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Actualités - REPORTAGES

HISTOIRE - À la recherche des anciennes civilisations En cheminant avec les siècles…(1)

Titre inhabituel pour partir à la recherche des anciennes civilisations. Car tout comme on fouille la terre pour les exhumer, on doit fouiller les bibliothèques et dépoussiérer les vieux grimoires et les manuscrits pour reconstituer les chemins tortueux qui ont mené à la constitution de cette discipline scientifique et technique qui est devenue l’archéologie au XXe siècle. On considère le poète grec Homère comme étant le premier archéologue du monde, après qu’il eut donné un aperçu assez objectif, pour son époque, dans son Iliade et son Odyssée, des civilisation antérieures et contemporaines. Ses poèmes restent jusqu’à nos jours, tout comme la Bible, une référence indispensable pour l’étude des civilisations et des peuples du Proche-Orient ancien. Sont considérés aussi comme les pères de l’archéologie et de l’histoire, Hérodote (484 – 420 av. J-C) auteur des Histoires, Thucydide (460 – 395 av. J-C), dans son Anabase, Aristote (384 – 322 av. J-C), Strabon le géographe (58 av. J-C – 25 apr. J-C) et Pausanias (IIe siècle apr. J-C) auteur du Guide de la Grèce. Les Latins s’intéressèrent aussi aux civilisations disparues. Citons parmi les plus importants de leurs chercheurs : Vitruve (1er siècle av. J-C), le premier théoricien de l’architecture, Cicéron (106 – 43 av. J-C) auteur de Brutus, Pline l’Ancien (27 – 79) dans son Histoire naturelle et l’empereur Adrien (76 – 138). Des couleurs et des arts Le premier traité archéologique du Moyen Âge fut l’œuvre d’Héraclius au Xe siècle : Des couleurs et des arts des Romains. Quant aux italiens, ils furent les premiers à l’époque de la pré-Renaissance (XIVe siècle à donner à l’étude des arts antiques et des vestiges des anciennes civilisations ses lettres de noblesse. Cala Di Rienzo (1310 – 1354) alla jusqu’à proposer d’unifier les cités italiennes suivant les plans d’urbanisme des villes romaines antiques. Le Florentin Filippo Villani (mort en 1405) écrivit un livre sur l’origine de la ville de Florence depuis l’époque de sa fondation. Mais il faut attendre le sculpteur Lorenzo Ghiberti (1380 – 1455) pour avoir une étude critique sur l’histoire de l’art qu’il publia sous le titre de Commentaires. Le premier visiteur à l’esprit un peu curieux que nos ancêtres reçurent en Orient fut un commerçant du non de Cyriaque d’Ancône (1391 – 1452). Il entreprit de faire le tour de la Méditerranée dans la première moitié du XVe siècle. Il se distingua par son amour de la science et des belles choses puisqu’il fut l’un des rares «touristes» qui n’emportèrent avec eux aucune pièce antique. Il se contenta de dessiner les monuments et les vestiges et de copier les textes anciens pour en illustrer son récit de voyage. Malheureusement, ce trésor inestimable disparut dans l’incendie qui ravagea la bibliothèque des Sforza à Pesaro. Citons encore Léonard de Vinci et Bernard Palissy qui furent aux XVe et XVIe siècles les grands spécialistes des animaux fossilisés. Le grand épigraphe hollandais Gruter, quant à lui, étudia les inscriptions romaines et les groupa en 1603 dans un corpus intitulé : Inscriptions antiques du monde romain. Au XVIIe siècle, une vague d’»archéologomanie» déferle sur l’Occident. Dans les instituts d’enseignement, dans les salons, à la cour, on n’entend plus parler que de civilisations orientales anciennes qu’il faut déterrer à tout prix. On ne voit chez les éditeurs et chez les libraires que des traités d’histoire, des relations de voyage ayant tous pour objet le Proche-Orient ancien, ses monuments, ses civilisations et ses traditions. À Athènes, les capucins et les jésuites retracent le plan de la cité antique ; le marquis de Nointel, ambassadeur de France auprès de la Sublime Porte, demande aux artistes qui l’accompagnaient de dessiner toutes les sculptures et les bas-reliefs du Parthénon. Bien lui en prit, car une quinzaine d’années plus tard, en 1688, le chef vénitien Francesco Morosini (1619 – 1694) bombarde l’Acropole qui abritait l’arsenal turc et détruit entièrement la façade ouest du temple. Un émissaire de Louis XIV Quant au médecin lyonnais, Jacob Spon (1647 – 1685), quoique n’étant pas archéologue, il eut le mérite d’écrire le premier traité logique et scientifique de classification des sites et vestiges antiques, dans un ouvrage remarquable qu’il publia avec Wheler et qu’il intitula : Voyages d’Italie, de Dalmatie, de