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Actualités - ANALYSE

La liaison directe Baabda-Damas coupe court aux surenchères

Un fait saillant dans l’affaire de la remise aux autorités locales des Libanais détenus en Syrie : c’est directement, de chef d’État à chef d’État que le président Bachar el-Assad a voulu en traiter. C’est en effet au président Émile Lahoud qu’il a confié son intention de dégager ces captifs des geôles syriennes, quelles que soient les charges qui pèsent sur eux. Du côté libanais, la mesure administrative prise immédiatement a consisté à mettre sur pied une commission mixte militaro-judiciaire. Instance qui est restée toutefois, selon les aveux de l’un de ses membres, jusqu’au dernier instant à attendre que les autorités syriennes lui communiquent la liste des détenus extradés. De ce fait même, jusqu’au dernier instant, les responsables concernés ont préféré ne donner aucune indication sur le nombre ou le nom des intéressés. Tout en répétant, en substance, qu’il faut «distinguer en bonne logique plusieurs catégories. Il y a des criminels de droit commun, et d’autres qui ont été retenus pour des motifs sécuritaires». Entendre d’ordre politique. Ces mêmes sources rejettent avec une indignation préventive «les tentatives manifestes d’amalgame qui cherchent à inclure dans la liste des disparus, des exécutés à divers barrages ou des enlevés de la guerre domestique». En tout état de cause, sur le plan pratique, le geste du président Assad s’inscrit dans le droit-fil de ses concertations d’ouverture. Et des mesures certaines de redéploiement partiel prises sur le terrain par les forces syriennes présentes au Liban. Nombre de barrages ont été levés sur les routes et dans certaines régions il ne subsiste plus que des garnisons symboliques. De la sorte, Damas souhaite sans doute voir s’évanouir la campagne menée en vue de l’application des accords de Taëf concernant le repli sur la Békaa, en prélude à un retrait complet. Selon des sources locales prosyriennes, «Damas veut que la polémique s’apaise pour que la scène libanaise soit renforcée et ne reste plus affaiblie par ses divisions. Car l’heure est grave, sur le plan régional, Israël pouvant à tout moment tenter la fuite en avant par une aventure militaire. Ou en exploitant la déstabilisation politique, potentiellement sécuritaire, du Liban. Dans cet esprit, affirment ces loyalistes, Damas cherche à détendre l’atmosphère intérieure en amorçant lui-même un mouvement de rapprochement en direction de ses contempteurs traditionnels». Et de soutenir ensuite que «même s’il n’existait pas des impératifs d’ordre régional, il est certain que le président Bachar el-Assad est animé d’intentions réformatrices, sur tous les plans et dans tous les domaines. C’est valable aussi bien pour les relations avec le Liban que pour les structures intérieures en Syrie. Il a ainsi fait fermer le pénitencier de Mazzé, symbole réputé d’autoritarisme, tout en annonçant la relaxe des détenus de nationalité libanaise. Parallèlement, le chef de l’État syrien élargit les ouvertures, tant sur le plan économique et financier où il autorise des banques privées, que sur celui des libertés publiques, comme l’expression d’opinions distinctes. Le jeune président semble donc s’acheminer vers un système plus démocratique». Cependant, ces sources ne manquent pas de souligner qu’en ce qui concerne les rapports avec le Liban «la nouvelle direction syrienne prête sans doute l’oreille à toutes les opinions, celles de l’Est comprises, et n’hésite pas à les recueillir de vive voix. Mais en pratique, ou les décisions à prendre, elle ne traite qu’avec les institutions officielles libanaises. Et plus particulièrement avec la présidence de la République qui est à ses yeux son interlocuteur naturel. En quelque sorte, quand le pouvoir local proclame que la présence militaire syrienne est légale, la Syrie lui rend la politesse en rappelant qu’il est lui-même son seul partenaire légitime. Après brassage et décantation des diverses idées émises ça ou là, c’est avec les institutions officielles libanaises que Damas entend coopérer pour épurer et renforcer les relations bilatérales. C’est ce que signifie, avant tout, la procédure retenue dans l’affaire des détenus. Un mécanisme qui vise à remettre les points sur les «i» : l’initiative en matière de rapports bilatéraux restera réservée en pratique, du côté libanais, au régime en place et n’ira pas se balader du côté de Aïn el-Tineh, de Koraytem et encore moins de Bkerké». Mais d’autres sources, également fiables, relèvent que «dans un premier temps, le président Nabih Berry a sans doute reçu des signaux qui l’ont encouragé à se rendre à Bkerké. Il est probable qu’au vu des réactions négatives que cela a pu provoquer, on ait préféré en définitive se rabattre sur Baabda». Quoi qu’il en soit, pour le moment et jusqu’à nouvel ordre, le camp taëfiste tout entier convient que Baabda tient, avec l’affaire des prisonniers relâchés, le haut du pavé sur le plan politique. Et il n’est pas exclu, estiment certains observateurs, que le mouvement actuel se trouve couronné par une prochaine visite du président Assad au Liban. En commençant par Baabda. Où, peut-être, le patriarche Sfeir participerait en personne au comité d’accueil. Philippe ABI-AKL
Un fait saillant dans l’affaire de la remise aux autorités locales des Libanais détenus en Syrie : c’est directement, de chef d’État à chef d’État que le président Bachar el-Assad a voulu en traiter. C’est en effet au président Émile Lahoud qu’il a confié son intention de dégager ces captifs des geôles syriennes, quelles que soient les charges qui pèsent sur...