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Actualités - ANALYSE

Bkerké : une attitude pacifiste mais ferme

Les dirigeants s’avouent un peu surpris, mais ravis, des consignes de retenue répétées ces derniers jours par le patriarche Sfeir aux jeunes qui s’attroupent à Bkerké. Surprise elle-même surprenante, dans la mesure où l’on imagine mal un chef spirituel se transformer en harangueur démagogique tout prêt à mettre le feu aux poudres. En tout cas, étudiants et écoliers ont bien entendu la voix venue d’en haut : le 21 novembre ce sont des sit-in intra muros, dans leurs établissements, et une marche paisible qu’ils ont organisés en guise de «Protest Song» contre la présence syrienne. Pas de débordements, pas de violences, pas d’accrocs avec les forces de police et partant, pas d’arrestations. Le message, hurlé à pleins poumons ou étalé sur les calicots, reste néanmoins clair : la jeunesse veut vivre dans un Liban véritablement indépendant et souverain. Pour mieux atteindre ce but, tout comme pour protéger leur avenir, le patriarche invite inlassablement les étudiants à travailler avec sérieux, à ne jamais céder à la griserie d’une action turbulente de rue, à garder leur calme, en respectant la loi. En leur faisant remarquer que de la sorte ils déjouent les pièges, politiques ou autres, de potentiels manipulateurs et provocateurs. Un détail que signalent des sources ministérielles : après le manifeste de Bkerké et la mise en garde contre un éventuel Anschluss, des responsables sécuritaires sont discrètement entrés en contact avec Mgr Sfeir. Pour lui mettre la puce à l’oreille et le prévenir que certaines parties tenteraient, à l’occasion de l’Indépendance, de détourner à leur profit sa démarche. En utilisant notamment les jeunes qui, par définition, sont enclins à une certaine impatience risquant de mener tout droit à des troubles. Cette observation avisée n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd et, comme on sait, le prélat en a soigneusement tenu compte dans ses orientations. Mais, si l’on peut parler familièrement, ça s’arrête là. C’est-à-dire que Bkerké ne modifie pas ses positions de base d’un iota. Car elles relèvent tout simplement de constantes nationales intangibles comme la souveraineté, l’indépendance, le consensus, les droits de l’homme, les équilibres et les libertés. Dès lors, des sources proches du patriarcat soulignent que «dans la phase actuelle, les formes d’action peuvent être variées. En effet, nous avons maintenant dépassé la phase des prises de position pour aborder celle de la communication du message, de l’entretien de son roulement, si l’on peut dire. Il est important d’éviter les brouillages, la confusion. C’est bien pourquoi Mgr Sfeir met les jeunes en garde contre la tentation de suivre des pulsions irraisonnées ou de se laisser manipuler par des fractions politiques. Pour aller de l’avant, le mouvement lancé par le manifeste des évêques maronites ne doit pas être altéré ou détourné de son objectif. Qui reste de réclamer avec insistance l’application des clauses de Taëf édictant le redéploiement syrien sur la Békaa, en prélude à un retrait total». En tout cas, coïncidence heureuse ou coordination indirecte, on note qu’à l’attitude modératrice de Bkerké à l’égard des jeunes, répondent des indices d’ouverture de la part de Damas. Dans ce cadre, M. Fouad Boutros, qui a été reçu longuement par le président Bachar el-Assad, s’est rendu ensuite auprès de Mgr Sfeir pour échanger avec lui des vues sur la teneur, et la portée, de cette audience. Qui a porté, selon les indications de l’agence officielle syrienne Sana, sur les relations bilatérales libano-syriennes. Il n’est pas exclu que M. Boutros, qui de toute évidence s’efforce de jeter un pont entre les deux hommes, effectue entre eux une navette de bons offices. En confidence, des sources généralement bien informées affirment qu’en réalité «il y a près de neuf mois, il y a eu un échange de messages entre le patriarche et M. Assad qui n’avait pas encore de fonctions officielles mais s’occupait activement du dossier libanais. Un responsable non civil avait transmis au prélat des indications en provenance du Dr el-Assad. Mais le contact a été rompu à cause des importants développements survenus au Liban et en Syrie. Aujourd’hui, le chef de l’État syrien reprend le traitement d’un dossier devenu bien plus problématique ces derniers temps et qui peut être exploité par les ennemis des deux pays. Notamment par Israël, confronté à l’intifada et à de sévères problèmes politiques intérieurs». Ces sources estiment en conclusion que «le pouvoir local pourrait vouloir ne pas rester en dehors de l’affaire de l’ouverture. Et un ministre pourrait être chargé de préparer un plan aux termes duquel cette opération de conciliation serait supervisée par le président de la République». Philippe ABI-AKL
Les dirigeants s’avouent un peu surpris, mais ravis, des consignes de retenue répétées ces derniers jours par le patriarche Sfeir aux jeunes qui s’attroupent à Bkerké. Surprise elle-même surprenante, dans la mesure où l’on imagine mal un chef spirituel se transformer en harangueur démagogique tout prêt à mettre le feu aux poudres. En tout cas, étudiants et écoliers...