Grèce et du Levant. Le premier collectionneur marchand d’œuvres d’art fut l’archéologue Paul Lucas (1664 – 1737), attaché au service du roi Louis XIV et qui fut mandaté par lui au Proche-Orient pour lui constituer une collection d’œuvres antiques, de pièces de monnaies et de copies de textes anciens au cas où il serait malaisé de les détacher de leur support. À la même époque, le père Bernard de Montfaucon (1655 – 1741) entreprenait la même tâche mais dans un esprit beaucoup plus scientifique et désintéressé. Le fruit de ses recherches fut publié sous le titre de L’Antiquité expliquée et représentée en figures, en 15 volumes. Le XVIIIe siècle a vu la parution de nombreux ouvrages de vulgarisation traitant des anciennes civilisations. Ces ouvrages se distinguèrent par les erreurs grossières qu’ils contenaient, relatant des légendes sans fondement où il est question de trésors mirifiques enfouis sous les décombres des cités antiques n’attendant qu’un coup de pioche pour surgir. Ce fut alors l’afflux d’étrangers le plus important en direction du Levant depuis les croisades. C’était une sarabande ininterrompue d’aventuriers, de commerçants, d’escrocs de tout acabit qui déferlèrent sur nos régions et les écumèrent en vue de grossir les collections particulières des nantis d’Europe. Le siècle de la honte À tel point que ce siècle fut considéré par les savants comme le siècle de l’anarchie, de la honte et du pillage systématique. D’un autre côté, on ne devrait pas passer sous silence le travail désintéressé de certains orientalistes qui consacrèrent leurs vies à la résurrection des anciennes civilisations. Citons parmi ceux-ci, l’abbé Barthélemy (1716-1798) auteur du Voyage du jeune Anacharsis, le comte de Choiseul-Gouffier (1752 – 1817) qui a été le premier homme de science à fouiller le site de la ville légendaire de Troie, et qui publia ses voyages et ses travaux dans un ouvrage intitulé : Voyage pittoresque en Grèce. Une fois son œuvre terminée, il offrit toute sa collection au musée du Louvre. Au cours de la deuxième moitié du XVIIIe siècle, les publications et les traités, fruit des pérégrinations de diplomates et d’orientalistes, se multiplient. Stuart et Revett publient en deux volumes : Antiquities of Athens, Chandler fait paraître The ruins of Palmyra, et Wood : The ruins of Baalbeck. En 1733, on assiste à Londres à la création de la Société d’archéologie, alors qu’en Italie, on commence les fouilles de Pompéi et d’Herculanum. En 1799, le savant Seroux d’Angincourt s’installe à Rome pour y entreprendre des fouilles qui se trouvent couronnées par un ouvrage monumental : L’histoire de l’art à travers les monuments du IVe au XVIe siècle. Le comte de Caylus (1692 – 1765, diplomate à Istanbul, publie le fruit de ses recherches dans son Recueil d’antiquités égyptiennes, étrusques, grecques et gauloises. Sensiblement à la même époque, Giovanni Bottari étudie les sculptures et les fresques sacrées des cimetières romains. Équilibre dans la chasse aux œuvres d’art À Paris, Ennio Quirino Visconti (1751 – 1818) publie un premier traité exhaustif sur L’Iconographie ancienne. Alors que Winckelmann, conservateur de la bibliothèque vaticane termine ses deux ouvrages : Histoire de l’art et de l’Antiquité et L’histoire de l’art chez les Romains. Il apparaît de ce qui précède que le grand public et quelques savants ne faisaient pas de distinction entre l’archéologie, l’histoire et l’histoire de l’art. Cet état de choses commença à changer à partir du début du XIXe siècle. Nous devons le premier traité archéologique à part entière à Luigi Lanzi, conservateur du musée des Offices à Florence qui étudia la civilisation des Étrusques et qui fut suivi par Gerhard. Le consul de France, Fauvel, envoya au musée du Louvre quelques bas-reliefs détachés de la frise du Parthénon, alors que Lord Elgin envoyait au British Museum, des fragments de sculpture ornant le temple de l’Erechtéion. L’équilibre dans la chasse aux œuvres d’art, entreprise par les deux grandes puissances de l’époque, n’était pas rompu. (1) Titre emprunté au livre de Jacques Laccarière : En cheminant avec Hérodote
Titre inhabituel pour partir à la recherche des anciennes civilisations. Car tout comme on fouille la terre pour les exhumer, on doit fouiller les bibliothèques et dépoussiérer les vieux grimoires et les manuscrits pour reconstituer les chemins tortueux qui ont mené à la constitution de cette discipline scientifique et technique qui est devenue l’archéologie au XXe siècle. ...