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Actualités - INTERVIEWS

INTERVIEW - Membre du commandement régional du parti Baas, il explique ses dernières prises de position Assem Kanso : C’est parce que j’aime le Liban que je défends la Syrie

Après maints rendez-vous manqués, l’entretien avec le député membre du parti Baas a finalement eu lieu. Dans son bureau surchauffé, aucun détail personnel à part deux photos : la première avec l’imam Sadr (il y ressemble d’ailleurs étrangement à Walid Joumblatt) et la seconde lors du dernier congrès de son parti : Assem Kanso y apparaît debout sur la même rangée que le président Bachar el-Assad, alors que le brigadier Ghazi Kanaan n’est qu’au quatrième rang. «Je suis quelqu’un d’important dans la hiérarchie baassiste», commente M. Kanso. Important, sans aucun doute, mais peut-être pas suffisamment informé de toutes les décisions de sa hiérarchie. Au sujet de la libération prochaine des détenus libanais en Syrie, il ne sait par exemple pratiquement rien, si ce n’est qu’il s’agit d’une démarche positive qui s’inscrit dans le cadre de la politique d’ouverture de Bachar el-Assad. Selon lui, il n’y aurait pas parmi les personnes libérées d’officiers aounistes, ceux-ci ayant été livrés aux autorités libanaises depuis longtemps. Kanso insiste toutefois sur l’importance de cette initiative qui, selon lui, démontre la bonne foi du président syrien. N’est-ce pas plutôt la reconnaissance implicite d’un déséquilibre dans les relations libano-syriennes ? «Pas du tout, proteste le député libanais. C’est simplement la suite logique du discours d’investiture du président Bachar. Malheureusement, certaines parties au Liban ne veulent rien voir». Pour M. Kanso, cette décision s’inscrit dans le cadre des accords judiciaires et de sécurité et intervient après la réunion du Haut-conseil de sécurité qui s’est tenue mardi exceptionnellement sous la présidence du président du conseil et en présence des responsables de la sécurité et du colonel Rustom Ghazalé des renseignements syriens. Pourquoi n’est-ce pas lui qui annonce ce genre de nouvelles, se cantonnant toujours dans les rôles de méchant ? «On ne me donne pas de rôle, c’est moi qui réagis lorsque j’estime qu’il est de mon devoir de le faire». On ne l’a jamais entendu défendre avec autant de fougue son pays le Liban. «Écoutez, j’aime le Liban, peut-être plus que vous. Et c’est parce que je l’aime que j’agis ainsi, car je suis conscient de ses intérêts. Vous, vous voulez être libanaise et rien d’autre, moi je suis libanais arabe et je ne vois pas d’autre existence au Liban que dans ce cadre. Je suis membre d’un parti qui a une vision globale et stratégique de la région. C’est pour cela que j’estime de mon devoir de défendre ce en quoi je crois». Pourquoi cette hargne contre Walid Joumblatt, alors que d’autres personnes ont été bien plus loin que lui sans être inquiétées ? «Joumblatt est un excellent ami, et ce qu’il y a entre lui et moi existe rarement entre deux hommes. Mais, après avoir fait un chemin de 30 ans ensemble, dans le giron de Hafez el-Assad, j’estime qu’il a trahi la main qui l’a aidé. C’est pourquoi il me fallait lui répondre. En fait, je n’ai réagi que deux fois, la première fois lorsque Najah Wakim, qui est aussi un très grand ami, a attaqué un membre de notre commandement M. Abdel-Halim Khaddam et lorsque Joumblatt a attaqué les autorités syriennes. Les autres, je ne cherche pas à leur répondre. Ils sont libres de leurs opinions. Mais mes vieux compagnons ne peuvent pas parler ainsi». L’amour soudain des chrétiens pour Walid bey Fallait-il pour autant adresser des menaces physiques à Joumblatt en pleine séance parlementaire, faisant fi des pratiques démocratiques ? «Quelles menaces ? Relisez ma déclaration. Elle ne comporte aucune menace. Et puis je ne comprends pas ce soudain amour des chrétiens pour Walid Joumblatt alors qu’il n’y a pas si longtemps encore il les massacrait dans la montagne». S’ils sont magnanimes, c’est en leur honneur. «Je ne crois pas que cela soit la raison. Il y a simplement eu de leur part et de la part de Joumblatt une mauvaise lecture des événements régionaux». On dit que la déclaration qu’il avait adressée à Joumblatt lui avait été remise pour qu’il la lise ? «Pourquoi vous pensez que je ne sais pas écrire ? Vous ne le savez peut-être pas, mais c’est moi qui prépare mes discours et ceux des autres. Je vous l’ai dit, je suis haut placé dans la hiérarchie baassiste». On dit aussi que le problème de Joumblatt était avec le brigadier Ghazi Kanaan ? «À mon avis, la décision concernant Walid bey a été prise au plus haut niveau». Où en est cette affaire aujourd’hui ? «Comme dit le proverbe, Joumblatt a frappé à la porte et il a entendu la réponse. C’est à lui désormais de faire le premier pas et de rectifier le tir». Ne l’a-t-il pas déjà fait ? «Tant mieux. Posez-lui alors la question. J’ai été sincèrement désolé de devoir le rappeler à l’ordre. Mais je ne peux pas admettre qu’il se comporte ainsi avec ceux qui l’ont aidé. C’était d’autant plus inattendu qu’avant de se rendre à Paris et d’entamer un rapprochement avec le général Aoun, il s’était entretenu avec le président Bachar qui l’avait encouragé dans son