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Actualités - COMMUNIQUES ET DECLARATIONS

DROITS DE L’HOMME - Le curé de Rmeich met en garde contre de nouveaux « accidents » en prison Barakat el-Amil a été torturé, accusent ses proches

«J’aurai voulu que le corps de mon mari soit enveloppé du drapeau libanais». Ainsi s’exprime Mariam, la veuve de Barakat Saïd el-Amil, ancien membre de l’Armée du Liban-Sud, mort en prison mercredi dernier. À Rmeich, village maronite de la bande frontalière, la colère gronde. Depuis le retrait israélien, la localité attend. Elle attend que certains de ses fils rentrent d’Israël où ils se sont réfugiés, que d’autres soient libérés des prisons libanaises où ils purgent leurs peines... Que l’armée libanaise se déploie et que justice soit faite. Mais Rmeich sait déjà, sept mois après le retrait israélien, que son attente sera vaine. «Après la mort de Barakat el-Amil, rares sont les hommes du village réfugiés en Israël qui décideront de franchir la frontière pour se livrer aux autorités», indique le curé du village Négib el-Amil. De plus, il n’écarte pas la possibilité que «d’autres accidents, avec mort d’homme, se produisent dans les prisons libanaises». «Parmi les détenus figurent des personnes âgées et des malades. À chaque instant ces prisonniers risquent de perdre la vie», indique-t-il. Barakat el-Amil, 45 ans, n’est pas le premier accusé à périr en détention. En juin dernier, un habitant de Marjeyoun, Gergès Saïd, âgé de 72 ans et diabétique, est mort dans sa cellule, faute de soins. Le curé de Rmeich ne veut pas parler de torture ; il préfère évoquer brièvement les conditions de détention en laissant échapper une seule phrase : «Les autorités nous avaient pourtant promis que les détenus seraient bien traités. Mais que voulez-vous la prison c’est la prison». Évoquant les accusations de «collaboration» portées contre certains habitants du village, le père Amil souligne non sans amertume : «On applique la loi quand les autorités sont présentes. Mais plus de vingt-cinq ans, le gouvernement libanais avait abandonné cette région». C’est presque le même son de cloche qu’on entend durant quelques mètres plus loin, dans l’humble maison de Barakat el-Amil où sa famille reçoit les condoléances. «Mon mari est avant tout un soldat de l’armée libanaise, et c’est un décret du gouvernement libanais qui l’a envoyé au Sud (à Rmeich, son village d’origine) durant les années soixante-dix», indique Mariam, la quarantaine. «Comme beaucoup d’autres, il a été obligé de rejoindre l’Armée du Liban-Sud», dit-elle. «Il n’était pas content, c’est pour ça d’ailleurs qu’il a quitté la milice de Lahd en 1989», ajoute-t-elle. Quand Barakat el-Amil, père d’une famille de quatre enfants âgés entre 19 et 9 ans, a été prié de se présenter aux autorités dans un délai d’une semaine en novembre dernier, il a fait une crise d’hypertension. Le médecin de Rmeich lui a administré des médicaments, lui a donné un rapport en lui conseillant d’effectuer d’autres analyses. Mais Barakat, n’a pas eu le temps de s’occuper de sa santé. «Il avait peur qu’on ne le soupçonne de se dérober à la justice», indique son épouse. Il se présente donc le 15 novembre, avec ses médicaments et son rapport médical, aux autorités concernées à Saïda. Il sera transféré au ministère de la Défense. Les derniers instants aux Massaleh Au cours de son séjour de 48 heures à Yarzé, Barakat aurait été torturé. On lui aurait interdit de manger, de boire, d’utiliser les toilettes. Il aurait été tout le temps ligoté et bâillonné. Il aurait été flagellé et battu. Les propos tenus par les proches du prisonnier décédé, ont été confirmés par plusieurs associations de défense des droits de l’homme. Ce n’est que le lundi 20 novembre que sa femme et son beau-frère, après un long week-end de recherches auprès des administrations concernées, le retrouvent à la prison militaire des Massalleh. Quand elle lui rend visite en prison, sa femme demande aux gardiens si les médicaments nécessaires lui sont administrés. «Ils ne sont pas disponibles», indique-t-on. Mariam leur procure donc ce qu’il faut. «Quand il m’a vu, il a déboutonné le haut de sa chemise et m’a montré des traces bleus qu’il avait au torse et aux épaules», affirme-t-elle. À sa deuxième visite de la prison militaire, Mariam se verra refuser le coussin qu’elle porte, à la maison de Rmeich, à son mari malade. C’est que pour dormir, Barakat ne savait pas où poser la tête. Il partageait un petit matelas avec deux autres personnes originaires de son village, détenues elles aussi aux Massalleh. Pour les habitants de la localité, Barakat est mort de négligence. «Il y a tellement de prisonniers ces derniers temps dans les geôles libanaises qu’on oublie souvent de leur administrer des médicaments», disent-ils. D’autres indiquent : «Comme nous tous, il aimait le Liban, et il avait cru aux propos de responsables du pays, qui avaient indiqué que la justice libanaise était plus clémente que l’exil en Israël… Il a été tellement déçu». Jusqu’à sa mort, Barkat el-Amil avait une image du président de la République Émile Lahoud accrochée à un mur de son salon. Les habitants de Rmeich ont peur pour un autre des leur village. Ce dernier a élu domicile dans la localité après les massacres de l’est de Saïda. En mai dernier, avant le retrait israélien, il avait été transféré dans un hôpital de l’Etat hébreu pour subir une opération à cœur ouvert. Ce genre d’intervention chirurgicale est impossible dans l’ancienne zone occupée. À l’issue du retrait israélien, le convalescent ne pouvait plus rentrer chez lui. Ce n’est que quelques mois plus tard, qu’il a décidé de franchir la frontière israélo-libanaise. Arrêté au poste de Naqoura, l’homme, âgé de soixante ans, purge actuellement une peine de prison à Beyrouth. À la veille de son décès survenu à l’aube du mercredi 29 novembre, le prisonnier, au plus mal, a été transféré à l’hôpital militaire où les médecins n’ont pas estimé que son cas nécessitait l’hospitalisation. Rentré dans sa cellule des Massaleh, Barakat el-Amil s’est endormi pour ne plus jamais se réveiller.
«J’aurai voulu que le corps de mon mari soit enveloppé du drapeau libanais». Ainsi s’exprime Mariam, la veuve de Barakat Saïd el-Amil, ancien membre de l’Armée du Liban-Sud, mort en prison mercredi dernier. À Rmeich, village maronite de la bande frontalière, la colère gronde. Depuis le retrait israélien, la localité attend. Elle attend que certains de ses fils rentrent...