Des familles disloquées

Avant le retrait israélien, Rmeich comptait 5 400 habitants. Malgré le retour de quelques femmes et enfants de l’exil au bord du lac de Tibériade, 550 personnes demeurent en Israël et appréhendent le retour, tandis que 80 autres n’ont pas été relâchées des prisons libanaises où elles purgent diverses peines «pour collaboration avec l’ennemi». Mais les habitants de Rmeich voient les choses sous un autre angle : pour eux, cette «collaboration» était le seul moyen de préserver leur terre. À partir de Rmeich, la frontière libano-israélienne est à cinq minutes en voiture. Et pourtant, elle sépare des familles entières. «Mes quatre oncles, leurs femmes et leurs enfants, en tout trente personnes, sont partis en Israël», raconte un jeune homme les larmes aux yeux. «Mais pouvaient-ils rester à Rmeich ? Ce sont mes grands-parents octogénaires que je plains surtout : ils ne savent pas si un jour ils pourront revoir leurs enfants», indique-t-il. Ramy, un petit garçon de 8 ans, a passé deux semaines en Israël en mai dernier. L’enfant qui est rentré au Liban avec sa mère et ses sœurs a laissé son père derrière la frontière. Ramy s’ennuyait ferme en Israël : «C’est vrai qu’on était dans un bel hôtel, qu’on nous emmenait à la piscine presque tous les jours, mais moi je voulais rentrer au Liban», indique-t-il. Pourquoi ? Ramy répète qu’il s’ennuyait et change de conversation. «Le Hezbollah a perquisitionné notre maison, ils ont pris deux images : une vue aérienne de Rmeich et la photo de papa», assure-t-il. Les habitants plus âgés se demandent tous quelle allure Noël prendra au village cette année. «Il n’y a plus aucune famille unie, nous avons tous des parents exilés en Israël ou emprisonnés à Beyrouth», lance une femme. Et de mémoire d’homme, «le village n’a jamais été aussi vide». Seul le curé de la paroisse reste optimiste. Promettant de célébrer Noël, il assure qu’en «trente ans, je n’ai jamais perdu espoir ; malgré tout ce qui se passe actuellement, nous refusons le désenchantement».