Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

Culture scientifique et culture humaniste : des rapports antagoniques

Quelle place occupent les sciences exactes par rapport au savoir, et quelle relation entretiennent-elles avec les sciences humaines ? Les unes ne sont-elles pas au service des autres ? Pour répondre à ces questions, deux prestigieux intervenants se sont relayés à la tribune de la faculté des lettres et des sciences humaines de l’USJ, Jean-Claude Guillebaud, journaliste et éditeur au parcours impressionnant, et Basarab Nicolescu, physicien de renommée internationale et théoricien au Centre national de recherche scientifique (CNRS). C’est en faisant la distinction entre science et scientisme que Jean-Claude Guillebaud tentera de répondre à la question suivante : faut-il craindre l’hégémonie des sciences ? Aujourd’hui , dit-il la raison est menacée sur deux fronts : d’abord par le retour de l’irrationnel, celui-là même qui avait prévalu au XIXe siècle, époque « où l’on était passionné par l’occultisme et les tables tournantes ». Elle est également menacée par « le néoscientisme » ou l’idéologie scientifique contemporaine, illustrée notamment par la mainmise de l’argent sur les sciences. « Le poids de l’argent s’exerce non seulement au niveau de l’application de la science, mais également en amont, lorsque les considérations mercantiles orientent la recherche scientifique », souligne M. Guillebaud. D’où l’importance de s’interroger sur la question de la motivation de la science. En d’autres termes, dit l’intervenant, il faut mettre en garde contre le danger du scientisme dès lors que la science est mise au service du profit ou de la domination, comme dans la course aux armements par exemple. Il précise en outre que la raison ne saurait retrouver ses lettres de noblesse que si elle est « habitée » par trois vertus : il faut tout d’abord qu’elle soit « critique » – « les vérités ne sont que provisoires », dit-il ; elle doit être en outre « modeste », au sens qu’« on ne peut être raisonnable en prêchant le cloisonnement ». Enfin, elle doit être « libre » à l’égard du religieux, des mythes et de la puissance. Comblés par les honneurs, les savants renouent parfois avec le scientisme, fait remarquer M. Guillebaut. « On n’ose plus les critiquer et on les laisse dire des énormités », souligne le journaliste qui dénonce au passage les interventions publiques des prix Nobel invités « à parler de tout et de rien, mais dont la parole fait autorité pour la simple raison qu’ils nous font miroiter des lendemains radieux ». « Il faut donc libérer la raison et l’arracher à la superstition scientiste, et là est le véritable rôle des sciences dites humaines », dit-il. Intitulée « Les sciences exactes : interaction avec les sciences humaines et rôle dans la société », l’intervention de M. Nicolescu a porté sur la question du divorce entre la science et la culture, une rupture que l’approche transdisciplinaire peut rétablir. Animées par les mêmes interrogations, science et culture étaient inséparables, au début de l’histoire humaine, dit-il. « De nos jours, la rupture est consommée. Science et culture n’ont plus rien de commun. La science n’a plus accès à la noblesse de la culture et la culture n’a pas accès au prestige de la science », souligne l’intervenant, affirmant que la culture scientifique est complètement séparée de la culture humaniste. « Les deux cultures sont perçues comme antagonistes, et chaque monde – le monde scientifique et le monde humaniste – est hermétiquement clos sur lui-même », dit-il. Prônant l’approche transdisciplinaire comme moyen de réconciliation entre les deux cultures, M. Nicolescu affirme que « la quête du sens » passe aujourd’hui par cette réconciliation. « La vision transdisciplinaire, qui est à la fois une vision transculturelle et transreligieuse, conduit sur le plan social à un changement radical de perspective et d’attitude. » Je.J.
Quelle place occupent les sciences exactes par rapport au savoir, et quelle relation entretiennent-elles avec les sciences humaines ? Les unes ne sont-elles pas au service des autres ? Pour répondre à ces questions, deux prestigieux intervenants se sont relayés à la tribune de la faculté des lettres et des sciences humaines de l’USJ, Jean-Claude Guillebaud, journaliste et...