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Actualités - CHRONOLOGIE

Conférence - Le ministre des Déplacés plaide, à Aix-en-Provence, pour la solidarité dans l’espace méditerranéen Hamadé : La démocratie, seul remède aux contradictions internes dans le monde arabe

«Démocratie et développement, quelle vision pour le monde arabe ? ». Sous ce titre aussi vaste qu’une encyclopédie, le ministre des Déplacés Marwan Hamadé est intervenu, hier, à Aix-en-Provence, dans le cadre de la semaine de coopération et de solidarité interuniversitaire sur le thème « Échanges et solidarité, le monde arabe dans l’espace méditerranéen ». Le développement du monde arabe se heurte, selon M. Hamadé, à deux obstacles. Le premier est politique, il concerne la Palestine et ne peut être surmonté que par une solution juste et globale du drame palestinien. Le second obstacle est intellectuel et concerne le renouvellement intellectuel, social et politique du monde arabe et musulman, et d’abord de la pensée musulmane et de son rapport avec la modernité. Dans sa conférence qui a inauguré la semaine, M. Hamadé a évoqué les facteurs économiques, religieux et culturels qui conditionnent les échanges entre le monde arabe et l’espace méditerranéen. Il a donc parlé des relations euro-arabes, islamo-chrétiennes et Nord-Sud, auxquelles il a ajouté le drame palestinien, abcès de fixation de tout un monde obsédé par l’injustice faite à la Palestine, qui a servi de prétexte à la prise de pouvoir des militaires dans la plupart des pays arabes. M. Hamadé a passé au crible de la critique aussi bien les égarements des régimes arabes que les errements et incohérences des démocraties à l’occidentale faussées par les appétits hégémoniques des États-Unis, la surveillance policière, la bureaucratie, la tyrannie des marchés et du capital. M. Hamadé n’a pas été moins critique à l’égard de « la débâcle que subit la démocratie dans le monde arabe » et « du développement, au détriment de l’ouverture et du dialogue propres à l’islam et à l’arabisme, d’une nouvelle culture, celle des moukhabarat ». En conclusion, M. Hamadé a dégagé les perspectives de changement dans le monde arabe et islamique en affirmant : « Il faut donc impérativement reconnaître avec Tariq Ramadan (penseur et essayiste) que le monde arabe et musulman traverse une réelle crise en matière de renouveau intellectuel, de projet social comme politique. « Et comme la seule opposition à l’Occident ne suffit pas à construire une alternative, une réforme s’impose donc et en profondeur. Celle-ci ne pouvant se faire par un monologue dialogué qui met en présence des penseurs occidentaux avec des musulmans qui utilisent les mêmes registres, il ne faut pas craindre le dialogue avec l’intérieur même fondamentaliste. Il ne faut pas y voir un repli sur soi, un retour au passé. N’est pas toujours libéral celui qui le clame trop haut et certains religieux peuvent être plus démocrates qu’on le croit. « Voilà où se situe donc notre véritable dilemme : la dictature est-elle en islam une fatalité de l’histoire ? Autour de cette question s’articule un débat sans fin sur les rapports entre l’islam, la démocratie et le développement. Y aurait-il là une antinomie irréversible, et le monde arabe, particulièrement imprégné de l’esprit religieux, en serait-il, dans son développement futur, comme il l’a été, dans son passé récent, la principale victime ? Organisez, aujourd’hui, des élections libres dans chacun des États de notre rive sud. Ce sont les partis musulmans qui l’emporteraient. Et alors ? Dans notre contexte, la nature d’un scrutin est plus importante que ses résultats. «En ce temps de turbulences mondiales, où les Cassandre du choc des civilisations, des cultures et des religions s’en donnent à cœur joie, le sujet qu’il m’a été imparti de traiter aujourd’hui, et que j’ai tenté d’aborder en cette séance inaugurale, sous différents angles, requiert désormais un certain nombre de conclusions. La première est dans la nécessité d’une révolution culturelle non importée, générée par la jeunesse arabe et musulmane, et appelée – nous l’espérons – à durer moins longtemps que la réforme chrétienne. Plus que les institutions, ce sont les fondements mêmes de notre pensée qui sont en crise. Or comme personne ne détient un monopole sur l’islam, les locomotives du changement seront sans doute les plus ouvertes à l’ijtihad, à la jurisprudence, c’est-à-dire à l’innovation. Un rôle particulièrement pointu reviendra sans doute au chiisme mais il faut que le débat s’installe et se développe au cœur de la majorité sunnite pour espérer des résultats probants. « La seconde conclusion est qu’aucun État arabe ne sera épargné par la contestation, les monarchies écorchées par la presse occidentale autant que les républiques essoufflées par des décennies de pouvoir militaire. Les bases américaines comme les gardes républicains sont des protections illusoires. « Ma troisième conclusion est qu’au-delà de notre crise de croissance actuelle, le phénomène de globalisation jouera son rôle d’accélérateur forcé du changement. C’est d’ailleurs la vitesse propulsée par la médiatisation globale qui provoque et explique les dérapages actuels, y compris les réactions violentes à tout ce qui affecte le monde arabe et musulman, notamment en Palestine. Les télévisions panarabes, les canaux satellites (je pense à el-jazirah par exemple) envoient désormais, du Golfe à l’Atlantique, des décharges politiques et culturelles survoltées. « Ma dernière observation sera pour plaider la cause d’une solidarité culturelle franco-arabe et euro-arabe qui soustendra, à coup sûr, une approche politique et économique convergente à l’égard des grands problèmes mondiaux. Or si une révolution culturelle s’impose sur nos rives, nos fils et nos frères établis sur les vôtres peuvent y apporter une salutaire contribution. Dès l’instant où l’on autorise les doubles et triples nationalités, voire la “multi allégeance”, à plus forte raison apprendra-t-on ensemble non pas à maintenir des exceptions culturelles mais plutôt à ériger des solidarités culturelles, basées à la fois sur des valeurs universelles, c’est-à-dire propres à l’humanité entière, comme sur des valeurs et des critères spécifiques à chaque ensemble ou communauté culturelle. Ces solidarités culturelles se traduiront nécessairement par des affinités puis par des rapprochements dans la nature de nos systèmes pour aboutir enfin à des alliances politiques. La démocratie musulmane que l’expérience turque doit encore confirmer, si l’Europe lui en accorde la chance, la démocratie consensuelle islamo-chrétienne que le Liban incarne malgré ses difficultés trouveraient dès lors leur place dans la panoplie des recettes à prescrire autour de la Méditerranée. (Ici, permettez-moi de dire, en passant, qu’un renversement du pouvoir à Ankara par les militaires ou, dans l’autre sens, un « dérapage » du gouvernement de l’islam vers l’islamisme renverrait à de longues années encore la possibilité d’une symbiose avec l’Europe). Avec en mémoire la dissolution du FIS en Algérie, la société arabe, islamistes et laïcs compris, finira par réaliser que la démocratie reste le seul remède aux contradictions internes et le seuil tout indiqué du développement durable. »
«Démocratie et développement, quelle vision pour le monde arabe ? ». Sous ce titre aussi vaste qu’une encyclopédie, le ministre des Déplacés Marwan Hamadé est intervenu, hier, à Aix-en-Provence, dans le cadre de la semaine de coopération et de solidarité interuniversitaire sur le thème « Échanges et solidarité, le monde arabe dans l’espace méditerranéen ». Le...