Rechercher
Rechercher

Actualités - ANALYSE

tribune Francophonie et droits de l’homme

Le sommet francophone de Moncton, en 1999, a connu quelques soubresauts en raison de la mise en cause du respect des droits de l’homme par beaucoup de pays participants. Que sera le prochain sommet, à Beyrouth, en 2001 au pays de Charles Malek ? Il ne faut pas attendre cette échéance pour s’en préoccuper. Car si les dirigeants sont souvent myopes, les peuples, eux, ne le sont pas. Réussir le sommet francophone de Beyrouth Qu’est-ce à dire ? Bien entendu, que les États qui ne les respectent pas doivent être tenus en suspicion. En effet, depuis la chute des gouvernements communistes et la fin des dictateurs en Amérique latine, la démocratisation (bien lente) de l’Afrique, la vague de liberté doit se prolonger jusqu’aux pays les plus récalcitrants. À l’ère de la mondialisation, d’Internet et du téléphone portable, il est ridicule d’incarcérer encore des personnes au seul motif qu’elles sont opposantes. A fortiori de les torturer et de les exécuter. Les organisations non gouvernementales (ONG) continueront donc de veiller sans exception ni compromission (fut-ce au prétexte de «l’amitié traditionnelle» ou de la «non-ingérence»). En la matière, s’ingérer est un devoir de fraternité. En revanche, s’arrêter à cela serait aussi un peu court. Et c’est sur ce point que le sommet de Beyrouth doit innover considérablement. Depuis un quart de siècle, en France, Nouveaux droits de l’homme a réussi à modifier la problématique et n’entend pas rester aux frontières de l’Hexagone. D’ailleurs, qui a dit que les droits de l’homme s’arrêtaient aux droits traditionnels ? Certainement pas les autres de la Déclaration des droits de l’homme de 1789. Eux, au contraire, ont voté un texte qui réclame exactement l’inverse. Dès lors, on ne peut qu’être sensible à leur vœu : «Défendre et étendre les droits de l’homme». La somme des droits de l’homme constitue un projet de société. En 1789 (et à l’échelle universelle en 1948) ce fut la démocratie politique. Mais la Terre a tourné depuis : la science a révolutionné le monde, la pollution salit la planète, la mondialisation détruit le pluralisme culturel, etc. À l’avenir, que deviendra l’homme lui-même si des bornes ne sont pas posées pour fixer de nouveaux droits et éviter qu’il ne soit aliéné, voire s’autodétruise ? Il s’agit par conséquent d’un combat urgent à mener, si l’on ne veut pas que le progrès (que traduisent si bien le décodage du génome humain, la communication généralisée, les facilités multipliées de circulation...) ne soit contrebalancé par une régression (qui a pour nom clonage, intoxication idéologique, nivellement culturel...). La France seule, voici deux siècles, a fait la Déclaration des droits de l’homme. Elle doit donc, encore, forte de sa tradition, montrer la route. Néanmoins, ce serait une erreur d’agir seul désormais. Un manifeste à vocation universelle Certes, c’est bien dans l’Hexagone que 520 parlementaires se sont, à ce jour, prononcés par écrit, à l’appel de NDH et de cent personnalités «pour la reconnaissance de nouveaux droits de l’homme», par le truchement d’une loi portant titre II à la Déclaration de 1789. Mais ceci n’est qu’un socle. Le mouvement francophone lui-même doit, dans son entier, en être le principal vecteur, étant donné que la francophonie, telle qu’elle existe depuis ses origines, n’est encore qu’un conglomérat sans philosophie politique, qui ne se définit pas «positivement» ; qu’il n’est qu’un «syndicat de pleureuses», plus tourné vers le passé que vers l’avenir. Le ciment francophone se dissoudra s’il n’est armé par un projet à vocation universelle, tel que l’extension des droits de l’homme. Il faut au plus tôt mobiliser les énergies autour d’un manifeste clair, qui sera le véritable dénominateur commun des pays francophones à travers le monde, de Paris à Beyrouth, de Hanoi à Bucarest, de Niamey à Port-au-Prince... La base doit en être, d’abord, incontournablement, le «droit au pluralisme des cultures», véritable patrimoine de l’humanité, comme l’a vécu l’Europe pendant deux millénaires sans que cela soit un obstacle – au contraire – à son développement. La proclamation d’un tel droit, qui garantit la richesse planétaire au XXIe siècle s’oppose, évidemment, à la tradition des États-Unis, lesquels, à l’intérieur de leurs frontières (Amérindiens, Hispanophones du Texas, de Californie, de Floride, Francophones de Louisiane...) ou à l’extérieur (Philippines, Hawaï...) ne tolèrent pas la cohabitation des langues. Mais si la culture doit être le pivot du manifeste de Beyrouth, on ne saurait s’arrêter là. Les francophones doivent proclamer ensemble que pour eux, «le droit à vivre dans un environnement propre» est une condition sine qua non de l’avenir du monde ; que pour eux aussi, les avancées scientifiques ne sont pas concevables sans l’assurance du «droit à l’intégrité physique, psychique et génétique» que réclament les grandes religions monothéistes ; que le «droit à la paix» fait partie intégrante des conditions de survie des civilisations... Ce n’est pas un «inventaire à la Prévert». On peut rester dans des normes acceptables par tous afin que nul ne puisse exciper d’une inflation de droits nouveaux pour rejeter le tout en bloc. Fixer quelques grands principes, les valeurs essentielles du mouvement francophone, qui le caractérisent intellectuellement et historiquement, sera non seulement une réponse aux graves accusations qui lui ont été adressées au sommet de Moncton, mais, qui plus est, l’occasion d’aller bien au-delà de ce que réclamaient les manifestants. En orientant ainsi le mouvement, les gouvernants prouveront, en outre, qu’ils n’ont pas une conception purement défensive des droits de l’homme ; que, pour eux, les droits de l’homme sont une dynamique qui connaîtra d’autres développements, dans les siècles à venir, avec l’évolution du monde. Dans le fond, est-ce si étonnant que Léopold Sedar Senghor, père fondateur de l’idée francophone, soit le président d’honneur de Nouveaux droits de l’homme depuis deux décennies ? Pierre BERCIS Président de NDH Membre de la Commission nationale française consultative des droits de l’homme
Le sommet francophone de Moncton, en 1999, a connu quelques soubresauts en raison de la mise en cause du respect des droits de l’homme par beaucoup de pays participants. Que sera le prochain sommet, à Beyrouth, en 2001 au pays de Charles Malek ? Il ne faut pas attendre cette échéance pour s’en préoccuper. Car si les dirigeants sont souvent myopes, les peuples, eux, ne le sont...