Tribune du disque - Spécial Noël Le cercle chromatique

Il est des cadeaux de politesse, et de ceux-là je ne parlerai pas, car il est rare d’y trouver des disques. En effet, si vous comparez ce cercle chromatique à une corbeille de roses, il est certain que les fleurs – si éphémères qu’elles soient, comme tant de poètes l’ont souligné – offrent une bien plus grande séduction apparente. Le CD fait partie d’un cadeau plus secret ; il marque les parentés électives, les affinités subtiles. Il est don et partage d’une joie. On répugne à offrir un CD que l’on n’apprécie pas, ou au contraire un enregistrement très aimé à un semi-indifférent. Quand on offre un CD, c’est d’abord pour se faire plaisir à soi-même. Pour vous aider à choisir vos cadeaux de fête, j’ai tenté de vous proposer les meilleurs enregistrements de l’année. Mais je ne peux vous en donner une liste complète, leur nombre est trop important. Alors j’ai décidé de vous présenter seulement mes CD préférés. Oubliant pour une fois l’objectivité que je m’impose d’ordinaire, je me suis laissé aller à mon goût personnel et je me suis amusé, avec autant de fantaisie que de désinvolture, à les destiner à des personnages imaginaires ou à les placer sous des étiquettes arbitraires. Mais libre à vous de ne pas me suivre ! Et je ne doute pas que vous découvrirez mille autres raisons de choisir ou de ne pas choisir. Il ne s’agit finalement que d’un jeu, un jeu de Noël, où j’ai tenté de donner une image concrète à ce cadeau abstrait, le CD, qui, vu au soleil, a les couleurs du cercle chromatique. Privilège de notre temps, il nous est maintenant possible d’offrir, aux êtres qui nous sont chers, ce trésor impalpable, invisible, impondérable, intouchable, la musique. Joe René LETAYF Pour les nostalgiques de la fête : les Carmina Burana, (New London Consort/L’oiseau-lyre) Pour offrir à un psychiatre : Schumann, Kreisleriana (Horowitz/Sony). Pour communiquer avec l’ami le plus secret : Haydn, Quatuors à cordes op.9 (Festetics/ Arcana). Pour les fébriles, les grincheux et les moroses : Verdi, Falstaff (Solti/Decca). Pour l’ami initié : Brahms, Chants populaires (Genz/Decca). Pour une éternelle renaissance : Debussy, L’œuvre pour orchestre (Martinon/EMI). Pour ceux qui ne retiennent que l’essentiel : Bach, Passion Matthieu (Herreweghe/ H.M). Pour combattre des idées préconçues : Berio, Sequenzas (ensemble intercontemporain/DGG). Pour les curieux de jeunes talents : Haydn, Sonates piano (Andsnes/EMI). Pour les sourciers : Rameau, Dardanus (Minkowski/Archiv). Pour les amateurs de hi-fi : Mahler : Symphonie n°9. (Boulez/DGG). Pour les pas sérieux s’abstenir : Wagner, Parsifal (Karajan/DGG). Pour émerveiller les plus prévenus : Mozart, la flûte enchantée (Karajan/EMI). Pour découvrir les sons qui viennent du froid : Sibelius, Kullervo (Vänskä/BIS). Pour un Noël pas comme les autres : Bach, Oratorio de Noël (Richter/ARCHIV). Pour le tête-à-tête avec l’aimé(e) : Mozart, Cosi fan tutte (Jacobs/H. M). Pour les amoureux d’eux-mêmes : Vivaldi, L’album (Bartoli/DECCA). Pour qui veut trouver de la poésie à notre temps : Messiaen, Saint-François d’Assise (Nagano/DGG). Pour les mélomanes reconnaissants : Ravel, L’œuvre pour piano (S. François.EMI). Pour les séductions étranges de la pureté perverse : Hindemith, Kammermusik (Abbado :EMI). Pour ceux qui cherchent la paix intérieure : Rachmaninov, Vespres (Sweschnikov/MELODYA). …Et pour ceux qui la trouvent : Faure, Musique de chambre (EMI).