initiative, tout en précisant que tout doit se faire sous le plafond de Taëf. Alors, s’il a essuyé une rebuffade de la part du général, il se venge sur la Syrie ? De toute façon, ce que vous voyez là, c’est une scène de théâtre. Ce qui est intéressant, ce sont les coulisses. Joumblatt a dû ne pas tenir certains engagements. Il fallait le remettre à sa place. Je l’ai fait, parce que les autres alliés de la Syrie – et ils sont nombreux – n’ont pas réagi». Le dossier entre les mains des institutions Il reste convaincu d’avoir bien agi ? «Bien sûr. Si je n’avais pas provoqué cet électrochoc, les conflits se seraient déplacés vers la rue». Que pense Assem Kanso de l’actuel débat sur la présence syrienne ? «Je crois qu’il devient lassant. Tout a été déjà dit sur le sujet et heureusement, maintenant que le dossier est de nouveau entre les mains des institutions étatiques, je suis tranquille. Ceux qui continuent à en parler font consciemment ou non le jeu d’Israël, puisqu’ils contribuent à troubler la scène interne et à détourner l’attention générale de ce qui se passe dans les territoires occupés et qui place Israël dans une mauvaise posture». Ne se demande-t-il pas pourquoi de nombreux alliés de la Syrie réclament aujourd’hui un rééquilibrage de la relation entre les deux pays ? «Ils ont leurs petits calculs internes et veulent se créer une nouvelle popularité. Moi, je vois bien plus grand. Prenez par exemple l’affaire du redéploiement des forces syriennes. Tous ceux qui le réclament aujourd’hui savent que c’est une chose acquise et qu’il a commencé à être exécuté depuis avril dernier. Mais ils voulaient apparaître comme des héros et donner l’impression que c’est grâce à eux que les Syriens se retirent. Tout cela dénote des arrières-pensées malsaines. Après le redéploiement, qui est pratiquement réalisé, ils vont réclamer le désarmement de la Résistance, puis l’envoi de la troupe au Sud, bref, tous les thèmes qui pourraient aboutir à la dissociation des volets libanais et syrien. Or, moi, je refuse de jouer ce jeu, parce que justement j’aime mon pays». Un seul peuple, historiquement Et c’est parce que vous l’aimez que vous déclarez sans cesse que les peuples libanais et syrien ne forment qu’un ? «Là, nous parlons histoire. Ma famille descend du sultan d’Alep et, depuis le calife Mouawiya, la plupart des familles libanaises viennent de Syrie. Notamment les saints et les prophètes. Nous avons les mêmes racines». Mais aujourd’hui, il y a des États et l’allégeance de chaque citoyen doit aller à l’État dont il porte la nationalité. «J’aurais voulu que cheikh Pierre Gemayel soit encore vivant pour qu’il vous dise qui est Assem Kanso. Savez-vous que je suis l’un des rares membres d’un parti qui n’a jamais tué de chrétien pendant la guerre ? La différence entre vous et moi, c’est que je vois l’intérêt de mon pays à travers son appartenance au monde arabe. Malgré les guerres qui ont soufflé sur le Liban, à cause d’un conflit sur son identité, il y a encore deux écoles, la première considère le Liban comme un pays arabe à part entière et la seconde refuse cette appartenance. Si cela continue ainsi, il y aura encore d’autres guerres et rien ne sera jamais réglé. Une partie des Libanais regardera toujours la Syrie comme une ennemie, tout en donnant la nationalité libanaise aux Syriens chrétiens et qui ont de l’argent et l’autre gardera sa vision ouverte et globale de l’identité libanaise». Ne croit-il pas qu’à part la question du redéploiement, il existe actuellement un déséquilibre dans la relation avec la Syrie ? En tant qu’agriculteur, par exemple, n’est-il pas désavantagé par la concurrence syrienne ? «Mon problème d’agriculteur est avec mon État, non avec la Syrie. Il n’y a pas de politique agricole au Liban ni d’aide aux agriculteurs. Je vous donne un petit exemple : il existe un insecticide fabriqué au Liban. Ici, il est vendu à 100 dollars le kg et la Syrie qui se fournit au Liban le vend à 40 dollars, parce que là-bas il y a un contrôle des prix et une protection de l’agriculteur. Je produis du raisin, mais je ne peux pas les vendre et il n’y a pas d’entreprise pour fabriquer du jus de fruit. Même chose pour le coton. Celui que nous pouvons fabriquer est de meilleure qualité que celui qui est produit en Syrie et notre production ne peut pas menacer la production syrienne, ce pays étant même prêt à acheter notre récolte, mais nous n’avons pas d’appareil pour le traiter. L’appareil coûte 600 000 dollars et l’État ne veut pas l’acheter». Si tout est si parfait en Syrie, pourquoi ne s’y installe-t-il pas ? «Je n’en suis pas très loin, riposte Kanso. Je possède la plus grosse exploitation agricole du Liban à Kaa. Et je vous l’assure, le seul problème agricole avec la Syrie est au niveau de la production de tabac. Mais il peut être réglé dans le cadre d’accords». Scarlett HADDAD
Après maints rendez-vous manqués, l’entretien avec le député membre du parti Baas a finalement eu lieu. Dans son bureau surchauffé, aucun détail personnel à part deux photos : la première avec l’imam Sadr (il y ressemble d’ailleurs étrangement à Walid Joumblatt) et la seconde lors du dernier congrès de son parti : Assem Kanso y apparaît debout sur la même rangée que...