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CONCERT Au Centre Démirdjian Vahan Mardirossian : un piano habité de féerie (photo)

L’évènement musical de la semaine était du côté du Centre Démirdjian (Antélias) où un jeune pianiste, d’origine arménienne mais en droite ligne de Paris, officiait dans une salle pleine et religieusement recueillie. Ton beige clair et chaleur du bois avec un plafond taillé en alvéoles carrées d’intérieur de vaisseau spatial, tel était le cadre aux teintes automnales pastellisées pour enserrer les partitions de Schubert, de Brahms, de Ravel et de Schumann. Présenté par l’Ugab pour constituer un généreux fonds de bourse destiné aux élèves nécessiteux, Vahan Mardirossian a offert aux pianophiles un concert unique où il s’est improvisé tout d’abord un sympathique présentateur, pétillant de vivacité et débordant d’une verve alliant simplicité et humour. Au menu riche, brillant et à la consonance romantique, des pages éblouissantes de virtuosité qui ont laissé à l’auditoire l’impression d’un piano habité de féerie… Ouverture brillantissime avec la Fantaisie du voyageur de Franz Schubert où quatre mouvements enfilés comme mailles ont fait dire à Liszt, un autre « phénomène » du piano : « Il n’y a que le diable qui puisse jouer cette œuvre périlleuse… » Technique ardue aux contorsions de doigts multiples pour une narration « diabolique ». Une narration à l’exaltation romantique où défilent des paysages baignés de larmes et de pluie tout en gardant à la sérénité et à la transparence de grandes plages d’azur où l’air est d’une pureté absolue. Des couleurs de l’arc-en-ciel après un ciel d’orage à celui des intermittences du cœur, il n’y a qu’un pas, allègrement franchi par Mardirossian. Pour prendre le relais, les doux tourments de l’amour avec Thème et variations en ré mineur, transcrits au piano d’après le sextuor à cordes op. 18 de Johannes Brahms, ce musicien originaire des bords de l’Elbe et émigré jusqu’au Danube. Dédiée à Clara Schumann, la femme aimée en secret et avec dévotion, cette partition mêlant avec sentiment (ténébreux et emphatique romantisme !) recherche, souci de clarté et parfois une certaine fantaisie, restitue la grâce et la tendresse d’une écriture pianistique originale se nourrissant de la rigueur de Bach et des emportements beethovéniens. Pour clôturer la première partie du programme, une œuvre aux sonorités un peu lointaines, évanescentes et à l’élégance bien française, Pavane pour une infante défunte de Maurice Ravel. « Incomplète et sans audace » aurait dit Ravel lui-même de cette pavane écrite lors du décès de la princesse de Polignac. Mais œuvre d’un lyrisme singulier laissant pointer quand même l’esprit d’indépendance et l’éclectisme d’un musicien, poète attentif à tous les frémissements de la vie. Après l’entracte et l’ouverture d’une grande baie vitrée sombre donnant sur une immense terrasse avec vue imprenable sur Dbayé avec ses colliers de lumière la nuit, reprise avec une œuvre majeure du répertoire pianistique, un authentique bijou et révélation de la personnalité de Robert Schumann. On parle, bien entendu, du Carnaval (op. 9) où, entre Florestan, impatient et exalté, et Eusébius, rêveur et tendre, se dégage le portrait du compositeur lui-même, dédoublé comme tout héros romantique. Mal du siècle où veillent Heine et Musset et que Schumann fait vivre dans cette narration aux clins d’œil multiples à ses contemporains tout en déclarant sa première flamme à cette séduisante Ernestine de Frincken au visage de madone…En un étourdissant kaléidoscope d’images sonores tourbillonnent ces mélodies évoquant les turbulences d’un siècle porté à la démesure. Premières phrases presque solennelles vite répandues en vastes nappes sonores s’échappant brusquement, avec violence ou en rangs serrés, en chromatismes perlés, grands arpèges incandescents ou magnifiques grappes de notes opalescentes. Standing ovation spontanée après les majestueuses Danses de fils de David qui clôturent en apothéose une œuvre torrentielle et polymorphe où le plaisir et la douleur font orageusement chambre commune. Un premier bis, d’une beauté à couper le souffle par sa vélocité et ses pointes sèches, une haletante Toccata tout en feu et profondément couleur grenat, signée Aram Khatchadourian, interprétée ici sans répit et presque avec rage, comme un inarticulable cri du cœur. Second bis, à l’architecture magnifique et fervent comme une prière, un prélude de Bach, d’une infinie tendresse doublée de la plus éthérée des spiritualités. La caresse d’un ange aurait dit le poète devant le mystérieux sourire du pianiste si complice avec son clavier. Après cela, peu de rappels sont permis comme avait prédit Van Mardirossian, excellent « passeur » d’émotion, dont on n’est pas près d’oublier de sitôt l’exceptionnelle prestation. Edgar Davidian
L’évènement musical de la semaine était du côté du Centre Démirdjian (Antélias) où un jeune pianiste, d’origine arménienne mais en droite ligne de Paris, officiait dans une salle pleine et religieusement recueillie. Ton beige clair et chaleur du bois avec un plafond taillé en alvéoles carrées d’intérieur de vaisseau spatial, tel était le cadre aux teintes automnales...