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Actualités - CHRONOLOGIE

Liban-Syrie - Manifestation hier place Tabaris Les familles des disparus en appellent à l’État

Ni la pluie battante ni les unités des FSI déployées en force n’ont pu contenir la révolte des familles des disparus, toutes celles qui se sentent aujourd’hui «abandonnées», «trahies» par leur propre État. Lors d’une manifestation organisée hier après-midi place Tabaris, ce sont plusieurs centaines de Libanais qui sont venus dénoncer la position des autorités libanaises, définie mardi par le procureur Adnane Addoum. «Le dossier sera définitivement clos dans les prochains jours», avait dit M. Addoum. Comprendre : lorsque Damas fournira la liste des 80 à 85 Libanais qui purgent des peines pour des crimes de droit commun. Mais pour les parents des disparus, comment peut-on clore un dossier qui concerne des dizaines de vies humaines dont le sort reste encore inconnu, et dont les familles attendent depuis de longues et douloureuses années, à l’affût du moindre indice, du moindre renseignement sur leurs proches ? Dans cette foule au bord de la crise, sous une pluie qui n’en finissait pas de tomber, les mères en pleurs sortaient devant les caméras de vieilles photos jaunies, bouts de papier sur lesquels avaient été notées des informations recueillies «auprès de sources sûres». Elles certifiaient que le fils, frère, oncle ou cousin étaient encore en vie. «On m’a dit qu’il était toujours détenu dans une prison en Syrie», affirme Amine Hassoun, qui raconte qu’un certain Camille Nassour, de nationalité syrienne et qui était sur le même banc d’école que son fils Hassoun, a fini par le retrouver plusieurs années après, en détention. C’est grâce à ce Nassour que le père a appris que son fils, disparu à Kfarhim en 1982, est toujours en vie. «Tout ce que nous souhaitons, c’est que l’État assume ses responsabilités et tienne compte des renseignements que nous mettons à sa disposition pour en vérifier la validité». Amine Hassoun ne veut qu’une chose : obtenir que la lumière soit faite autour de cette affaire, au moment où les autorités veulent «clore le dossier». Les protestataires, qui avaient bloqué la circulation sur l’avenue Charles Malek, (du nom de l’un des auteurs de la Charte des droits de l’homme de l’Onu), ont entonné l’hymne national face aux agents de l’ordre qui leur demandaient d’évacuer la voie publique. Mais les manifestants ne voulaient rien entendre. «Nous ne voulons pas rouvrir les plaies, mais les fermer», assure l’un des manifestants, lesquels portaient une immense banderole sur laquelle on pouvait lire : «Quand rentreront-ils ?». Les bousculades, inévitables dans toute manifestation, menacent de dégénérer mais sont bien vite maîtrisées à la suite de négociations pacifiques entre forces de l’ordre et manifestants. «Vous croyez que nous ne voulons pas leur libération, à vos fils ?, leur lance l’officier en charge. Mais ce n’est pas une raison pour bloquer la route». Émus devant les mères éplorées, sensibilisés au discours des jeunes, présents en nombre, les policiers finissent par laisser faire. «Nous voulons la libération des détenus», scandent les quelque 300 personnes présentes. Leur résolution était à la mesure de leur conviction. Sonia Eid affirme avoir vu son fils, un soldat de l’armée libanaise, en Syrie en 1991, et avoir des preuves de son maintien en détention. Ils sont nombreux, les parents des militaires libanais disparus en 1990. «Ils ont servi le drapeau et la nation. Voilà comment on les remercie», commente tristement le frère d’un officier disparu avec trois de ses compagnons. Ayoub Chlawit visitait régulièrement son fils Georges depuis 1994. Mais ces quatre dernières années les visites étaient interdites. Depuis, il n’a plus de ses nouvelles. Il parle de la fortune qu’il a dépensée durant la détention de son fils «tout mon salaire y passait, plus ma maigre épargne». Ayoub, qui se soigne actuellement pour une dépression grave, porte les stigmates d’une souffrance qui n’a que trop duré. Pourtant, il continue d’espérer et de croire qu’il pourra peut-être passer les fêtes de fin d’année avec son enfant. Dans un communiqué, les «amis des parents des détenus dans les prisons syriennes» ont réclamé la formation d’une commission d’enquête officielle qui comprendrait des juristes indépendants et qui serait «autorisée à interroger des civils et des militaires». «L’annonce de la présence de Libanais dans les prisons syriennes est intervenue après des années de démentis catégoriques, c’est donc une preuve que les forces syriennes ont arrêté arbitrairement des ressortissants libanais», estiment les auteurs du communiqué. «Ces arrestations étaient contraires à la loi et à toutes les conventions internationales», soulignent-ils. Quoi qu’il en soit, si tous les disparus ne sont plus en Syrie, à en croire les responsables libanais, une question demeure : où sont-ils passés et à qui incombe la responsabilité de le découvrir. «À l’État, évidemment. Il est de son devoir d’effectuer les recherches nécessaires et d’apporter les preuves qu’ils ont réellement disparu au Liban, sur le champ de batailles», soutient Amine Hassoun. «Le problème ne se limite pas seulement aux personnes qui ont disparu durant la guerre ou avant 1990. Pourquoi ne pas soulever par exemple la question d’un Samir el-Hajj, originaire de Rmeich, disparu dans la zone industrielle de Jdeidé en 1996, sous les yeux des autorités libanaises ? Pourquoi ne pas parler aussi du cas de Ali Saïd el-Hajj, porté disparu , mais dont plusieurs sources concordantes (dont un témoin oculaire) ont assuré qu’il a été condamné à mort ?», s’interroge Mahmoud. Peut-on encore parler de dossier clos ? Jeanine JALKH
Ni la pluie battante ni les unités des FSI déployées en force n’ont pu contenir la révolte des familles des disparus, toutes celles qui se sentent aujourd’hui «abandonnées», «trahies» par leur propre État. Lors d’une manifestation organisée hier après-midi place Tabaris, ce sont plusieurs centaines de Libanais qui sont venus dénoncer la position des autorités...