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Actualités - REPORTAGE

ARCHÉOLOGIE - L’équipe de l’Université de Barcelone termine sa campagne de fouilles à Tyr La plus grande nécropole phénicienne livre ses secrets(photos)

La Tyr phénicienne dévoile les secrets de son domaine des morts. La plus grande nécropole phénicienne a été fouillée cette année au sud de la ville, révélant ainsi l’existence de quatre-vingts urnes funéraires. C’est une première dans le monde de l’archéologie phénicienne car, en dehors de Carthage, aucune autre cité n’avait recelé un tel nombre de tombes. Pour l’équipe de l’Université de Barcelone, chargée par la direction générale des Antiquités d’effectuer les fouilles, cette découverte est considérée comme un bond en avant dans la reconstitution de l’histoire de la civilisation phénicienne, car elle permettra d’élucider un grand nombre de mystères relatifs à cette ville qui fut un temps maîtresse de la Méditerranée. Située à quatre mètres de profondeur, la nécropole devait s’étendre sur une surface approximative d’un kilomètre carré dont seuls treize mètres ont été fouillés cette année. « Cette nécropole était consacrée aux adultes. Car chez les Phéniciens, les enfants de moins de dix ans n’étaient pas considérés comme des membres effectifs de la société et avaient par conséquent leurs propres cimetières », explique l’archéologue responsable des fouilles, Maria Eugénia Aubet. À cette première particularité vient s’ajouter une seconde, relative au mode d’enterrement traditionnel des Phéniciens. « Ils pratiquaient l’incinération à l’air libre, note la spécialiste. Le corps du défunt était dépouillé de ses bijoux, déposé sur un bûcher et incinéré à l’air libre. Par la suite, les cendres et les ossements étaient recueillis dans une urne où étaient déposés les bijoux du mort. L’urne funéraire était placée au centre d’une fosse creusée dans le sable et deux petites jarres lui étaient accolées. Ces dernières contenaient du vin et de l’eau pour aider le mort dans son passage vers l’au-delà », explique Mme Aubet. Les tombes riches étaient souvent dotées d’une stèle où une inscription en caractères phéniciens immortalisait le défunt. Et à la grande joie des archéologues, une stèle de ce type a été découverte cette année. En première lecture, il s’agit du nom du défunt écrit en neuf lettres. L’étude détaillée de ces dernières permettra à l’épigraphiste de tirer de nouvelles conclusions, voire de tracer une lignée familiale. De plus, la fouille de cette nécropole a permis aux archéologues de parfaire leurs connaissances sur les relations extérieures qu’entretenaient les habitants de cette ville. «Le grand nombre de scarabées égyptiens déterrés dans les urnes atteste de l’étroite relation entre ces deux civilisations et même de l’interaction au niveau des croyances. Quant aux amulettes et autres objets en céramique importée, ils témoignent de la relation maintenue entre Tyr et ses colonies méditerranéennes.» Le rhumatisme, maladie répandue à l’époque phénicienne Si la fouille de ces urnes et de la nécropole a fourni toutes ces informations d’ordre socioculturel sur la civilisation phénicienne, l’étude des ossements permet en outre de définir les maladies de l’époque. L’anthropologue physique Laura Trelliso, qui a déjà entamé les recherches, avance certaines données. « La moyenne d’âge de cette population était de trente-cinq ans, et un grand nombre de ces défunts souffrait de rhumatisme, d’hernie de la moelle épinière et de graves infections dues au travail physique. Malheureusement, l’incinération a détruit l’ADN sinon on aurait effectué des tests pour diagnostiquer d’autres maladies », poursuit-elle. Parallèlement à ces recherches, l’équipe travaille pour reconstituer le paysage de la ville à l’époque. Dans cet objectif, des géologues et une botaniste étudient les sols et la flore. Les premières conclusions ont confirmé l’hypothèse, avancée cette année par l’équipe des géomorphologues français travaillant dans cette ville, qu’à l’époque phénicienne, Tyr était bel et bien dotée d’une lagune, la nécropole était d’ailleurs creusée dans ses parages. « L’ensemble de ces recherches permettra de raconter l’histoire de la ville de Tyr à son apogée et de modifier certaines hypothèses existant depuis le XIXe siècle, indique Mme Aubet. Car jusqu’à présent, on essayait d’écrire l’histoire de cette cité à partir de ses colonies, or l’image était toujours tronquée, pauvre et même fausse. On croyait, par exemple, que la naissance des colonies phéniciennes a eu lieu suite à une forte émigration de la jeunesse quittant la terre natale par manque de ressources agricoles et d’argent. Cette fouille prouve cependant que cette hypothèse est erronée puisque le matériel découvert montre la grande richesse des habitants », explique l’archéologue en charge des fouilles. Peut-être que ces Phéniciens n’ont pas quitté leur ville natale pour fuir la misère mais pour faire fortune ailleurs. La fouille de la nécropole de Tyr est un projet libano-espagnol. C’est une étroite collaboration entre l’Université de Barcelone et la direction générale des Antiquités qui a commencé en 1997 lors de la découverte fortuite de la nécropole. À l’époque, les travaux de construction d’un immeuble avaient mis au jour les urnes funéraires et la DGA avait fait appel à Mme Aubet pour la charger des fouilles. Après la première campagne de sauvetage, cette spécialiste s’est rendu compte de l’ampleur de la découverte et a décidé de mettre au point un plan d’action et de fouilles étalé sur trois ans. Cette campagne, octobre-novembre 2002, constitue la première phase de ce projet. « Nous allons fouiller juste une partie du cimetière pour laisser aux générations futures le soin d’étudier le reste », explique-t-elle. Pour ce qui est du matériel découvert, la DGA a déjà prévu son exposition au musée de la ville de Tyr. « Une salle de ce musée sera consacrée à la nécropole phénicienne, assure l’archéologue responsable du bureau de la DGA à Tyr, Ali Badawi. Il s’agit d’une reconstitution des tombes dans leur contexte d’origine. Elles seront de nouveau placées dans du sable, certaines seront recouvertes, d’autres apparentes avec les jarres accolées et les stèles. L’objectif de ce projet est de montrer le mode d’enterrement des Phéniciens de façon intéressante et originale. » En attendant la réalisation de ce projet, les urnes sont déposées aux entrepôts de la DGA alors que le matériel est étudié par les spécialistes qui ont hâte de retourner sur ce site dans un an afin de poursuivre leur enquête sur les morts phéniciens. Joanne FARCHAKH
La Tyr phénicienne dévoile les secrets de son domaine des morts. La plus grande nécropole phénicienne a été fouillée cette année au sud de la ville, révélant ainsi l’existence de quatre-vingts urnes funéraires. C’est une première dans le monde de l’archéologie phénicienne car, en dehors de Carthage, aucune autre cité n’avait recelé un tel nombre de tombes. Pour l’équipe...