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Actualités - ANALYSE

DROITS DE L’HOMME - Les détenus libanais avaient organisé un réseau de communication pour rester à l’écoute du Liban Dans les geôles, en Syrie, l’espoir malgré tout

Ils auraient voulu rentrer la tête haute de Syrie. Ils auraient voulu être accueillis en héros. Quelques jours plus tôt, dans la prison de Saydnaya, ils s’étaient même disputés – eux qui ont vécu des années de misère ensemble – pour décider qui portera le drapeau du cèdre majestueux en passant la frontière syro-libanaise. Mais, c’est à l’humiliation qu’ils ont eu droit lundi dernier. D’ailleurs, juste avant de partir pour le Liban, ils ont demandé à leurs geôliers syriens qui leur avaient ligoté les mains et bandé les yeux : «Pourquoi vous faites ça ?». ils ont entendu une seule et unique réponse : «Ce sont les habitants de votre pays qui – cette fois – ont donné les ordres». Ils étaient en tout 18, jusqu’à samedi soir, à être sortis libres du Palais de justice, après avoir passé un peu moins d’une semaine à la dernière station de leur chemin de croix, à savoir le ministère de la Défense à Yarzé. Ils ont tellement vécu en Syrie, qu’ils en ont rapporté l’accent. C’est en sanglots que 54 personnes ont franchi la frontière syrienne vers le Liban, lundi dernier : ils avaient les yeux bandés et ils n’ont pas vu ou même entrevu la terre de leur pays. En franchissant ainsi la frontière, ils ont compris qu’ils ont raté le moment tant attendu... Et pourtant c’est ce moment-là, cet autre bout de frontière, ce pays qu’ils ont essayé de reconstruire dans leur tête – et à leur manière – dans les geôles syriennes qui leur a permis de tenir le coup durant les longues années de détention. Comment ces prisonniers libanais ont réussi à s’organiser ? À recueillir des informations ? À être au courant de tout ce qui les concerne quand les visites de leurs parents, déjà rares, se sont arrêtées ? Entre Tadmor, Mazzé, Saydnaya et d’autres geôles syriennes encore, ils ont installé une sorte de réseau de communication entre prisonniers libanais. «La prison politique de Saydnaya» était leur dernière étape. C’est là qu’ils ont réussi à avoir toutes les nouvelles du Liban. Le soir dans leur cellule, grâce à leurs transistors, ils avaient installé un système d’écoute de 17 heures à 1 heure du matin. Ils parvenaient à capter RMC, La voix du Liban et d’autres chaînes libanaises. C’est ainsi qu’ils ont su qu’ils seront libérés. Que le Liban, avec son patriarche maronite, une ou deux de ses associations, quelques-uns de ses députés et de ses journalistes, ne les a pas véritablement oubliés. Parfois, ils réussissaient – par le biais d’autres prisonniers – à lire des journaux en provenance du Liban. Ils recevaient surtout le Liwaa, le Diyar, et le Anwar. Très rarement an-Nahar. L’Orient-Le Jour a rencontré certains d’entre eux. Tous assurent qu’il n’y a plus aucun Libanais «dans la prison politique de Saydnaya» sans donner de plus amples précisions. C’est la loi du silence qui entoure ce sujet et beaucoup d’autres. Comme si les anciens détenus des prisons syriennes se sont donné le mot pour ne rien dévoiler sur leurs sombres années de misère. Pour expliquer l’espoir qui les a animés durant des dizaines d’années de détentions ils citent un vieux proverbe syrien : «Les portes des prisons ne restent pas éternellement fermées». Voici un autre adage : tôt ou tard toutes les vérités éclateront au grand jour. Patricia KHODER
Ils auraient voulu rentrer la tête haute de Syrie. Ils auraient voulu être accueillis en héros. Quelques jours plus tôt, dans la prison de Saydnaya, ils s’étaient même disputés – eux qui ont vécu des années de misère ensemble – pour décider qui portera le drapeau du cèdre majestueux en passant la frontière syro-libanaise. Mais, c’est à l’humiliation qu’ils ont...