Dossier régional - Relance des pourparlers de paix ou confrontation militaire ? Spéculations plutôt dubitatives à Beyrouth

Israël est dans la tourmente. Mais comment pense-t-il s’en tirer, par la guerre ou par la paix ? Les spéculations à ce propos restent dubitatives. Ainsi à Beyrouth, des sources diplomatiques affirment que le prochain Premier ministre israélien se retrouvera devant l’alternative suivante : – Ou bien réamorcer les pourparlers de paix sur les trois volets syrien, libanais et palestinien. – Ou bien opter pour la confrontation militaire. Ces mêmes cadres pensent à ce propos que l’intifada palestinienne pourrait, à terme, déboucher sur la même victoire que la Résistance islamique a pu enregistrer au Liban-Sud. C’est-à-dire qu’Israël se verrait obligé de se retirer de la Cisjordanie conformément aux accords d’Oslo, pour faire cesser un cycle de violence qu’il supporte moins que ses adversaires, bien que ses pertes soient plus légères. Car la poursuite des heurts en tournant à la guerre d’usure provoquerait sans doute un reflux massif des immigrés israélites relativement récents (plus du cinquième de la population, provenant essentiellement des pays est-européens) vers d’autres contrées. Tandis que la frange arabe d’Israël, qui représente également vingt pour cent de la population, deviendrait un fer de lance redoutable planté dans les flancs même de l’État hébreu. Auquel cas, Israël tenterait sans doute de provoquer un nouvel exode de ses Arabes, redevenus farouchement Palestiniens, vers Gaza, la Jordanie ou le Liban. Ce qui n’irait pas sans des levées de boucliers au niveau de la rue arabe globale dont la colère pourrait déboucher sur une guerre généralisée. Il est évident que cette perspective ne sourit pas particulièrement à la communauté internationale, ni à l’Occident. Car dans un premier mouvement, un régime comme celui de la Jordanie pourrait s’en trouver ébranlé. Et ensuite, les intérêts des puissances extérieures dans le monde arabe tout entier risqueraient d’être gravement compromis. Pour ce qui est du Liban même, les camps palestiniens y connaîtraient un trop-plein et une agitation qui mettraient en péril la stabilité interne. En liant ces différents éléments, les sources citées estiment que tout sera fait par les Occidentaux, Américains en tête, pour éviter une solution de force qui n’en serait pas une. Reste l’option des négociations. En pratique, la reprise de ce processus ne peut se faire qu’après les élections législatives israéliennes, probablement en mai, et la mise en place de la nouvelle Administration US. De plus, pour que les pourparlers puissent redémarrer sur des bases solides, il faut qu’une forte majorité populaire favorable à une paix véritable se dessine en Israël. L’adhésion des officiels, même s’il y a un Cabinet d’union nationale, ne suffit pas. L’expérience montre en effet, soulignent ces diplomates, que les approches de paix effectuées par divers gouvernements israéliens, de gauche ou de droite, ont été toutes torpillées par l’action des extrémistes. Dix ans après la conférence de Madrid, tenue sous un Cabinet d’union dirigé par Shamir, du Likoud, la paix globale n’a guère progressé. Quand le travailliste Yitzhak Rabin a voulu en défendre le principe, il a été assassiné. Et les électeurs israéliens ont ensuite préféré le faucon Netanyahu à la colombe Peres. Aujourd’hui que le premier nommé revient en force sur la scène politique israélienne, les diplomates cités se demandent à Beyrouth si le peuple israélien veut vraiment la paix. Et s’il réalise, d’après sa propre histoire, que la guerre ne peut pas lui donner la sécurité. Ce qui est son obsession. Émile KHOURY