Le Cedroma a repris ses réflexions sur les droits comparés de la région Jean-Claude Ricci : Le christianisme donne une existence autonome au politique tout en le limitant

 «Mon royaume n’est pas de ce monde», a dit le Christ, faisant ainsi une nette distinction entre le spirituel et le temporel. Dès lors, les régimes occidentaux ont totalement modifié leur conception du pouvoir terrestre. Directeur de l’Institut d’Études politiques d’Aix-en-Provence, M. Jean-Claude Ricci s’est longuement penché sur la question, donnant une conférence sur ce thème à l’USJ, dans le cadre des activités du Cedroma. Fondé en 1997, le centre d’études des droits du monde arabe s’emploie depuis sa création à expliquer les mécanismes des divers régimes de la région dans une approche de droit comparé. Une réflexion en profondeur sur une religion qui a constitué, qu’on le veuille ou non, une grande révolution dans le monde politique. Jean-Claude Ricci prend visiblement à cœur son sujet et c’est avec passion et conviction qu’il expose les résultats de ses recherches sur l’influence du christianisme auprès des régimes politiques en Occident. Selon lui, en tant que religion, le christianisme n’a pas accordé une très grande place au politique, même si c’est grâce à lui que ce dernier a acquis une existence autonome. Car, dans le monde antique, c’était la religion qui fondait la légitimité du pouvoir et c’est donc avec le christianisme que va commencer la grande aventure du politique conçu comme une entité autonome. Pour le Pr Ricci, la distinction entre le temporel et le spirituel est fondée essentiellement sur deux textes célèbres. Le premier figure dans la plupart des Évangiles et rapporte cette déclaration du Christ : «Mon royaume n’est pas de ce monde». Le second est tout aussi connu. Il s’agit du fameux «Rendez à Dieu ce qui est à Dieu et à César ce qui lui appartient». La distinction est nette et incontestable. Mais une séparation étanche entre les deux domaines étant impossible, il a fallu élaborer la théorie. En tout cas, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, l’autorité politique a le droit d’exister par elle-même. Indépendamment de la nature du régime, elle a une fin qui est toujours la même : la recherche du bien commun. Le politique devient ainsi un service effectué pour la communauté. Cette finalité légitime le politique, mais en même temps lui donne ses limites. Une seule finalité, le bien commun Pour saint Thomas d’Aquin, la loi est une ordonnance de la raison promulguée au service du bien commun. Reste à définir celui-ci. Selon Jean-Claude Ricci, ce n’est ni un bien collectif ni une addition des volontés et des intérêts individuels, mais plutôt une coordination entre le destin collectif et les destins individuels. Toutefois, selon le christianisme, Dieu a créé les hommes égaux entre eux et libres. Comment, dans ce cas, justifier le fait que certains aient le pouvoir politique, qui par essence est contraignant pour ceux qui le subissent ? C’est là qu’intervient la nécessité rationnelle. Le pouvoir doit donc concilier et arbitrer l’intérêt général et l’intérêt individuel. Mais quelle est son origine ? Il y a eu d’abord deux courants. Le premier représenté par saint Paul affirme qu’il n’y a «d’autre pouvoir si ce n’est celui qui vient de Dieu» et le second, représenté par saint Augustin, précise que la nécessité pour les groupes d’être gouvernés est d’origine divine, mais non le pouvoir lui-même. Ce qui est contraire à la thèse hébraïque et à l’islam qui reprend celle-ci, six siècles après le christianisme. Toujours selon le Pr Ricci, le christianisme impose le respect de la dignité humaine mais ne spécifie pas la nature du régime politique. Pourtant, il semble quand même annoncer la démocratie, sans en faire toutefois un postulat. Pour le Christ, le peuple est ainsi la source de tout pouvoir humain et saint Thomas d’Aquin évoque la nature humaine des règles de la transmission du pouvoir politique. Il n’y a donc pas d’autorité qui ne vienne de Dieu, mais par le biais du peuple. Plusieurs questions se sont alors posées, notamment sur la justification des interventions espagnole et portugaise dans le Nouveau monde : a-t-on le droit de s’imposer là-bas à des peuples ayant leurs propres croyances ? La réponse est venue assez vague : oui, si c’est pour leur bien et non pour des objectifs lucratifs... Le christianisme lance aussi l’idée de la participation de tous au pouvoir, notamment dans les écrits de saint Thomas d’Aquin, mais les modalités de cette participation dépendent du degré de maturité des sociétés. Finalement, tout en reconnaissant au politique une existence autonome, le christianisme lui donne des limites à la fois externes et internes. D’abord en reconnaissant la primauté de la personne humaine et l’égalité des hommes, le christianisme limite le pouvoir mais aussi la loi de la majorité. Un thème particulièrement d’actualité au Liban. De plus, l’Église étant universelle, elle pousse au cosmopolitisme, non au nationalisme. Parmi les limitations, on peut aussi évoquer la soumission universelle du pouvoir à la loi morale. Jean-Claude Ricci a repris la fameuse formule de saint Augustin : «Le pouvoir qui ne respecte pas la morale est un pouvoir de brigands». Une phrase à méditer par plus d’un gouvernant. Scarlett HADDAD
 «Mon royaume n’est pas de ce monde», a dit le Christ, faisant ainsi une nette distinction entre le spirituel et le temporel. Dès lors, les régimes occidentaux ont totalement modifié leur conception du pouvoir terrestre. Directeur de l’Institut d’Études politiques d’Aix-en-Provence, M. Jean-Claude Ricci s’est longuement penché sur la question, donnant une conférence sur ce...