Rechercher
Rechercher

Actualités - ANALYSE

Les ministres modérés déplorent le radicalisme de Bkerké, mais prennent quand même sa défense

Des ministres, qui se sont prononcés nettement en faveur d’une modification des rapports avec la Syrie, se disent néanmoins surpris par la vigueur de la campagne menée à cet égard par Bkerké. Ils avouent qu’ils ne s’attendaient pas du tout à ce que dans sa dernière intervention, le patriarche Sfeir aille aussi loin, et aussi franchement, dans ses mises en doute quant aux intentions syriennes concernant ce pays. Ces ministres, qui réclament eux aussi l’application de Taëf et le redéploiement sur la Békaa, notent que le manifeste initial des évêques maronites, tout en étant sévère, avait permis par les limites qu’il s’imposait, l’ouverture d’un débat parlementaire sur une question jusque-là taboue. Ils regrettent dès lors que le patriarche ait foncé bille en tête dans un champ d’hypothèses où nul d’entre eux ne peut le suivre sans se brûler les ailes. En d’autres termes, à leur avis, ses mises en garde contre un anschluss sont trop incendiaires. Du moins pour des officiels comme eux, tenus après tout à respecter la ligne adoptée par l’État dont ils font corps. À leur avis, même sur plan purement plus pratique, il reste préférable de limiter la discussion au redéploiement et à la réorganisation des relations libano-syriennes. Ajoutant que les données en leur propre possession ne leur permettent pas de partager les soupçons patriarcaux quant à l’éventualité d’une annexion du Liban par la Syrie ou d’une fusion entre les deux pays, ce qui revient d’ailleurs presque à la même chose. – Cependant, ces mêmes responsables prennent, face à ses contempteurs, la défense de Bkerké. Ils affirment qu’avant ses courageuses prises de position, personne sur la scène politique locale ne pouvait évoquer le malaise relationnel avec la Syrie sans être accusé de porter atteinte à l’ordre établi, en s’affiliant de la sorte à l’opposition hostile à Taëf. Ces ministres ajoutent que les opposants de l’intérieur du système évitaient de soulever le problème des rapports avec Damas, dont tout le monde a toujours été conscient, parce qu’ils savaient que cela les mènerait tout droit à une pénalité d’exclusion du jeu courant. L’initiative de Bkerké, concluent-ils sur ce point, a ouvert les vannes et libéré un débat primordial. Allant plus loin dans leur plaidoyer en faveur de Bkerké, ces ministres rappellent avec quelle insistance l’on avait sollicité le concours du patriarche pour «faire passer Taëf» au niveau du camp chrétien. De fait, ajoutent-ils, Mgr Sfeir avait accepté d’affronter la rue chrétienne pour défendre des accords qui avaient l’immense mérite, à ses yeux, de mettre fin à la guerre. Il en avait payé le prix, rappellent également les mêmes personnalités officielles, par les offenses et même les agressions physiques que des extrémistes déchaînés lui avaient fait subir en attaquant le siège patriarcal. «Or, s’indignent ces ministres, que voyons-nous, qu’entendons-nous aujourd’hui ? Les mêmes parties qui avaient fait des pieds et des mains pour que Bkerké soutienne Taëf renient ces accords et les foulent aux pieds, en refusant le redéploiement syrien sur la Békaa. C’est d’autant plus inadmissible que sur le pacte de Taëf se fonde toute loi chez nous, puisqu’il est l’acte fondateur de notre nouvelle Constitution. Comme le patriarche le relève, il est totalement illégal de sortir de ce cadre et d’annuler la clause relative au redéploiement comme au retrait complet qui devrait suivre à terme. Nous devrions comprendre qu’il nous appartient de faire appliquer Taëf et qu’il est absurde de critiquer le patriarcat parce qu’il le défend. Plus exactement, parce qu’il proteste qu’on fasse de ces accords vitaux un chiffon de papier, en concrétisant certaines dispositions et pas d’autres, d’une manière outrageusement discriminatoire». – Un détail reste cependant à rajouter : la déclaration ministérielle elle-même n’évoque nulle part Taëf. Ce qui n’a pas dû échapper aux ministres cités qui n’ont pourtant pas tenté de faire corriger cette lacune. On ne peut pas vraiment s’en étonner : après tout, malgré les prises de position de leur chef, même les ministres joumblattistes se sont déclarés solidaires de la déclaration ministérielle. Qui «légalise» la présence militaire syrienne, sans tenir compte de Taëf. À ce propos, un politicien, qui pour sa part ne porte pas le pouvoir dans son cœur, souligne avec amertume qu’«elle est bien belle, cette transparence dont les responsables nous rebattent les oreilles à longueur de journée. Où en voit-on de la clarté dans leur attitude ? Dans leur quasi-dérobade à l’égard d’un débat national comme la présence syrienne ? Ils se contentent de répéter invariablement, sans se donner la peine d’expliciter leur point de vue à une opinion assoiffée de comprendre, que cette présence est nécessaire, légale et provisoire. On aimerait savoir en quoi. Le comportement désinvolte, évasif, du pouvoir alimente et attise le feu des divisions intérieures. Mais s’en rend-il compte ?» La question n’est peut-être pas très précise et pourrait être tournée de la sorte : peut-il faire autrement ? Philippe ABI-AKL
Des ministres, qui se sont prononcés nettement en faveur d’une modification des rapports avec la Syrie, se disent néanmoins surpris par la vigueur de la campagne menée à cet égard par Bkerké. Ils avouent qu’ils ne s’attendaient pas du tout à ce que dans sa dernière intervention, le patriarche Sfeir aille aussi loin, et aussi franchement, dans ses mises en doute quant aux...